Chapitre 4

321 33 0
                                    

ELLA


J'atterris en début d'après-midi, après trois heures de vol. A ma sortie de l'avion, je décide de prendre un taxi pour m'emmener jusqu'à la maison de ma mère. Il s'agit d'un manoir des années 50 avec la plage en contrebas. Elle se trouve à l'écart du village, ce qui lui confère toute l'intimité dont j'ai besoin. Lorsque je sors du taxi, arrivée devant le portail, je suis surprise de voir que rien n'a changé, c'est comme dans mes souvenirs. Le jardin est magnifique, les cerisiers sont en fleur. Je pousse le portillon qui ferme l'allée et me dirige vers la porte. Je cherche les clefs dans mon sac et mes mains tremblent un peu lorsque je tourne la clef. Je pousse la porte et contre toute attente, ce n'est pas une odeur de poussière qui m'accueille, mais le parfum de jasmin de mon enfance. Même à l'intérieur de la maison rien n'a changé. Lors de ma lecture du testament à mes 18 ans, le notaire m'a fait savoir que ma mère avait pris ses dispositions avec l'intendante afin qu'elle puisse continuer à prendre soin de la maison jusqu'à ma majorité et je pouvais, si je le souhaitais, continuer ainsi. Je n'y voyais pas d'objection, mais je ne pensais pas qu'elle allait en prendre autant soin.


Je monte les escaliers et me dirige vers mon ancienne chambre, je pose mes affaires sur mon lit et ouvre les volets. Je m'allonge sur mon lit et je ne peux m'empêcher de repenser à Swallow et une larme s'échappe de mon œil. Je l'essuie, hors de question que je m'apitoie sur mon sort. J'ai pris la bonne décision, je ne pouvais pas rester si les gars ne me faisaient pas confiance et pourtant, j'ai l'impression que mon cœur ne pourra jamais l'oublier, lui. C'est à ce moment-là que mon estomac se rappelle à mon bon souvenir. Je prends donc mes clefs et un panier afin de faire quelques courses à l'épicerie.

En sortant de cette dernière, je passe devant une librairie où je m'arrête. J'ai toujours adoré lire et quoi de mieux pour se remonter le moral que de se plonger dans un autre monde. Je parcours les rayons et mon regard se dirige sur un roman peignant l'histoire d'une femme voulant se venger d'un gang de bikers qui aurait tué toute sa famille. Évidemment, ils me suivent jusque-là ! Je décide quand même de l'acheter, ça me donnera peut-être des idées agréables de vengeance. Je me dirige vers la caisse. L'homme qui se trouve de l'autre côté doit avoir la cinquantaine et une vue en baisse à le voir plisser les yeux sur son écran. Je n'ose pas lui dire que ses lunettes sont trop basses sur son nez.


- Bonjour !


Je tends mon livre au libraire.

- Bonjour, excellent choix, un peu de fiction pour donner un peu de frisson.

S'il savait !

- Comment réglerez-vous ?

Je cherche de la monnaie dans mon portefeuille, mais j'ai tout utilisé pour les courses.

- Par carte bancaire, s'il vous plaît.


Il me tend la machine et je paie. Lorsqu'il me donne le sachet contenant le livre, il remonte les lunettes sur son nez et semble me dévisager. Je lui fais donc un grand sourire, mon humeur massacrante doit se lire sur mon visage.

- Vous lui ressemblez tellement.

Devant mon air surpris, il continue.

- Votre mère. Pardon, je suis désolé, vous êtes bien la fille d'Anna ?

- Je... Oui. Comment ?...

- Oh, vous savez c'est petit ici. Ma femme et moi avons grandi ici, avec votre mère. C'est ma femme qui continue à s'occuper de votre maison depuis... Nous avons été attristés lorsque nous avons appris la nouvelle, et ma femme de ne plus vous voir. Elle me racontait souvent à quel point vous adoriez jouer sous les cerisiers durant leur floraison.

Je baisse la tête.

- Je suis vraiment désolé, ma femme me dit que je parle toujours trop. Je lui dirai que vous êtes rentrée et de ne pas vous déranger. Le numéro de ma femme doit être dans l'ancien bureau de votre grand-père, si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas.

- Merci, beaucoup... Elle me manque aussi. Vous pourrez dire merci à votre femme de ma part. La maison est comme dans mon souvenir.

- Je le ferai.

Je me dirige vers la sortie en lui faisant un sourire timide.

Il est encore tôt, je décide donc de rentrer pour ranger les courses et me faire un sandwich que je pourrais manger en lisant sur la plage. Je prends une serviette dans l'armoire de l'entrée et décide de sortir pieds nus, je n'ai que le jardin à traverser pour rejoindre le rivage. Je marche un peu dans les dunes afin de retrouver la petite plage où m'emmenait ma mère, petite.

C'est bizarre, maintenant que j'y repense, je n'ai pas de souvenirs ici avec celui que je croyais être mon père. Les seuls souvenirs semblent être avec ma mère, mes grands-parents étant décédés avant ma naissance, ils n'avaient eu qu'elle. Il m'arrive de me poser des questions : pourquoi s'est-il marié avec ma mère ? Pourquoi ne pas m'avoir reconnue à la naissance ? Est-ce bien lui mon père ? Mais c'est mieux comme ça, je ne vais pas courir après quelqu'un qui ne veut rien savoir de moi. Je sais à peine qui il est moi-même de toute façon. Il n'est même pas venu pour la relecture du testament pour mes 18 ans.

Je trouve enfin cette fameuse plage, il n'y a personne, c'est parfait. J'étends ma serviette, m'y assois et admire le paysage : c'est magnifique. La plage est entourée de rochers et je peux sentir les embruns sur mon visage. Le sable est doux sous mes pieds. Cela m'apaise immédiatement et je décide de me plonger dans ma lecture en mangeant.

Au bout de deux heures de lecture, le temps se rafraîchit et je décide de rentrer chez moi. Je replie ma serviette, ferme mon livre et reprends le chemin inverse. Lorsque j'arrive devant la maison, je pousse le portail et c'est là que je la vois. Elle est là, garée dans l'allée, je pourrais la reconnaître entre mille pour y être montée un million de fois. Je m'avance jusqu'à elle et mon irritation revient. Il suffirait de presque rien, juste que je lève la jambe et que je donne ne serait-ce qu'un petit coup.

- N'y pense même pas Ella !

Ely RiderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant