[Partie 1 : la Terre] Chapitre 1 (réécrit)

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10 ans plus tard.

La nuit tombait lentement sur la ville, telle une épaisse chape de plomb, amenant avec elle des nuages noirs menaçants. La silhouette de l'hôpital devenait difficile à distinguer dans la pâle lueur des quelques lampadaires intacts, qui laissaient entr'apercevoir des silhouettes sombres. Ces rares passants, emmitouflés dans leurs manteaux, courbaient l'échine sous la menace de la tempête et pressaient le pas pour rentrer chez eux, fuyant les ombres mouvantes. Un vent de plus en plus fort, soufflant par rafales brèves, les poursuivait de ses tourbillons de feuilles mortes. Une tension palpable régnait dans l'air, menaçant d'exploser à tout moment. Quelques fenêtres du grand bâtiment s'allumèrent dans le crépuscule, grésillant avec difficulté, leur pâle lueur vite engloutie par la nuit.

« Il ne manquait plus que ça, l'électricité qui nous lâche ! soupira une infirmière.

- Au moins l'accouchement est terminé, rétorqua la sage-femme. Sors les enfants Annie, la mère a besoin de se reposer. »

L'infirmière jeta un regard pensif à la femme allongée sur le lit, créature passive et silencieuse perdue dans les draps blancs. Ses longs cheveux noirs recouvraient son visage fatigué qu'elle tournait vers le mur, à l'opposé des jumeaux qu'elle avait mis au monde. Elle n'avait plus ni bougé ni parlé depuis la première fois qu'ils avaient pleuré, et refusait de les regarder. La jeune femme haussa les épaules, ce n'était pas la première fois qu'elle voyait une situation pareille. Elle en voyait même de plus en plus souvent. Trop souvent. Elle souleva le berceau en douceur, et sortit dans le couloir désert et sombre sans se retourner.

Les rares néons fonctionnels diffusaient une faible lueur grésillante, masquant les traces sur les murs et les débris au sol. Certaines dalles manquaient au faux plafond, découvrant les aérations et laissant tomber une pluie de poussières fines par endroit. Frissonnant de dégoût, l'infirmière rabattit la couverture sur les nourrissons et accéléra autant qu'elle put. L'hôpital n'avait pas les moyens d'entretenir les couloirs, hantés par des cadavres de brancards vides et tordus.

Elle esquiva une tâche d'humidité au sol, alimentée par un goutte-à-goutte lancinant provenant du plafond, et bifurqua dans un couloir d'un meilleur aspect. Les ampoules diffusaient une lueur dorée stable, et la peinture blanche un peu écaillée des murs était propre. Une porte métallique vitrée se détachait au milieu d'une longue rangée de fenêtres, décorée de quelques fleurs en peinture et ornée d'une vieille plaque gravée.

Le battant grinça un peu lorsqu'elle le poussa, et elle se glissa dans l'interstice sans plus insister. Des rangées de berceaux s'alignaient dans une grande salle aux murs peints de scènes joyeuses, avec des plantes et des animaux, et dont les fenêtres étaient masquées par d'épais rideaux usés. Les couleurs défraîchies faisaient écho au faible nombre de pensionnaires, qui n'avait eu de cesse de diminuer depuis que le dernier coup de pinceau avait été appliqué. La jeune femme se dirigea d'un pas silencieux vers l'imposant bureau encombré de dossiers et d'un ordinateur poussif, et se racla la gorge pour attirer l'attention de l'infirmière de garde. De petite taille, avachie par la fatigue, la femme âgée semblait rétrécie par le bureau disproportionné. Réveillée brusquement, elle sursauta et lui jeta un regard agacé, une grimace déformant son visage affaissé sillonné de rides profondes. Elle jeta un coup d'œil au berceau :

« C'est quels noms ? Grinça-t-elle d'une voix éraillée.

- La fille s'appelle Ashley et le garçon Keith, répondit sa cadette avec politesse. »

La femme écrivit, puis s'arrêta, regardant la jeune infirmière par en dessous, comme attendant quelque chose :

« Nom de famille ? Finit-elle par lâcher.

Le Temps de l'Univers - Tome 1 : Les Maîtres des Origines (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant