VIII

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- Vous affirmez être aveugle mais pouvez voir Seishin. J'ai horreur d'être pris pour un abruti. Si vous ne voulez pas que je vous décapite, vous feriez mieux de m'expliquer qui vous êtes vraiment.

Sukuna perdait patience. Il avait promis de lui donner des détails sur l'exorciste qu'il recherchait depuis être passé du côté obscur. Mais il n'abordait toujours pas le sujet, avec son sourire mesquin plaqué sur le visage. Il avait l'impression que le Ronin se foutait de sa gueule. Il était impulsif et imprévisible, le démon. Peut être un peu trop d'ailleurs.

- On peut dire que j'ai un sixième sens plutôt bien développé depuis la perte de ma vision.

Le vagabond essayait de se justifier au mieux envers les deux tourtereaux. Il n'était pas là pour affronter Sa Majesté, loin de lui cette idée. De plus, il était réellement incapable de voir la moindre chose autour de lui. Il ne pouvait juste ressentir les présences, les ombres, les forces occultes. Depuis la mort de sa pauvre femme, il cherchait désespérement l'enflure qui avait pu commettre ce crime, errant dans les rues comme un chien abandonné, avant de basculer dans l'au delà. Il avait déjà croisé des fléaux ou des exorcistes de toute sorte pendant sa quête, sans vraiment trouver d'aide auprès d'eux. Ils n'étaient soit pas intéressés, soit trop incultes. Il avait les oreilles qui traînaient en tout temps, lorsqu'il avait entendu les prouesses du fameux Sukuna Ryoumen, il ne pouvait laisser cette chance s'échapper. Il était le fléau le plus fort que la terre ai connu, il devait tout faire pour le convaincre de l'aider à retrouver l'assassin de sa tendre épouse. Quitte à y laisser sa vie en échange. Il devait se venger.

Le roi détestait l'ironie de la situation. Depuis quand un humain demandait son aide sans aucune pudeur, ou peur ? N'était-il pas le démon apportant crainte, désolation et mort sur son passage ? Il ne comprenait plus rien de la logique humaine. Il restait toute fois attentif aux propositions de l'intrus. Il pourrait obtenir des informations sur cet exorciste de malheur qu'il cherchait depuis bien fort longtemps, dont la disparition était bien trop suspecte et houleuse. Et peut-être même sur Seishin. Pourquoi ne pas se laisser prendre au jeu ? Si la situation mettait en danger sa protégée, il tuerait ce Ronin sans l'ombre d'une hésitation. Il était le plus fort, le démon suprême, après tout.

Il tenait doucement la main tremblante du fantôme, mal à l'aise face aux prunelles voilées de l'homme. Elle était mignonne avec ses dorures le suppliant de la garder juste pour lui. Le Ronin était incapable de la discerner et de l'entendre mais il sentait une présence apaisante auprès du Roi. Il n'aurait jamais imaginé que le pire des fléaux puissent s'attacher à un autre être que lui-même. Sa réputation l'empêchait de réaliser qu'il avait été un humain, autrefois, et qu'il possédait un coeur, malgré tout. Il avait changé, était cruel, abominable et assoiffé de sang, mais pouvait sincèrement aimer une personne. Il ne lui dirait pas, ils étaient bien trop adorables à jouer les innocents et prudes les deux jeunôts. La mort finirait par les séparer, un jour ou l'autre. Ces deux-là n'avaient vraiment pas de chance. Il souriait face à la tristesse et la cruauté de la vie.

- Donc Seishin est un fantôme qui a perdu sa mémoire, abandonnée dans un petit village ? Demandait le noiraud, faisant un récapitulatif de la situation, son index sur le menton.

Sukuna expliquait leur rencontre, sans trop savoir pourquoi il donnait autant de détails sur la jeune fille. Il ne l'a lâchait pas des yeux, de peur qu'elle s'échappe. La fantomette gonflait ses joues face à son regard insistant, essayant de ne pas rougir en repensant à leurs embrassades de la veille. Elle portait son instrument de musique comme s'il s'agissait de la chose la plus précieuse qu'elle avait. Là était un autre sujet à aborder plus tard avec elle.

- Avez-vous déjà fait connaissance avec un fantôme ? Demandait le rosé, intrigué que l'inconnu soit autant renseigné sur les fantômes et sur lui-même.

- Une fois ou deux. Après des années d'errance, j'ai pu rencontrer toute sorte de présence. Mais en ce qui concerne l'énergie de Seishin, c'est une première. Il y a quelque chose en elle de bien distinct, qui ne ressemble pas à de l'énergie occulte. Les autres fantômes que j'ai pu croiser possédaient une énergie telle que la votre ou d'une personne lambda. Ce qui me paraît plutôt étrange.

La concernée ne voulait plus écouter leur conversation. Elle voulait juste profiter du paysage qui s'offrait à eux. Postés sur une petite colline, au Nord de la ville, elle pouvait observer avec plaisir la vallée bordée de cerisiers aussi majestueux les uns que les autres, donnant une touche rosée et chaleureuse sur les maisonnettes des commerçants. Quelques chevaux repoussaient les fleurs tombées dans leur pature avec leurs naseaux, qu'elle aimerait bien pouvoir frotter tendrement. Le vent soufflait gentiment dans sa nuque, il était doux et chaud. Elle frissonnait de bien être, le soleil sur son visage blafard. Peut-être arriverait-il à lui redonner quelques couleurs.

Ses petites mains serraient la lanière en cuire de son Shamisen, ele se sentait nostalgique. La dernière fois qu'elle avait pu regarder aussi loin dans le paysage, elle était seule et perdue, errant sans buts, sans besoins à assouvir, avide et las de tout. En bas des escaliers en pierres de l'ancien temple de son village, des enfants venaient souvent jouer avec une balle ou d'énormes bâtons de bois volés aux gardes. Dynamiques et ignorants des difficultés de la vie, elle les enviait. Dans ces moments-là, elle se demandait si un jour elle avait été aussi pleine de vie, entourée de quelques fidèles amis, à jouer sauvagement dans l'herbe de l'aube jusqu'au crépuscule, à la limite de se faire rouspéter par ses parents d'être rentrée après le couvre-feu. Sans souvenirs de cette période, elle était incapable de ressentir un quelconque manque. C'était triste et douloureux comme sensation.

L'inspiration remontait dans son échine. L'air printanier lui donnait envie de donner une petite touche musicale à son âme solitaire. Les hommes ne faisaient pas attention aux petits plaisirs de Mère Nature, elle se devait de les remettre dans le droit chemin, leur partager son bien être, sa nostalgie, sa tristesse. Même si ce n'était qu'un avant goût de la beauté et de l'harmonie de ce somptueux panorama. Elle empoignait le manche de son Shamisen, assise en tailleur sur une bute d'herbe fraîche. Ses fins doigts frottaient gentiment les cordes, sa gorge se préparait à suivre l'eurythmie de l'instrument traditionnel qui accompagnait les Geïsha les plus célèbres.

只只いきるのワイヤだ。
(Je ne veux pas juste vivre.)
世界わざんこくら
(Ce monde est cruel mais...)
それでも君を愛すよ。
(Je t'aimerai toujours.)
何を犠牲にしても
(Même si je dois tout sacrifier...)
それでも君を守るよ。
(Je te protègerai toujours.)*

Le démon fermait les yeux pour apprécier la tonalité, douce et puissante de la jeune femme. Il sentait son âme se purifier à chaque fois que le bout de ses doigts frémissaient entre les trois cordes de la guitare. Son odeur, propagée par la brise printanière, énivrait ses sens. Elle était fruitée, fleurie, délicate. Aucunes des femmes qu'il avait connu avaient une senteur aussi dépendante, attirante. Ses vocalisent étaient parfaites, accordées, apaisantes, émouvantes. Pourvu qu'elle ne s'arrête de chanter. Qu'elle ne chante seulement pour lui, pour l'éternité.

Le Ronin scrutait curieusement le démon, dont l'énergie occulte semblait en paix, dorénavant. Il semblait être bercé par quelque chose dont il était incapable de discerner. C'était probable que cette douceur dans l'air soit propagée par le fantôme. Il le ressentait dans son âme sans pouvoir le voir ou l'entendre. Cette fille avait un don. Un don avec le démon. Aucun être qui avait malencontreusement croisé sa route avait eu un pouvoir aussi grand pour calmer la colère du Roi des fléaux.

La voix de la jeune femme disparaissait avec le vent et les pétales de cerisiers dans un souffle presqu'inaudible. Son sourire aussi doux que les rayons de soleil sur sa peau faisait fondre le pauvre coeur de Sukuna. Jamais, au grand jamais, il pourrait oublier ce visage, cette voix, ses prunelles dorées. Il avait rencontré toute sorte de femme lorsqu'il était encore humain. Mais Seishin était unique en son genre. Pas seulement par son état d'esprit fantomatique, mais par sa tendresse, sa compréhension, sa pureté. Elle était la femme qu'il avait toujours voulu avoir à ses côtés, avant de basculer dans la damnation. Cruel et sans pitité, allait-il pouvoir accepter une infime chance de rédemption ? Etait-il trop tard pour ressentir ce genre de frivolité ? Etait-il en droit de faire d'elle sa Reine ?






*Refrain repris de l'ending de Shingeki no kyojin, Final saison Part 2 : Akuma no Kou. Les crédits de cette chanson vont bien entendu au compositeur. Merci de respecter le copyright.

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⏰ Dernière mise à jour : May 10, 2022 ⏰

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The Phantom of the cursedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant