Chapitre 50 ( 20 ans)

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     J'ai 20 ans.

J'y suis finalement arrivée. J'ai survécu à ces années de galères.

J'ai réussi à m'en sortir, à comprendre pourquoi j'en étais arrivée là. J'ai réussi à me reconstruire et à accepter mon parcours.

La plupart du temps, j'essaie de ne plus penser à Eléah, de mettre tous ces mauvais souvenirs dans un coin de ma tête pour qu'ils ne me gâchent plus la vie, mais je sais pertinemment qu'au fond, Eléah sera toujours un peu là, tapie dans les ténèbres.

Je ne peux pas oublier tout ce qu'elle m'a fait subir. Je ne veux pas faire comme si cela n'avait pas existé. Les cicatrices sont toujours là. Puis, ce serait trop bête de ne pas tirer les leçons de mes erreurs. 

J'ai réalisé que, dès mes 9 ans, j'aurai dû en parler aux autres, me confier, ne surtout pas me taire et mentir comme je l'avais fait. Cela avait été ma pire erreur; garder le silence et laisser Eléah détruire ma vie.

Parfois, cela me fait bizarre de me dire qu'elle fait en quelque sorte partie de moi. Autour d'une conversation, d'un détail, d'un sourire, d'un souvenir, d'un objet, Eléah resurgit dans mes pensées. De nombreuses choses ou personnes me font penser à elle. C'est inévitable.

C'est étrange, mais quelquefois, je regrette d'avoir rencontré Eléah. Je regrette qu'elle ait changé d'école pour se retrouver dans ma vie, dans ma classe, à mon cours de piano. 

Pourquoi ici et pas ailleurs ? Pourquoi dans ma vie et non dans celle d'une autre ? Alors, je me dis qu'il faut accepter mon passé. Je peux regretter cette rencontre, mais je ne peux pas l'effacer. Impossible. Je dois apprivoiser ces années de galères. Ne plus culpabiliser. Arrêter de me refaire le film. Plus de regrets, plus de larmes.

J'ai appris récemment par Anaïs qu'Eléah venait de partir avec sa famille en Hollande. Sa mère aurait accepté un poste vacant dans une succursale de son entreprise. Récemment, Eléah aurait donc quitté la Belgique pour aller s'installer à Amsterdam. Cette nouvelle me troubla. J'étais à la fois soulagée et pensive. Une page de ma vie se tournait. Eléah était partie loin. Là-bas, elle serait suivie psychologiquement et sous médications, ordre du juge suite à cette fameuse soirée avec la Twingo jaune. Anaïs m'expliqua qu'Eléah n'avait plus le droit de passer son permis avant un bon moment et qu'elle avait dorénavant un casier judiciaire ainsi qu'une grosse amende à payer.

J'espére que cela la calmera pour un bon moment et que la Hollande sera un nouveau départ pour elle. En fait, je ne lui veux pas de mal. J'avais compris à l'époque qu'elle était malheureuse et qu'elle avait besoin d'aide. Je voudrais juste qu'elle arrête de pourrir la vie des autres. Et accessoirement, ne plus jamais la croiser.

Anaïs a pu être tirée d'affaire. Églantine a eu plusieurs sanctions minimes, mais elle assume totalement ses erreurs. Sa voiture saccagée a déjà été une sacrée leçon pour elle. Eglantine se demande encore maintenant pourquoi elle avait laissé Eléah conduire sa nouvelle voiture ?

Eléah n'a pourtant jamais avoué avoir pris le volant ce soir-là. Elle a tout nié en bloc. C'est la caméra de surveillance du parking du cinéma qui a prouvé qu'elle était au volant de la Twingo le soir des faits. Et le témoignage du père de famille qui s'était retrouvé face à elle sur la bretelle d'autoroute. Au poste de police, il avait directement reconnu Eléah. Cette fois-ci, sa beauté diaphane avait joué en sa défaveur.

Pour ma part, je n'ai plus jamais revu Eléah et c'est tant mieux. Sur les réseaux, j'ai décidé de la bloquer juste par principe, mais aussi pour me rassurer qu'elle ne pourrait plus jamais resurgir dans ma vie. J'ai aussi décidé de changer de numéro de téléphone. Juste au cas où.

Je pense que j'arrive doucement à tourner la page. Cette amitié a pourtant failli me détruire. J'en ai conscience.

Un point reste difficile à admettre. Un seul. Avant, j'aurais tout fait pour elle. Je le sais. Je l'admets. J'aurais tout fait pour cette fille.

J'aurais vraiment tout fait pour toi Eléah.

J'aurais pu t'aider à aller mieux si tu avais accepté mon aide, si tu avais voulu de mon amitié.

Dorénavant, je ne travaille plus au Tea-Room de Théodore. Je m'y rends uniquement en tant que cliente, soit accompagnée de mes parents, de Salomé ou de mes amies Anaïs, Églantine ou Margareth. Parfois, je m'y rends aussi en compagnie de Zachary.

Et oui, avec Zachary.

En fait, nous nous sommes rapprochés depuis quelque temps. Hors de question de se perdre de vue, une fois de plus. Zachary est encore plus gentil et attachant que ce que j'avais pu imaginer.

Serait-il vraiment mon « Léopold » à moi ?

Léonie le pense à mille pour cent. Et cela me fait rire. Je suis bien sûr toujours amie avec Mme Léonie. Nous passons, de temps en temps, des heures à papoter au-dessus d'un thé à la menthe et d'un cookie maison. Comment oublier notre petit rituel ?

Depuis trois mois, avec les précieux encouragements de mes parents, j'ai repris intensivement les cours de piano. J'ai également obtenu mon diplôme avec succès. Mieux vaut tard que jamais. Mme Carter me donne des cours particuliers pour rattraper mon retard. J'espère un jour devenir professeure de piano ou de musique.

Je serai attentive au bien-être de mes élèves et j'espère pouvoir prévenir toutes formes de harcèlement dans ma classe. Je me dis que cela peut être une belle idée d'utiliser le cours de musique pour faire comprendre aux jeunes que le harcèlement est grave, qu'il ne faut pas le laisser prendre de l'ampleur et qu'il ne faut surtout pas le cacher.

Maintenant, je sais que je suis capable de tout réussir.

J'ai la conviction que je vais aller mieux et que je serai heureuse.

Tout est possible pour moi, car plus personne ne pourra m'empêcher de réaliser mes rêves.








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J'aurais tout fait pour toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant