𝟎𝟓. Tourment Nocturne

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Je vous invite plus que grandement à écouter la musique en média pour accompagner ce chapitre. C'est une des plus belles musiques ayant été composée sur cette Terre.

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Depuis toujours, Itachi n'a toujours eu que trop bien conscience du monde dans lequel il subsistait.

Enfant déjà, il avait compris que quelque chose clochait dans ce qu'il voyait au quotidien, dans cet environnement où il avait grandi. Il regardait un à un les gamins du quartier qui finiraient leur vie à croupir en prison, ou les soi-disant collègues de son père dont les corps seraient repêchés peu de temps après dans le fleuve. Il ne comptait plus les soirées passées à zieuter aux travers des persiennes les hommes attablés sur la terrasse du restaurant abrité dans l'immeuble d'en face, obnubilé par la fumée des cigares, les brides de conversation qu'il discernait et les rires puissants qui résonnaient jusqu'à l'autre bout de la rue.

Son enfance, Itachi l'avait passée à écouter d'une oreille distraite les discussions importantes qu'il percevait au travers de l'entrebâillement d'une porte, à fermer les yeux sur les liasses de billets qui glissaient de mains en mains ou à décortiquer, dans la brume des cigares et de l'obscurité, les contrats qui étaient signés à quelques pas de sa chambre à coucher. Il se souvenait de tout leurs regards, de tout leurs sourires, de la façon qu'ils avaient de lui ébouriffer les cheveux alors qu'il n'était encore qu'un bambin, assis sur la première marche des escaliers pour accueillir les visiteurs.

C'est à l'âge de huit ans qu'il se retrouva pour la première fois sur le terrain, de son plein gré. Echappant à la vigilance de la personne étant censée le surveiller ce soir-là, il avait suivi son père ainsi que quelques uns de ses hommes à l'extérieur de la demeure familiale et, armé de son vélo de fortune, il avait pédalé de toutes ses forces pour tenter de les suivre jusqu'à leur point d'arrivé, avec succès. Camouflé maladroitement dans l'ombre d'une ruelle, aux côtés d'une bouche à incendie d'un carmin flamboyant et d'une immense benne à ordure qui était plus grande que lui, le jeune Itachi s'était mis à observer ce que tramait les hommes de main de son père et ce malgré le fait qu'un règlement de compte à une heure aussi tardive, dans l'insalubrité d'une impasse cachée à la vue de tous, n'était guère un spectacle pour un enfant de son âge.

Inévitablement, Itachi se souvenait de tout.

Le moindre détail de cette nuit maudite était gravée dans les limbes de sa mémoire, marquant au fer rouge son esprit pour le restant de ces jours, venant l'assaillir d'images toutes plus violentes les unes que les autres dès l'instant où il tentait de clore ses paupières.

A partir de cet évènement, il avait commencé à voir les choses de manière différente. Il avait pris conscience que tous n'étaient que des criminels, des contrebandiers, des dealers, des meurtriers. Très vite, le jeune Uchiha ne s'était plus senti à sa place sous son propre toit. Il avait dorénavant pertinemment conscience de ce que représentaient ces poignées de mains, ces cigares partagés et ces terrifiants éclats de rires. Chaque personne passant le pas de leur foyer voyait naître au dessus de leur tête un compte à rebours dont ils n'avaient même pas conscience : pactiser avec les Uchiha ne revenant finalement qu'à creuser sa propre tombe.

Assis sur le moelleux d'un fauteuil dont le velours bordeaux flattait l'épiderme de quiconque passant sa main dessus, dans son bureau subtilement baigné par la lueur des lampadaires extérieurs qui projetait sur le mur face à la fenêtre des raies rectilignes d'une lumière jaunâtre, le jeune homme regardait au travers des persiennes les rues - animées malgré l'heure tardive - de New-York, tout en ressassant une discussion qu'il avait eu dans la journée. Un verre d'un liquide ambré à la main, il faisait tournoyer ce dernier du bout de ses doigts crispés sans prêter attention au fait que les glaçons percutaient inlassablement la paroi de verre dans un clinquement cristallin, tant il était plongé dans ses pensées. Il avait glissé sa main libre sous son menton tout en prenant appui contre l'accoudoir du siège et laissait son regard se perdre sur le trottoir humide où les passants faisaient claquer leurs talons avec précipitation, la plupart d'entre eux pressés de passer leur chemin le plus vite possible dans ce quartier réputé pour être dirigé par les Uchiha d'une main de fer.

Cosa Nostra | 𝐍𝐀𝐑𝐔𝐓𝐎 𝐔𝐀Où les histoires vivent. Découvrez maintenant