III

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La jeune femme souriait aux éclats. Elle n'avait jamais été aussi enjouée. L'inconnu baissait la tête de côté, tel un chien dans l'incompréhension. Traversée par la peur puis la joie, elle changeait d'émotions aussi vite que des notes de musiques. Le démon ne saisissait pas son changement de comportement. Ses bras entrelacés dans les manches de son kimono, comme à son habitude, il suivait le regard doré de la brunette qui le scrutait sous tous les angles. Il ne bougeait pas et la laissait faire. Il se trouvait relativement calme et patient, à son grand étonnement. Il aurait déjà pût lui arracher le coeur, pourquoi ne pas l'avoir fait ?

- Vous pouvez aussi m'entendre ? Demandait-elle, un timbre de voix de plus en plus curieux.

- Ta voix de crécelle commence à m'agacer, morveuse.

Il disait vrai. Son élocution était bien plus aigüe que lorsqu'elle chantait. Elle tournait autour de lui comme s'il était une bête de foire. Il avait une apparence presque totalement humaine. N'avait-elle jamais vu d'homme de sa vie ? D'un coup sec, elle se stoppait dans ses pas qui donnait le tourni au concerné. La tête baissée, son air paraissait sombre et... Triste. Décidément, il n'arrivait pas à cerner la demoiselle. Elle était perturbante.

- Si vous pouvez me voir et m'entendre alors... Vous pouvez aussi m-me t-toucher... - Bredouillait-elle en un murmure presqu'inaudible.

D'un geste vif, il posait sa main sur sa chevelure brûlante sous les UV du soleil. Il la surplombait de toute la magnificence qu'un Roi pouvait faire preuve. Il serrait un peu plus sa prise sur le haut de la tête de la petite, la faisant relâcher la pression sur son instrument musical.

- Evidemment. Et si tu n'arrêtes pas de me casser les oreilles, j'écraserai ton crâne et le donnerai à manger aux rats. C'est compris ?

Il était dur dans ses paroles. Pourtant il savait être mielleux avec les femmes ou les filles en âge de procréer. Pourquoi n'arrivait-il pas à l'être avec elle ? L'agaçait-elle autant pour qu'il soit aussi hésitant à la tuer ?

Les yeux dorés de son interlocutrice se plongeaient dans les siens. Son coeur de démon venait-il de râter un battement ? Il la lâchait doucement, ses doigts longeaient sa peau fine et blanchette pour terminer leur course sur ses lèvres. Elles étaient d'une couleur entre le rose clair, le bleu et le violine. Vraiment étrange. Elles étaient douces. Mais elles laissaient passer une voix bien trop irritante pour le rosé. Il transformait son visage juvénile en un "poisson-bisou" avant de perdre le contrôle de ses pulsions sexuelles. Pas question de la baiser. Pas avant d'en savoir un peu plus sur son identité. Il sentait qu'elle avait un rôle spécifique à jouer dans sa mission.

- Excusez-moi... Vous êtes la première personne qui puisse me voir et... Je n'ai pas su maîtriser mes émotions.

Le bel homme tiquait, un sourcil arqué. Des petites larmes perlaient aux coins de ses merveilleuses prunelles. Il sentait son corps de raidir, son organe vital se coinçait dans sa cache thoracique.

- Je ne suis pas certain de comprendre... - Répondait-il, sa force occulte désormais en éveil, comme pour se protéger de son air beaucoup trop adorable.

- Personne au village ne peut me voir, me toucher ou m'entendre. Même les animaux ne font pas attention à moi. C'est comme si je n'existais pas. Je peux toucher et prendre des objets dans les mains mais en ce qui concerne les êtres vivants, c'est impossible. Je croyais devenir folle jusqu'à ce que vous apparaissiez devant moi...

Il discernait de la solitude et de la tristesse en elle. Une drôle d'énergie l'entourait. Inconnue. Elle n'était ni humaine, ni un être occulte, ni une exorciste.

- Tu as un nom ?

- Les gens du village m'appellent "Seishin". Ou le "fantôme maudit du village".

Tout devenait clair dans l'esprit du vagabond. Elle était le fantôme qu'il cherchait depuis sa rencontre avec l'aubergiste. Elle n'avait pas l'air d'être un oiseau de malheur, ni d'avoir une once de méchanceté en elle. Il réfléchissait sur le fameux pacte qu'il avait fait avec la charmante dame du village. Si Seishin était vraiment morte, alors il ne pourrait pas la tuer une nouvelle fois. C'était logique. De plus, elle était le premier fantôme qu'il rencontrait. Il ne connaissait même pas leur existence, jusqu'à ce jour. Il voyageait en terre inconnue. Qu'allait-il advenir de son marché ? Comment allait-il pouvoir faire face à ce dilemme ? Lui qui pensait que cette histoire de fantôme n'était qu'une farce de mauvais goût...

The Phantom of the cursedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant