Quelques hardis insectes grésillaient entre les cerisiers en fleur qui longeaient les maisonnettes. Le démon harpentait les pavés, les talons de ses geta* résonnaient à chacun de ses pas. Les enfants jouaient avec des bâtons dans des ruelles à l'abri des rayons du soleil, traîtres à cette période de l'année. Ils étaient encore innocents, insouciants. A une époque, lui aussi avait été un gamin fougueux et courageux. C'était limite nostalgique, cette période. Quel dommage de devoir les tuer. Ils n'auraient pas été humains, ils les auraient peut-être épargnés. Ou pas.
Une vieille cochère l'interpellait d'un faible signe de main. Elle tenait un petit éventail qu'elle avait dû acheter à un bon prix au marché noir, au vu de la parrure dorée du manche.
- Vous cherchez quelque chose, jeune homme ?
Sa voix rauque sonnait mauvais aux oreilles du dit "Homme". Il n'avait que faire de cette vieille peau, il avait d'autres chats à fouetter. Trouver le fantôme, par exemple. Il n'avait pas le temps de discutailler sur les prix exorbitants du pain et du riz.
- Ou quelqu'un du nom de Seishin ?
Le démon aux cheveux d'une couleur peu commune sursautait discrètement. Comment la vieille pouvait-elle être aussi perspicace ? L'aubergiste lui avait pourtant assuré qu'elle était la seule à le savoir. Et il avait bien fait attention à ce que personne ne puisse entendre leur petite conversation de ce matin. Il aurait dû sentir la présence de cette maudite vieille peau si elle avait écouté aux portes. Connaissait-elle vraiment le prénom du fantôme ? L'ancienne souriait malicieusement.
- Tch.
Voulant accomplir sa petite mission secondaire, car il était un être de parole, il se rapprochait du tabouret, son nez proche de l'éventail, les bras croisés dans les manches de son kimono. Ne se faisant pas prier devant l'homme qui n'en était plus un, elle sussurait dans son oreille.
- Attendez la tombée de la nuit. Vous entendrez le piccicato de son Shamisen parmi le silence. Mais faites attention. Si vous croisez son regard, vous mourrez avant même qu'elle ne daigne lever le petit doigt...
Puis elle riait grossièrement. Elle avait l'air d'être une vieille folle aux chats. Pouvait-il la croire ?
- Mais ce ne sont que des ragots que l'on raconte ces temps-ci pour faire fuire les étrangers ! Est-ce Shizume-san qui vous a demandé de vous occuper de ce faux bruit ?
Le démon ne savait pas sur quel pied danser. Il ne faisait confiance en personne. Surtout pas aux humains. Et encore moins aux exorcistes. Il espérait en dénicher un au bout de cette connerie mais toujours aucun signe d'énergie occulte dans cet endroit paumé. Ce qui était pourtant rarissime. Il se sentait parfois observé, opressé par une poigne irréelle dans son dos. Sans jamais pouvoir connaître l'identité de ce ressentiment. Ce n'était pas un fléau de faible ou forte catégorie, sinon il se serait prosterné devant le Roi. Et ce dernier l'aurait sans doutes embauché comme assistant pour tuer les excorcistes qu'ils croiseraient. Ou l'aurait tué, tout simplement. Ce village était vraiment louche pour le Roi. Cela l'agaçait. Pourvu qu'il ne perde pas plus de temps que prévu à trouver ce maudit fantôme.
- Elle peut être très persuasive, cette femme. Beaucoup la respecte. Surtout depuis qu'elle a perdu son mari et son enfant pendant la dernière épidémie de peste.
La peste. Elle n'épargnait aucun humain. Ils étaient si faibles. Trop médiocres pour résister aux maladies des rats. Le démon devait l'avouer, il éprouvait un dégoût incomparable pour ces bipèdes.
- Trop de paroles, vieille morue.
S'en était assez. Sa voix l'agaçait au plus haut point. Il se retenait de lui arracher sa tête ridée et ahurie face à son manque de respect envers les "sages" du patelin. Mais il était l'être le plus âgé parmi tous ces humanoïdes, alors il s'en moquait d'autant plus.
Plus haut dans la vallée, un sanctuaire abandonné. Les Nippons étaient pourtant très croyants. Comment pouvaient-ils laisser la moisissure s'installer sur un lieu de culte ? Il ne comprenait plus leur logique. Son humanité disparaissait peu à peu. Pourtant, il se laissait aller dans les rues des plaisirs comme un homme normalement constitué le ferait. Il gardait une apparence similiaire à la leur, malgré ses traits démoniaques.
Le son d'une corde que l'on pince le stoppait alors qu'il montait les escaliers avec lassitude. Des feuilles de cerisiers volaient autour de lui au gré de la bise qui se nichait dans son écharpe rouge sang. Ces fleurs lui gâchaient la vue sur l'entrée du temple. Il ne pouvait distinguer qu'une silhouette, féminine aux premiers abords. D'autres notes suivirent la première, s'harmonisant pour produire une douce mélodie. Le maudit n'avait plus aucune envie de bouger. Tous ces sens étaient dirigés vers la jeune fille et sa guitare traditionnelle. Il se laissait bercer par la musique, son vêtement se secouait au rythme du vent et des pétales de sakura. Il fermait les yeux pour apprécier un peu plus cette sensation. Pour une fois depuis très longtemps, il se sentait... Apaisé.
~ 壁のうしろにわ あれはて手居るだけ。
(Derrière le mur, il n'y a que désolation.)誰にも私が見えない
(Personne peut me voir,)私の目の前には、不幸だ。
(Devant mes yeux, il n'y a que le malheur.)誰にも聞こえない
(Personne peut m'entendre,)私の後ろには沈黙の音だ。
(Derrière moi, il n'y a que le son du silence.)誰も私に触らない
(Personne peut me toucher,)死の背後には 自由がだけ。
(Derrière la mort, il n'y a que la liberté.) ~Le son de sa voix mélodieuse s'arrêtait brusquement, à son grand désespoir, le faisant souffler de dépit. Il rouvrait les yeux et les plongeait dans ceux dorés de la jeune fille qui se trouvait quelques marches au dessus de lui. Ses cheveux étaient chatains. Ils brillaient sous les rayons du soleil. Dotée d'une petite robe aussi blanche que la neige, elle laissait aparaître une peau toute aussi blanche, marquée par plusieurs cicatrices. Son âge ne devait pas dépasser la vingtaine. Ni être en dessous de la minorité. Elle paraissait surprise par sa présence. Ses iris semblables aux lingots d'or s'étiraient face à son regard insistant. Elle serrait son Shamisen contre elle, peu sûre d'elle.
- Une demoiselle ne devrait pas être ici, toute seule. Un dangereux inconnu pourrait lui faire du mal...
Le démon souriait malicieusement, son corps fiévreux par l'ivresse donnée par cette douce chanson, n'était qu'à quelques centimètres de la musicienne. Il avait une affreuse envie de la taquiner et bien plus encore. Sa curiosité n'avait jamais été aussi attisée. La charmante jeune dame balbutiait quelques mots, elle paniquait. Elle était bien plus petite en taille que lui. Sa poitrine devait arriver en bas de son sternum. Il devait l'impressionner par sa taille et par son charisme hors du commun. Ou bien, elle savait qu'il n'était pas humain, mais le Roi des fléaux. Ce qui expliquerait son doux visage embrasé par la peur. De sa plus séduisante voix, ses lèvres proches de la petite oreille de la jeunette, il sussurait un "merci pour ce moment fort agréable".
La brunette se reculait nerveusement, sa prise sur sa guitare de plus en plus intense. Elle voulait fuir au triple galop mais l'aura que dégageait l'inconnu l'en empêchait. Elle était hypnotisée par ses yeux d'un rouge vif qui la fixaient sans relâche. La réalité la frappait tel un coup de pied dans le ventre. Un électrochoc lui traversait l'échine. Il était le premier... Du plus lointain qu'elle se souvenait, il était le premier et le seul humain à en avoir été capable... Et elle ne savait pas par quel miracle il le pouvait. A moins qu'il ne s'agissait d'une malédiction. Mais à l'instant T, elle était bien trop abassourdie pour penser négativement. La bouche entre-ouverte, le haut de son corps avancé en direction de l'inconnu, les yeux pétillants de joie face à cette nouvelle qui venait de briser sa solitude, elle se sentait pousser des ailes.
- V-Vous pouvez me voir ?
*Tongues, style sandalles à talons, réputées chez les voyageurs ou Samouraï à l'époque d'Edo.
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The Phantom of the cursed
FanfictionNobody can see me. Nobody can hear me. Nobody can touch me. It hurts so much. It consumes me. Why would I think someone like you, can do everything I wanted, after you did all of this ? Ceci est une fanfiction sur Jujustu Kaisen, une histoire entre...