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L'homme marchait nonchalement dans les rues dépourvues de vie. Des corps gisaient le long des pavés. Des litres de sang s'écoulaient jusqu'aux égoux du village. Un silence apaisant rendait l'homme souriant. Il était l'auteur de ce spectacle désolant. Et il en était fier. Ces humains ne méritaient pas de vivre, ni d'aller au Paradis, selon ses moeurs. Les entendre hurler de douleur, le supplier de les épargner en lui léchant les mocassins, essayer de se faire bien voir à ses yeux, le démon aux quatre bras et yeux ne se lassait jamais de ce délice.

Son passe temps favori ? Baiser une demoiselle en lui faisant croire qu'il se montrerait indulgent sur sa misérable vie. Il jouissait de la peur et du sentiment de trahison qui s'affichaient sur leurs petits visages de putains. Puis il leur tranchait la gorge d'un geste vif, laissant leur sang gicler de parts et d'autres des tatamis. Il se léchaît les doigts, se délectait de leur sang qui tachait son kimono qui fût, autrefois, d'un blanc éclatant.

Le démon n'était pas un être très clément. Il était comme la guerre. Il n'épargnait personne. Ni les enfants, ni les bébés, ni les quelques fléaux, un peu trop téméraires à son goût, qui venaient lui barrer la route. Aucun obstacle ne devait l'entraver de son but ultime : exterminer tous les humains ainsi que tous les exorcistes. Tous. Jusqu'au dernier.

Le Roi des fléaux traversait les villages de la région Honshu en direction de la plus grande ville de l'époque de son pays, Edo. Il répandait crainte, désespoir et horreur dans le coeur des humains. Il en était ravi.

Encore quelques kilomètres entre les champs de riz et il atteindrait le prochain village. La nuit allait faire place au levé du soleil. Il devait trouver un endroit où se restaurer. Il avait beau être un démon, il avait été un humain, il y avait quelques années de cela. Les habitudes humaines étaient encrées en lui. Il devait s'alimenter un tant soit peu, quelques bols de riz lui suffisaient pour tenir une bonne semaine. Mais il ne dormait pas. Du moins, plus depuis qu'il était devenu le Roi des fléaux. Flaner aux pieds de cerisiers en fleur lui était amplement satisfaisant pour se rétablir. Encore fallait-il qu'il ne tombe pas sur des samouraï de malheur. D'une classe inférieure des autres combattants, ceux là ne servaient qu'à garder un poste tourelle d'un village ou faire le pigeon voyageur entre deux Damiyo.

Ils étaient facile à tuer, à deux bras seulement pour faire valser leurs têtes à plusieurs mètres de leurs corps. En revanche, ils parlaient trop. Les entendre jacasser sur l'être maudit qu'il était devenu l'ennuyait énormément. Le fléau n'avait pas de temps à perdre à les écouter le sermoner qu'ils le tueraient de leurs katana bien affutés. Pauvres humains. Ils se croyaient courageux en lui tenant tête. Ils ne se rendaient que plus misérables.

Le Roi plissait les yeux en voyant les toits des bâtisses mal entretenues du village. Il ne devait pas y avoir beaucoup de marchands ici, donc pas beaucoup de villageois. Il aurait peut-être un semblant de paix en ce début de printemps. De sa force occulte, il cachait deux de ses yeux et bras dans sa peau afin de paraître plus humain. Il ne devait pas les effrayer si tôt. Et il avait besoin d'informations. Il devait se fondre dans la masse et chercher une aubergiste pour une journée et une nuit. Il s'agissait souvent de vieilles personnes qui s'occupaient de ce genre d'endroit. Les commérages étaient de mises. Fort bien.

Les oisillions voulant quitter leurs nids brisaient la prospérité du hameau. Quelques campagnards portaient leurs cultures sur le dos en direction de leurs foyers ou du seul site marchand qu'il y avait en ces lieux. Leurs femmes, ridées et usées par la fatigue, trimballaient des tonneaux de bois dans leur réserve commune. Leurs faits et gestes paraissaient parfaitement coordonnés. Les plus anciennes partageaient leurs potins autour d'une partie de Go. Rien d'anormal aux yeux du démon qui fourrait son nez dans son écharpe rouge, comme pour échapper aux regards curieux et insistants des humains.

Il ne ressentait aucune énergie occulte dans les environs. Pas de fléau ni de Ronin à l'horizon, il serait tranquille ici, pensait-il en glissant la porte de ce qui paraissait être une gargote. Quelques alcooliques siègeaient au bar, servis par une dame plutôt charmante d'une trentaine d'années. Elle le scrutait d'un oeil mauvais. Son tablier était tâché par la bière et la poussière. Le Roi s'installait au coin d'une table sans prêter attention aux bouseux. Il les tuerait dans la nuit, il n'en avait que faire de leurs jugements.

- Il est rare de croiser un étranger ici.

L'hôtesse posait durement un pichet d'eau devant ses mains tatouées. Il soupirait doucement, amusé face aux yeux amers de la dame. Il finirait par la baiser avant la fin de la journée, pour sûr. Il se contentait de répondre sans esquisser le moindre rictus.

- Je ne suis pas un Samouraï déchu, si c'est cela qui vous chagrine.

- Qu'importe qui vous êtes. Partez. Nous ne voulons pas d'oiseaux de malheurs en ces lieux.

Elle avait du cran, cette donzelle. Il se sentait tout d'un coup excité par l'air effrontée qu'elle lui renvoyait. Il ne voulait plus la baiser, ni la violer. Non. Il voulait lui arracher ses doigts, un par un, puis lui crever les yeux, la scarifier et terminer par lui couper sa langue bien trop présomptueuse. Il avait chaud, tout d'un coup. Mais il devait se maîtriser. Il ne devait pas céder à ses pulsions meurtrières, il avait besoin de LE retrouver.

- J'ai fais une longue route jusqu'ici, permettez-moi de me reposer un peu en ces lieux. Je ne fais que passer, je serais partis demain, avant l'aube. C'est promis.

Avait-il dit d'une voix mielleuse et séduisante. Il se rabaissait au niveau de la cupidité humaine. Cela le dégoûtait fortement. La belle femme soufflait, espérant que le vagabond daigne faire preuve de sincérité. Elle ne voulait plus se faire violer par les hôtes qu'elle accueillait. Elle connaissait trop de disgrâce, ces derniers temps. Dans une profonde reflexion, elle décidait de répondre d'une voix plus douce.

- Très bien. Je vous accorde une nuit. Mais une seule.

Le féau lâchait un petit rictus de satisfaction ainsi qu'un discret "merci". Il avait un minimum d'éducation et de politesse. Peu lui importait qu'elle choisisse de l'héberger cette nuit, il l'égorgerait avant le levé du jour. Sa mort s'ajouterait sur son palmarès. Il sirotait son eau en silence alors que l'aubergiste tournait les talons en direction de son comptoir. Mais elle s'arrêtait. Elle lui jetait un regard de travers, tout sourire. Un vrai homme se serait sentit perturbé voir intimidé par l'aura menaçante qu'elle renvoyait. Pas le Roi des Fléau qui se ferait une joie d'achever sa misérable existence.

- Cependant. Je ne veux pas de votre argent pour la chambre dans laquelle vous logerez. Je veux que vous passiez un marché avec moi.

- Oh ?

Décidement, la demoiselle était pleine de surprises. Il se léchaît les lèvres. Cela promettait d'être plus intéressant qu'il ne l'avait imaginé. N'avait-elle pas peur de faire ce genre de proposition à un inconnu ? A un démon, qui plus est ?

- Une nuit, contre un service. Qu'en dites-vous ?

Il terminait sa boisson d'une traite et se levait en direction de la sortie d'un pas affirmé, ses yeux d'un rouge sang ne la quittaient pas d'un cil. Il y avait bien longtemps qu'il n'avait pas conclut un pacte avec un humain. A la bonne heure. Il était tout ouïe.

- Débarassez-nous du fantôme de notre village.

The Phantom of the cursedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant