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Harry venait de racheter une ancienne boulangerie dans un petit village isolé. Envie de changement ? Pas vraiment... Il connaissait la région pour y avoir habité lorsqu'il était plus jeune et pour y avoir passé son enfance et son adolescence. Alors, connaissant le cadre idyllique de vie qui s'y prêtait (oui, en 15 ans, peu de choses avaient changé), il avait voulu ça pour son garçon. Il avait voulu quitter sa vie tumultueuse de la grande ville, pour le calme apaisant et la sérénité de son village d'enfance. Ici, Thomas pourra s'épanouir pleinement et en toute sécurité !

D'ailleurs, cela faisait à peine 10 minutes qu'ils avaient garé le camion de déménagement, qu'il s'était déjà fait un copain ! Harry jeta un œil dans le rétroviseur pour le surveiller un instant, puis détourna vite le regard, secouant la tête en souriant de sa bêtise.

Il avait l'habitude, à Paris, de ne jamais le quitter des yeux et de ne jamais le laisser s'éloigner de lui. Mais ici, à Tibah, avec ces quelque 950 habitants, et où le prochain village était à pas moins de 20 km, l'endroit ne connaissait pas la criminalité. Le plus gros fait d'hiver de la région, de ces 10 dernières années, était dû aux vieux Armand et Bruno, qui avaient fait appel à la gendarmerie locale pour un désaccord sur la position d'un salon de jardin, soi-disant là pour « espionner mes faits et gestes ! ».

Ou encore lors de la dernière fête du village, où un pétard de feu d'artifice s'était dirigé droit vers l'un des arbres ornant la mairie et y avait mis le feu...

Oh, bien sûr, les habitants avaient conscience de l'insécurité qui régnait à l'extérieur, et avaient tout de même pris l'habitude de bien fermer leurs portes à clé, mais c'était une précaution presque superflue, car aucun cambriolage n'avait été reporté depuis... toujours.

Harry descendit du camion et se dirigea vers les portes arrière pour commencer à décharger les cartons et les meubles, lorsqu'une voix l'interpella.

— Hey, joli petit cul, besoin d'un coup de main ?

Il se figea un instant avant de se retourner en étouffant un rire.

— Tu sais toujours aussi bien soigner tes entrées, Kendall, n'est-ce pas ? s'esclaffa-t-il en ayant reconnu la voix de sa meilleure amie de l'époque.

Elle le rejoignit bien vite dans son rire, s'avança vers lui pour les accolades de retrouvailles, et lui claqua les fesses avant de s'éloigner.

— Qu'est-ce que tu crois ? J'ai une réputation à tenir, monsieur ! lança-t-elle hilare.

— Même après toutes ces années ? rétorqua-t-il sur le même ton.

Puis en approchant davantage encore, quelques centimètres à peine les séparant, il leva sa main, comme pour caresser la fine peau de son visage... mais se contenta de tapoter une zone précise du doigt.

— D'ailleurs, ce ne sont pas des rides, que je vois là ?

Elle le repoussa vivement, et un fou rire le prit si soudainement que ça le fit tousser.

— Hey ! j'te permets pas !

Tout en reprenant son souffle, il remonta à l'arrière du Boxer qu'il avait loué pour déposer au sol une caisse qui se trouvait sur un de ses meubles, puis sauta de nouveau sur le trottoir en prenant son bien dans ses bras.

Pendant ce temps-là, Kendall s'était elle aussi calmée et balança :

— Je savais bien que cette petite tête bouclée ne pouvait appartenir qu'à une seule personne.

Harry se recula pour la dévisager, en fronçant les sourcils.

— Ton petit garçon. Cédric vient de le ramener chez moi, ils sont en train de goûter.

Il n'eut pas le temps de réagir qu'elle poursuivit.

— Avant de monter sur tes grands chevaux, tu aurais bien besoin d'une pause non ? Viens donc à la maison un moment que je te présente la petite famille.

— Ce ne serait pas de refus après 6 heures de route, mais il est déjà tard, et je voudrais au moins avoir le temps de décharger le lit de Thomas et le mien, ainsi que le nécessaire pour le petit-déjeuner et pour notre toilette de demain matin donc je pense qu'on devrait...

— Eh, papy, décoince-toi du cul et vient profiter avec tes vieux amis ! le coupa-t-elle en accompagnant ses mots d'une bourrade à l'épaule, Paul viendra t'aider plus tard !

— Tu sais que ta phrase pourrait avoir un double sens, si je ne te connaissais pas aussi bien ? lui répondit-il en fermant la porte arrière du camion, puis en se saisissant de nouveau de sa caisse.

Alors qu'ils se mirent en route vers la maison de son amie, qui n'était qu'à quelques mètres de là, de l'autre côté de la route, il poursuivit :

— Vous êtes toujours ensemble ? s'étonna-t-il en stoppant brusquement.

— Écoute, soit tu rappliques tout de suite, soit je te castre, c'est ton choix ! rétorqua-t-elle simplement en tournant les talons.

— Toujours aussi directive, hein ?

— Mais tu aimes tellement ça...

Il y eut un instant de silence, avant que les deux amis n'explosent de rire.

Ils reprirent leur chemin et elle lui ouvrit sa porte d'entrée pour le laisser passer. Il déposa son carton près des porte-manteaux, et retira ses chaussures avant de suivre Kendall vers la cuisine. Il y vit Thomas en train de boire un chocolat chaud en compagnie d'un petit blondinet. Lorsque ce dernier vit Harry, il se leva de sa chaise et vint lui dire bonjour.

— Bonjour, monsieur, je m'appelle Cédric ! Vous êtes le papa de Thomas ? Il est gentil et ce sera mon meilleur copain cette année ! Mais vous savez, m'sieur ? Il est dangereux votre fils, il a failli m'asperger de poivre !

Harry souffla de soulagement et s'abandonna à un rire franc. Au moins, son fils a bien retenu ce qu'il lui a appris et ne sera donc pas puni pour avoir approché des étrangers. Surtout qu'il n'avait pas pu passer à côté de l'immense panneau dans l'entrée avec toutes leurs photos de lycée, et il s'était reconnu sur pas mal d'entre elles. Sûr que Thomas avait dû en faire autant.

— Il ne sera donc pas puni, Cédric ! C'est très bien.

— Très bien ? Mais ça aurait pu être dangereux, j'aurais pu être aveugle, m'sieur !

Kendall s'approcha de son petit et le rassura.

— Bien sûr que non, Cédric, tu n'aurais pas été aveugle ! Mais je t'ai déjà dit de ne pas te faufiler derrière les gens pour leur faire peur, surtout quand ces gens arrivent de la grande ville ! Il y a des gens méchants qui y vivent, et Harry et Thomas ont appris à se protéger d'eux, tu comprends ?

— Mais, Harry et Thomas, y sont pas méchants ? demanda Cédric en reculant d'un pas, soudain méfiant.

— Non, ils ne sont pas méchants ! sourit sa mère. Harry a vécu à Tibah et il était même mon meilleur ami quand j'allais à l'école. Tu as dû le reconnaître sur les photos, non ?

Elle se releva, et Cédric courut vers l'entrée pour vérifier les photos. Il revint comme une tornade presque aussitôt.

— Thomas, Thomas ! Faut que tu viennes voir ton papa ! Il avait de longs cheveux, c'est trop drôle !

Et ledit Thomas abandonna son bol pour suivre son nouvel ami et des rires se firent rapidement entendre.

— Ne me dit pas que tu as gardé...

— Les photos du carnaval et de nos soirées ? Bien sûr que si ! Ton fils va en apprendre pleins sur son père, crois-moi ! Ajouta-t-elle en tapotant son épaule.

Puis, en s'éloignant vers la cuisine, elle lança, sous le rire amusé de Harry :

— Bienvenue à Tibah, monsieur le parisien !


Professeur de mon cœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant