10# Dame de cœur

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Azalée ; Rhododendron : Premier aveu d'amour

Isaac

Avec curiosité, je découvre un salon d'un style vieillot. Le canapé paraît être la pièce la plus récente. Les murs semblent avoir été maladroitement repeints. En réalité, je discerne des éléments actuels et d'autres, du siècle d'avant. Les chaises sont dépareillées. Les coussins ont chacun leur taille et leur forme différentes. Pour autant, le mélange détonnant donne un ensemble cohérent.

Mon cœur s'emballe lorsque j'aperçois mon tableau au-dessus de la télévision. Du moins – le tableau que mon cousin lui a offert, officiellement. Troublé de voir cette œuvre ici, mes pas suivent les siens jusqu'à la cuisine. Les meubles en formica s'accordent aux appareils électroniques bancals. Malgré tout, on devine qu'un soin particulier est apporté à cette habitation : ça sent bon le propre et la lessive ; tout est rangé et les fenêtres ouvertes laissent passer le chant des oiseaux.

— Voilà mon chez-moi, balbutie Dahlia, mal à l'aise. Et puis, la pièce maîtresse : le jardin.

La talonnant, j'entre dans une vieille véranda abimée par le temps. Un mobilier d'extérieur, plutôt récent pour le coup, donne envie de se poser là. Derrière les vitres, je discerne un grand espace vert. Timidement, j'y avance de quelques pas. Aucun vis-à-vis de voisins ne donne ici, à part au fin fond de la parcelle. Tout est entouré de murs en béton, l'isolant du village. Un ancien potager se laisser deviner : des morceaux de bois délimitant le coin des tomates avec celui des salades. Des grands et vieux arbres ombragent l'endroit. Et l'herbe semble être laissée à l'abandon, venant me chatouiller les chevilles de leur hauteur.

— Je sais, je n'en prends pas soin, regrette Dahlia, à mes côtés.

Les mains liées dans le dos, les yeux rivés sur le sol, elle paraît honteuse.

— Nous allons en faire un truc incroyable, assuré-je, lui pressant l'épaule.

Surprise par ma proximité, elle se redresse, m'offrant un sourire timide. Depuis que je suis entrée dans sa maison, elle semble sur la réserve, osant à peine mener la visite des lieux. Malgré tout, j'apprécie l'ambiance qui règne ici : chaleur et bienveillance. Ou bien est-ce elle qui fait véhiculer ces sensations ?

— Je ne peux plus voir ces murs gris, soupire-t-elle, me désignant ce qui entoure le jardin.

— Alors, nous les recouvrirons de bois.

Elle acquiesce, comme prise d'un dilemme intérieur.

— Tu as l'air triste, murmuré-je. Tout va bien ?

Et les yeux qu'elle pose sur moi me font mal. Vides, humides, las et fatigués. Mon cœur se serre brutalement à cette vision.

— Et si tu t'en vas avant la fin ? souffle-t-elle douloureusement.

— Que je parte ? m'étonné-je, haussant un sourcil.

Elle hoche la tête, embrassant le lieu du regard.

— Pourquoi ferais-je ça ?

— Pourquoi les autres l'ont fait ? rétorque-t-elle, pince sans rire.

A cet instant, je comprends que nous ne discuterons pas jardin aujourd'hui. Je n'ai jamais vu Dahlia aussi mélancolique. Observant le sol, elle paraît en pleine réflexion. Par pudeur, je reste simplement à ses côtés, sans prononcer un mot. Qu'elle sache juste que je suis là, avec elle. L'espace vert en friche a l'air si important pour elle. Mais aussi, si lourd en souvenirs.

Souviens-toi des irisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant