Isaac
La semaine est passée à une vitesse fulgurante. Les travaux ont avancé comme je le souhaitais, dans la bonne humeur. Mes quelques ouvriers m'ont fait remarquer que je semblais plus serein sur le terrain. Je n'avais pas ressenti une telle satisfaction dans mon travail depuis longtemps. Comme s'il avait enfin retrouvé du sens.
Après la soirée avec Dahlia, j'ai passé la nuit à recommencer tous mes plans. Le lendemain, quand je les ai présentés aux clients, ils étaient aux anges : ce coup-ci, ça correspondait parfaitement à leurs attentes. Par conséquent, nous avons entamé tout cela le jour d'après. La famille a d'ores et déjà vu le résultat. Plus que ravis, ils se sont exaltés devant le sublime mandarinier et... les rhododendrons. Ils ont su faire leur effet et parent magnifiquement cette allée.
Je n'avais pas eu de réaction aussi enjouée depuis des mois. Et là, chaque membre de cette famille y trouve son compte : la femme adore les fleurs, le mari apprécie les arbres fruitiers et les enfants aiment l'espace caché sous le saule.
Il ne me reste plus qu'à montrer tout cela à la fleuriste, qui ne devrait plus trop tarder. Impatient et le sourire aux lèvres, mes pieds font des aller-retours sur le trottoir. J'espère qu'elle ne sera pas aussi stressée que la dernière fois, je ne voudrais sûrement pas la mettre mal à l'aise. Juste qu'elle voit son talent de ses propres yeux et qu'elle se rende compte que l'on peut accomplir de grandes choses ensemble.
Prévoir tel arbre selon les saisons, celui-là pour cacher du vis-à-vis ou encore celui-ci pour abriter la piscine, je peux le faire. Mais, donner vie à un espace vert, je n'y parvenais plus depuis longtemps. Il me manquait ce truc, que Dahlia possède. Je l'ai su dès que j'ai entrevu sa boutique discrète.
Soudainement, une voiture se gare et je l'aperçois à l'intérieur. Remontant mes lunettes sur mon nez, je vais l'accueillir joyeusement. Vêtue d'une robe à fleurs, très printanière, Dahlia s'avance vers moi, l'air déstabilisée. Elle donne l'impression d'une biche dans les phares immenses d'une voiture. Instantanément, je la salue d'un grand sourire, espérant la détendre un peu.
— Salut, murmure-t-elle, remontant la anse de son sac sur son épaule.
— Suis-moi ! m'exclamé-je, l'emmenant jusqu'au portail des propriétaires. Je leur ai dit que ma collaboratrice souhaitait voir le rendu final. Ils n'y ont pas vu de problème. Ils sont ravis !
Elle m'offre un petit rictus, semblant se tranquilliser. Je suis tellement impatient d'avoir son avis que j'en oublie de la saluer. Tant pis, elle ne m'en tient pas rigueur. Avançant prudemment dans mes pas, je sens son regard curieux. Alors, j'ouvre le petit portillon et la laisse passer, exalté.
— Oh, souffle-t-elle, marquant un temps d'arrêt.
Le soleil commence déjà à se coucher, offrant un spectacle encore différent.
— Ce rose des hortensias. Et puis, les fleurs blanches des mandariniers avec le rouge des tulipes...
Elle déambule dans ce jardin, effleurant les pétales du bout des doigts. De mon côté, je la laisse faire, restant en retrait. Dahlia me décrit le paysage, comme si je n'étais pas capable de le voir. Au fond, j'apprécie d'avoir sa vision des choses, bien différente de la mienne. Un immense sourire étire son visage doux. Comme les enfants, plus tôt dans la journée, elle se penche pour se cacher sous le saule pleureur, puis en ressort en riant. Contournant les arbres, elle cherche le moindre point de vue. Sa voix douce énumère chaque fleur dont elle a décidé l'emplacement, sans que je cherche à la contredire. Elle semble éclore timidement dans ce jardin.
— D'accord, je veux bien avouer que nous avons fait du bon travail. On recommence quand ? me questionne-t-elle, les yeux brillants.
Toute trace d'anxiété a disparu dans son comportement. Heureux de l'avoir convaincue, j'avance de quelques pas.
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Souviens-toi des iris
Romansa« L'amour est la seule fleur qui croit et qui fleurit sans l'aide des saisons. » Khalil Gibran (Résumé en cours d'écriture, pour ne rien spoiler d'avance...)