The Phantom of the cursed

VII

Le ciel orangé sonnait l'aube. Les faibles nuages des rosées matinales brisaient les couleurs chaudes du ciel en filaments. Les collines abritaient de vastes vallées encore plongées dans l'obscurité. Les oiseaux se chamaillaient en chanson entre les cerisiers fleuris. Les pétales jonchaient les sentiers entre les champs de culture. La bise les faisait virevolter au même rythme que la petite robe aussi blanche que la peau de la jeune femme. Sur ses frêles épaules, elle portait fièrement son instrument de musique, tenu fermement par une sangle en cuir entre ses doigts.

Sukuna marchait en silence, zieutant de temps à autre les expressions faciales de sa compagne. Derrière eux, ils laissaient des maisons en feu, des dizaines de cadavres humains. Il les avait massacré avec plaisir et délectation. Il n'éprouvait aucuns regrets. Il n'était qu'un horrible monstre doté d'un effroyable appétit sanglant. Malgré cela, la jeune fluette restait muette, indéchiffrable, imperturbable. Tantôt elle souriait devant une famille de lévriers, tantôt elle renfrognait son nez dans l'écharpe rouge qu'il lui avait enroulé autour du cou un peu plus tôt, impassible.

Pas un mot n'avait traversé leurs bouches depuis leurs embrassades. L'odeur infecte de chair brûlée les avait poussé à prendre la route jusqu'à la prochaine ville. Stopper leur étreinte laissait un goût amer dans la gorge du fléau. Il aurait bien continué sur sa lancée mais il ne voulait pas penser qu'avec son entre-jambes, pour changer. Elle était bien trop prude pour la pousser dans le même vice que lui. Du moins, pour le moment.

- Sukuna... Vous ne dormez jamais ?

Elle humait l'air printanier discrètement, les yeux fixés sur l'horizon. Le rosé du ciel l'a rendait vraiment mignonne. Mais tellement lointaine de lui. Il n'arrivait pas à la cerner. Il s'attachait bien trop vite à cette étrange créature. Il ne voulait pas la lâcher d'une semelle, de peur qu'elle disparaisse. Il n'avait plus aucun contrôle sur ses sentiments pour le fantôme.

- Il m'arrive parfois de fermer les yeux quelques minutes lorsque j'enferme trop longtemps mes pouvoirs dans mon territoire.

Elle gloussait doucement. Les joues légèrement rosées, ce qui mettait en avant son teint blafard, elle paraissait inatteignable.

- Je dirais presque, que l'on a un point commun !

Elle souriait sincèrement, naivement, ses paumettes étirées. Il l'observait de haut en bas, mémorisant chaque partie de son corps, de son visage, de ses lèvres, comme s'il les découvrait pour la première fois. Ses doux cheveux bruns volaient au rythme des pétales de cerisiers. Elle était si belle. Son sourire chaleureux, il voulait le garder en mémoire jusqu'à son dernier souffle. Il avait la drôle d'impression qu'il devait marquer ce moment dans son esprit, comme s'il s'agissait de la dernière fois qu'il verrait un portrait aussi merveilleux.

Instinctivement, il prenait sa main dans une des siennes. Il propageait sa chaleur de part sa paume, espérant réchauffer ce petit corps un tant soit peu. En vain. Ce fantôme avait une enveloppe corporelle aussi froide qu'un cadavre. Pourtant, son coeur battait encore, plus lentement que la normale certes. Il le sentait entre leurs doigts entrelacés. Elle ne l'avait pas repoussé une seule fois depuis leur rencontre. Il ne lui faisait pas peur et pouvait admirer son sourire. C'était tout ce qui comptait pour lui, lorsque ses yeux plongeaient dans les siens.

- Soyons plus sérieux.

Reprenait le plus grand d'entre eux en se raclant la gorge. Trève de mignonneries pour la journée. Ils avaient une mission à assouvir. Il devait se concentrer là dessus où il finirait par oublier ce pourquoi il était devenu le Roi des fléaux.

- As-tu réussi à te souvenir de la moindre chose ?

Elle hochait négativement la tête, mécontente de la tournure de la conversation. Elle ne voulait pas se rappeler de la sensation qu'elle avait eu en entendant le mot "viol". Son mal de tête avait disparu, pourvu que cela dure.