J'aurais tout fait pour toi

Chapitre 17

Le jeudi, c'était la journée où nous allions au cours de natation. Vers 14 heures, on se rendait à pied à la piscine municipale.

Moi, j'aimais bien nager. Petite, mes parents m'avaient inscrite à un cours particulier afin d'être à l'aise dans l'eau.

Par contre, en tant qu'ancienne meilleure amie de Salomé, je savais à quel point, elle détestait le jeudi après-midi. C'était son supplice.

Salomé ne savait pas bien nager, elle avait peur de se noyer et cela insupportait la prof de gym. Essoufflée et rouge-écarlate, elle avait toujours du mal à tenir le rythme durant le cours. C'était une véritable épreuve pour elle. Les autres élèves l'entendaient souffler, tousser, s'étouffer pendant tout le cours. Elle faisait peine à voir.

Chaque mercredi, Salomé espérait de tout son cœur voir apparaître une horrible verrue sur son pied afin d'éviter d'aller au cours. Elle aurait tout fait pour être malade ou pour se casser une jambe. Un plâtre aurait été un vrai miracle pour louper plusieurs semaines de cours mais il fallait bien qu'elle se fasse une raison, sa maman était à court d'idées pour lui faire « louper » de temps à autre le cours tant redouté.

Salomé ne pourra pas participer au cours de natation, car elle digère mal ses pruneaux.

Salomé ne pourra pas nager aujourd'hui, car le chien a mangé son maillot.

Salomé ne pourra pas participer au cours de sport, car elle se rétablit difficilement de sa grippe de l'hiver passé.

Salomé ne pourra pas participer au cours de piscine, car son papa est allergique au chlore.

Salomé devait survivre au cours de piscine. Qu'elle le veuille ou non.

Ce jeudi-là, Eléah était en pleine forme. Surexcitée, elle n'arrêtait pas d'embêter son monde et de faire sa maligne. Elle était intenable. Sans surprise, elle ne put se retenir de pouffer de rire lorsque Salomé apparut dans un vieux maillot orange fluo.

J'avoue, il n'était pas beau du tout. Je le reconnus directement. C'était l'ancien maillot de sa sœur ainée et comme la famille ne roulait pas sur l'or, Salomé avait hérité du maillot d'Inès.

-Et les filles ! Regardez, on dirait un hippopotame, lança Eléah en se mettant à rire aux éclats.

Salomé piqua un fard, ne sachant plus où se mettre. Déjà qu'elle ne se trouvait pas jolie du tout et qu'elle se trouvait trop grosse, elle aurait voulu mourir sur place lorsqu'Eléah se moqua d'elle devant tout le monde. Mais elle était condamnée à rester là dans son horrible maillot orange qu'elle détesta aussitôt.

-Si Salomé se noie, on aura facile à la retrouver au fond du bassin.

Toutes les filles se mirent à rire. Sauf moi. C'était trop méchant. L'ancienne Sloann réussissait enfin à reprendre le dessus. Ce qu'il venait de se passer me choquait, mais je n'eus pas le courage d'intervenir. Je ne défendis pas Salomé.

Les rires des filles me retournaient l'estomac. Mais je restais muette, impuissante. Je savais que si j'osais dire quelque chose, je le regretterais amèrement. J'eus une pensée pour mes parents à qui je cachais tout ça, pour Salomé que je trahissais jour après jour. Toutes ces pensées me firent mal, très mal. À me couper le souffle. Mais comment sortir dans ce silence destructeur ? Comment revenir en arrière ? Comment oser avouer à mon entourage que je mentais depuis l'arrivée d'Eléah ?

Tout à coup, je criai :

-Tais-toi, Eléah !

Toutes les filles me fixèrent, abasourdies. Plus personne n'osa se moquer. Eléah me fusilla du regard, surprise par mon intervention.

Elle chercha des yeux la prof de gym et comme celle-ci ne regardait pas par ici, elle me poussa violemment dans l'eau pour se venger.

- C'est toi qui vas te taire !

Je tombai en arrière dans le bassin et bus la tasse.

-Ça t'apprendra à défendre Salomé !

Je fus punie par la prof lorsque celle-ci me vit dans l'eau sans son autorisation. Mais cela m'était complètement égal. J'avais osé réagir pour la première fois. Je savais que cela ne rattraperait pas mes erreurs passées, mais c'était déjà mieux que rien.