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Certains jours se révèlent plus pénibles que d'autres et, pour Katsuki dont les journées ont cette fâcheuse tendance à se faire insupportables, la moindre contrariété supplémentaire les rends totalement ingérables.

Aujourd'hui, il se bat contre ses nerfs, prêts à lui craquer entre les doigts, et il ne sait même pas par quel miracle il n'est pas encore devenu cinglé.
Sa patience s'effiloche bien trop rapidement, à l'instar d'une vieille corde usée supportant une charge trois fois supérieure à sa capacité, et celle ci ne devrait plus tarder à se rompre complètement.

Dans son salon, tournant et retournant en rond sur son fauteuil roulant, il fait blanchir ses phalanges en serrant trop fort les mains courantes de ses roues, trahissant la surcharge de colère qui le ronge actuellement.
Il n'a pourtant rien demandé de compliqué, juste qu'on lui foute la paix un instant, ça ne devrait pas être la mer à boire.

Pourtant, cet après midi, quand Eijiro l'a contacté un peu après quatorze heures pour lui parler de la soirée de ce soir, donnée chez Momo comme à chaque fois, il a rapidement compris que cette discussion le gonflerait très très vite.
En suivant les conseils d'Izuku, il a décidé de ne plus s'écraser à leurs plaisirs personnels, et a simplement refusé l'invitation, expliquant juste qu'il ne voulait pas s'y rendre.

Et voilà le résultat.

La dernière fois qu'il a obéi à ses supposés amis pour les suivre chez Yaoyorozu, il a manqué de lâcher complètement prise, en se penchant près des marches en béton, alors qu'il ne pouvait plus supporter une seconde de plus cette comédie sans nom autour de lui.
C'était il y a un mois déjà et, malgré l'arrivée d'Izuku dans sa vie au même moment, malgré les centaines de messages échangés entre temps et le lien singulier qu'il s'est construit avec lui, il continue de détester son corps et sa situation.

Il aimerait qu'Eijiro, comme les autres, puissent comprendre que cette existence ne lui convient pas, qu'elle le rend malheureux, qu'il ne la supporte pas.
Il voudrait juste qu'ils puissent accepter de le laisser partir un peu, cesser de le faire prisonnier de ces vieilles relations aux relans de putréfaction.

Mais il semble que ça ne fonctionne pas ainsi pour eux et, face à son refus, Kirishima n'a fait qu'insister encore et encore, expliquant qu'il se devait d'être là pour ses amis, qu'il n'avait pas le droit de faire bande a part pour des caprices, ou même qu'il ne lui laisserait de toute manière pas le choix.
L'invitation est alors devenue un ordre, et Katsuki s'est énervé tout seul dans son salon une fois l'appel terminé.

Il sait désormais que, d'ici deux heures, Eijiro sera devant sa porte, prêt à le trimballer de force hors de l'appartement.
Sans ses jambes, Katsuki ne pourra rien faire de plus que vociférer des protestations dont personne ne tiendra compte et, une fois de plus, il sera jeté contre son gré au centre de l'hypocrisie d'une soirée à gerber.

Alors, pour passer un peu ses nerfs, il se réfugie dans l'écran de son portable comme on se précipite vers une oasis au milieu du désert mortel.
Composant un message qui se rajoutera aux centaines d'autres, il se laisse aller en écrivant à Izuku.
C'est une habitude qu'il a pris, presque sans s'en rendre compte, et la rage de son ventre trace elle même les mots colériques sur le clavier.

A: Izuku
→Eijiro m'a appelé pour la soirée chez Momo ce soir. J'ai dis non mais ce connard me laisse pas le choix apparemment. Il va se pointer chez moi et me foutre dehors de force, alors que je veux pas y aller à leur soirée de merde.

C'est même devenu un rituel, de coucher ses colères et ses frustrations sur l'écran de son portable pour les faire parvenir à Izuku.
L'opération se révèle satisfaisante à tous les coups, alors que, de l'autre côté de la ligne, ce dernier parvient systématiquement à mettre les mots justes sur les émotions de Katsuki.
Un peu comme s'il pouvait réellement le comprendre, cerner ses sentiments quand son quotidien le blesse, et sa capacité à toujours répondre de la bonne manière lui offre une sorte de point d'ancrage.

Breαthe meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant