Il attendait depuis dix minutes dans le grand hall de la start-up. Assis sur un des nouveaux sièges dans les couloirs de l'entreprise. Ces beaux sièges en plastiques vert, violet ou bleu. Le sien était rose.
Elle était juste en face de lui, positionnée à l'autre bout du hall. Et lui, il attendait sur sa chaise. Comme si une quelconque interaction gravitationnelle retenait son fessier au plastique rose. Ce plastique rose qui se balançait sous l'assaut d'un terrible envahisseur : le stress.
Il attendait, nerveux. Saisi par une sorte de peur, d'appréhension, mêlée à un peu de tristesse. Comme s'il allait s'engager dans le no man's land, la fleur au fusil. No man's land qui portait ici bien son nom. Entre lui et elle, il n'y avait personne. Pas âme qui vive. Même pas un collègue au distributeur. Il voulait lui parler. Discuter de tout, de rien. Discuter banalité, pour enfin l'approcher. C'était sa mission, le terrain était parfait. Mais ille minait lui même, à cause de ce stress. Ce satané stress.
Une force inconnue, une puissance s'empara de lui. Le jeune stagiaire cessa de trémousser sur la chaise rose. Les pensées négatives qui hantaient son esprit cessèrent d'un coup, anéanties. Comme si quelqu'un avait appuyé sur un bouton « stop ».Quelque instance avait mis fin à ce chaos, à cette confusion mentale. Puis une voix résonna chez lui. C'était sa voix. Sa voix, mais pas exactement la sienne. Une voix plus assurée, mais mécontente aussi. Une voix mécontente qui s'exprimait comme embarrassé par toute cette histoire. La voix dit : « Bon, c'est fini les conneries. Allez on y va ! ». Et il y alla.
Le petit stagiaire se leva de sa chaise. Il contempla : elle était sur son téléphone, comme si elle ne remarquait pas l'existence des choses. Lui par contre, il l'avait en visuel. Depuis trop longtemps, d'ailleurs. Les tambours de la guerre vrombirent à ses oreilles. Puis il progressa vers son objectif. Tout se mélangea à son esprit. Comme si quelqu'un avait remixé le discours de Léonidas du film 300 ( qu'il regardait tout les soirs pour se donner du courage ), « La Resa » de EnnioMoricone et Ocho Cinco de DJ Snake. Un capharnaüm extraordinaire. Mais ça marchait, ça l'encourageait. Alors il avançait, fièrement, comme porté par la fougue des spartiates sauvages, bien qu'il n'en n'avait pas la physionomie.
Il continuait de plus en plus. Ignorant la peur qui le tiraillait quelque jours plus tôt, ignorant les 350 issues négatives qu'il avait imaginé auparavant. Ignorant les qui se hérissaient sur sa chair fragile. Mais elle était là. La jeune cadre qui avait volé son cœur, comme le Grinch avait volé Noël. Quelques mètres le séparait de son objectif, et les spartiates fiers et féroces redoublèrent en allégresse. Et il entendit les jambières claquer le fer ! La course furieuse des boucliers, la clameur vaillante dès hoplites ! « Ahou ! Ahou ! Ahou ! ».Enfin, il arriva devant elle, planté sur ses jambes , prêt à bondir. Prêt à passer à l'attaque.
« Aouh ! ».
Elle le fixa après cela pendant cinq secondes. Il se ravisa, portant les mains à sa bouche, extrêmement gêné. Plus de spartiates. Plus de musique. Plus de puissance. Et il se rendit compte, qu'il avait malheureusement pensé trop fort.
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Carabistouilles, Prose et essais écrits pour le fun
AcakPour le fun, tout est dans le titre.