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La porte coulissante grinçait sous la grande main du démon. Suivit de près par sa protégée en petite robe blanche. Shizume attendait de pieds fermes l'arrivée de son hôte.

- Avez-vous réussi à tuer l'oiseau maudit ?

- Non. Je n'ai pas eu assez de temps pour le trouver. En revanche, je vous ai débarassé des autres malotrus qui pesaient autour de votre village.

Elle soufflait grossièrement face à cette déception. Elle tournait les talons, prête à annuler leur pacte. Moins il passait de temps ici, mieux elle se porterait. Les voyageurs n'étaient pas les bienvenus ici. Le rosé s'installait au comptoir, une ombre le suivait discrètement, invisible aux yeux des humains présents sur les vieilles tables en chêne. Elle paraissait toute timide d'un seul coup. Elle évitait de croiser le regard des gros porcs alcoolisés. Elle serrait durement la manche du kimono contenant les quatre bras de son vagabond, comme pour y trouver du réconfort, de la sécurité. Elle se sentait terriblement mal à l'aise, limite appeurée, sans connaître la raison. Sa tête la faisait souffrir à chaque fois qu'elle rencontrait les yeux de l'aubergiste. Avait-elle un lien avec cette dame ?

- En échange du service que je viens de vous rendre, je demande quelques jours de plus afin de trouver votre fantôme et le tuer.

La concernée lâchait un hoquet de surprise. Il lui avait pourtant dit qu'il ne pourrait pas la tuer alors pourquoi son coeur se serrait dans sa poitrine ? L'aubergiste nettoyait un pichet avec son torchon, toujours vêtue de son tablier. Elle restait imperturbable et scrutait de son mauvais oeil le fauteur de troubles. Ce dernier ne comptait pas rester sur ce silence, il ne savait plus faire preuve de patience illimitée. Si elle continuait de le défier, il la truciderait dans la minute qui suiverait.

- Seishin. C'est bien ça, le nom du fantôme qui vous cause autant de soucis ?

D'un élan brutale, la charmante dame claquait un autre pichet rempli à rabord de bière devant la belle gueule de Sukuna. Il ne bronchait pas des sourcils, ravi d'avoir pu la faire sortir de ses gonds.

- Comment connaissez-vous son prénom ?! Hurlait-elle entre les murs. Tous les regards se tournaient vers les deux adultes du comptoir, intrigués par tout ce tohu-bohu.

- Un bruit qui court...

Visiblement amusé de la tournure des évènements, il sirotait sa bière avec délectation, deux de ses bras cachés dans son vêtement. Il voulait passer inaperçu mais sa véritable forme avait l'air de rassurer son petit fantôme. Face au sarcasme de Sukuna, l'aubergiste était restreinte à accepter sa requête. Elle non plus n'avait de choix de s'en remettre à ses services. Il avait été le seul à révéler le nom qui hantait son refuge. Elle devait lui faire un minimum confiance et le laisser faire les choses à sa manière. Tant pis pour sa fierté qui en prenait un coup, tuer cet oiseau de malheur valait tout l'or du monde.

Sans demander son reste, sa bière bien au fond de son gosier, le Roi s'enfonçait derrière les paravents cachant les chambres d'hôtes du bâtiment, sa belle brunette collée aux bras tel un koala. Elle était vraiment légère alors il s'en fichait un peu. Le tatami sentait le vieux rabougri mal entretenu. Ne lavait-elle pas les pièces de son auberge ?

- Tu peux me lâcher maintenant, morveuse.

Il râlait d'un ton mauvais et colérique. Le souffle de la jeunette était saccadé. Elle voulait se cacher dans un trou et ne plus jamais en sortir. Au bord de la sincope, elle voulait quitter les lieux illico presto et ne plus jamais revoir cette horrible dame. Agacé par les enfantillages de sa compagne de route, il l'envoyait valser contre l'un des futons posés mollement sur les tatamis. Il s'attendait à ce qu'elle grince des dents sous la douleur mais rien ne vint à ses oreilles. Elle n'avait pas l'air de ressentir de douleur physique. Logique, son corps n'était plus celui d'une femme vivante. Ou bien, elle cachait très bien son mal.

The Phantom of the cursedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant