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Maintenant près de son lit, triturant encore les roues de son fauteuil, Katsuki étire un sourire à son visage en baissant la tête vers ses genoux.
Il a toujours trouvé un peu gênant ces moments de transfert, alors qu'il dévoile encore plus l'immobilité de ses jambes en les manipulant avec ses mains.
En même temps, sa poitrine grésille encore très fort de ce premier baiser tout aussi puissant qu'inattendu, dans la douceur de cette étreinte presque murmurée au creux de l'oreille.

Il y avait longtemps que son cœur ne s'était pas emballé autant de fois en une journée, et surtout pas de cette manière, alors que ses pulsations se sont emportées à chaque nouvelle parole d'Izuku.
Puis lorsqu'il lui a demandé de s'approcher, ses mains sont devenues si moites sur le métal de ses roues qu'il a presque peiné à les faire tourner.
Une fois ou deux aussi, il a voulu pleurer, en songeant à la paralysie de la moitié de son corps, et à cette manière inédite dont Izuku semble s'en foutre complètement.

C'est vrai qu'à travers son regard, il ne s'est jamais senti différent, et Izuku ne s'est même jamais permis de lui faire de réflexion concernant sa culpabilité dans son propre accident.
A vrai dire, il apparaît même qu'il considère cet élément comme tout à fait secondaire, un morceau de passé qui, si honteux et douloureux soit il, ne représente en rien la personne qu'il est aujourd'hui.

Katsuki ne connaissait plus cette sensation, celle d'être simplement et totalement accepté, observé avec autant d'humilité et de douceur, et le pétillement longtemps oublié des sentiments amoureux resurgissent de nul part comme un animal déchaîné, jusqu'alors maintenu prisonnier.
De l'autre côté du matelas, Izuku triture un peu ses mains en attendant l'autorisation de prendre place, et le silence qui enveloppe l'atmosphère se révèle plus doux que lourd.

Un apaisement tout nouveau attrape la gorge de Katsuki, une impression de non gêne qu'il vit pour la première fois depuis des années, et il en oublie même l'espace de quatre secondes qu'il déteste l'état de son corps.
Peut être parce qu'il sait qu'Izuku ne le regarde pas sous cet angle là, un élan soudain active ses bras quand il bloque les freins de ses roues avant de se transférer sur le lit.
A la force de ses bras, il glisse sur les draps et s'agrippant à la mousse du matelas, puis, sans détourner le regard, il emporte ses jambes avec lui.

Tirant sur le tissu de son pantalon pour soulever les muscles inertes, il ramène ses cuisses dans une position convenable, qu'il devine à peu près confortable, et un vieux réflexe le pousse à plaquer ses mains sur ses genoux.
Une sorte de défense pour les cacher un minimum, tenter une simuler un peu de vie là où il n'y en a plus, et un soupir transperce sa gorge plus bruyamment qu'il ne l'aurait pensé.

_ Viens. rit-il avec un peu de gêne. Tu vas pas rester planté là.

Un mètre plus loin, Izuku ricane nerveusement à ses mots, se révélant pas forcément plus confiant que lui finalement, et acquiesce à son invitation avant de le rejoindre.
S'installant d'abord sur le bord du lit, les pieds encore sur le sol et une main appuyée près d'un oreiller, il tourne la tête vers Katsuki, scrutant son visage en pinçant ses lèvres, et l'ambiance se débloque un peu à mesure que leur propre silence les fait machinalement rire.

Puis, déverrouillant un peu ses gestes, Izuku termine de s'incruster sur le matelas, étendant ses jambes devant lui et calant son dos bien droit contre le mur plaqué à la tête de lit.
Passablement tendu néanmoins, il humecte ses lèvres à plusieurs reprises, puis avale sa salive sans parler.

_ Avoue qu'on doit quand même en parler. intervient Katsuki en le voyant se tortiller des épaules.

Parce qu'Izuku a beau dire que ça ne change strictement rien pour lui, et c'est sans doute le cas, Katsuki veut y croire, il n'en reste pas moins que la paralysie du bas de corps garde un impact sur tout un tas de choses.

Breαthe meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant