8# Les agrumes, c'est cool

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Isaac

Aujourd'hui a lieu une réunion avec tous mes collègues, à propos du gros projet de la maison des années trente. Je savais que Dahlia serait stressée, alors je l'ai fait venir un peu plus tôt dans mes locaux, histoire qu'elle se détende un peu. Fraîchement arrivée, elle a eu le loisir de visiter les quelques bureaux. La décoration n'étant pas mon fort, j'ai opté pour un style simpliste. Ainsi, les pièces s'avèrent blanches et beiges, avec des meubles en bois et des plantes ornant le tout. Il y a mon bureau et celui de mes employés, ni plus ni moins. C'est ici que je reçois les clients pour discuter de leurs projets et échanger sur mes propositions. Honnêtement, je préfère me trouver sur le terrain, sous le soleil, le vent ou la pluie. Être enfermé entre quatre murs, je déteste ça.

Dahlia est installée sur le fauteuil habituellement réservé aux clients, tandis que je me trouve de l'autre côté du bureau boisé. Un verre d'eau à la main, elle m'observe timidement. Tous les deux, nous travaillons sur les plans depuis quasiment un mois. Les propositions allant bon train, nous avons dû trancher et nous allons exposer trois idées à mes employés afin de recueillir leurs avis.

La fleuriste semble tendue. Vêtue d'une chemise rayée et d'un jean, son genou tressaute sous la table.

— Tout va bien se passer, personne ne va te manger, assuré-je, espérant la détendre.

Elle m'offre un sourire de convenance, avant d'expliquer :

— Quand cela reste entre toi et moi, tout va bien. On travaille bien tous les deux et tu te charges toujours de présenter ça aux clients. Mais là, je vais voir des gens juger mes idées...

Réprimant un soupir, elle baisse les yeux sur ses mains tremblotantes. Mes sourcils se froncent, tandis que je réfléchis à comment répondre à son insécurité évidente.

— Je m'occupe de tout expliquer si tu le souhaites. Ne t'inquiète pas, tout cela est dans un but bienveillant, pour avancer dans le bon sens. Je t'ai demandé de venir pour que tu vois comment ça se déroule. Et surtout, que tu aies ton mot à dire, parce que tu as autant participé que moi.

Elle m'écoute attentivement, hochant la tête. J'aurais pu mener cette réunion seul et lui annoncer les modifications a posteriori. Seulement, elle s'est tellement investie que je ne trouvais pas ça correct.

Dahlia est d'une force fragile, c'en est déroutant. A certains moments, elle paraît totalement sûre d'elle et ne laissera personne lui marcher sur les pieds. Et à d'autres, elle se renferme complètement et cherche à se cacher le plus possible. Qui t'a rendue aussi méfiante, Dahlia ? Parce qu'on naît rarement aussi brisé. Il suffit de la regarder : recroquevillée sur son siège, fuyant mon regard ; elle cherche pourtant avidement mon soutien.

Malgré tout, lors de nos différentes rencontres, je sens qu'elle s'ouvre progressivement à moi. Comme si ses pétales s'ouvraient peu à peu. Je suis certain qu'elle doit être une fleur multicolore, magnifique. De mon côté, je ne me pose pas trop de questions sur ma manière d'être en sa compagnie. Depuis ce vernissage, où nous avons convenu de devenir amis, j'ai fait sauter les barrières cordiales. Sam m'a assuré qu'il ne m'avait pas vu aussi souriant depuis longtemps. « Un gosse dans une fête foraine », m'a-t-il affirmé en riant. Quand j'ai acheté cette toile pour Dahlia, j'espérais sincèrement que ça lui ferait plaisir. Elle ne l'aurait jamais accepté si elle avait su que je l'avais payée. Alors, j'ai un peu détourné la réalité... Je lui dirais peut-être, un jour.

— Je dois avoir un peu d'alcool dans ce placard, assuré-je, si ça peut te détendre.

— Non, de l'eau, c'est très bien. Après je vais dire n'importe quoi, balbutie-t-elle.

Souviens-toi des irisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant