Isaac
Et me voilà, allongé sur mes draps frais, fixant mon plafond d'un air hébété. Dahlia et moi avons passé toute la soirée dans sa véranda, à nous raconter des détails de nos vies. Tant et si bien que nous n'avions pas vu l'heure : deux heures du matin. Elle m'a proposé son canapé, j'ai poliment refusé, préférant rentrer chez moi pour réfléchir à tête reposée. Sauf qu'il n'y a rien à réfléchir : je me sens bien et c'est tant mieux. Je ne me pose pas plus de questions. La fleuriste m'a avoué que je lui plaisais et qu'elle souhaiterait aller plus loin. Jusque-là, je n'osais pas faire de suppositions là-dessus. La réciprocité de cette attirance me comble au plus haut point.
Subitement, je me rends compte que je n'ai pas pensé à ma famille une seule seconde aujourd'hui. Et ça fait du bien. Un frisson me parcourt l'échine en imaginant le moment où je devrais lui en parler. Parce que ça arrivera. Surtout si j'ai envie de la préserver. Je pourrais tout lui cacher, mais à quoi bon. Ça reviendrait à lui mentir sur beaucoup de choses. Pour l'instant, je préfère profiter de l'instant, du bonheur qu'elle m'apporte. Le reste viendra naturellement.
Ma vision se brouille, signe que la fatigue commence à l'emporter. Retirant mes lunettes, je l'avoue, je ne discerne plus rien. Une tâche floue et blanche se dessine à l'extérieur. Devinant qu'il s'agit de la lune, je clos les paupières, me laissant bercer par sa douce luminosité.
* * *
— Donc, nous sommes bien d'accord sur les temporalités ? Ce chantier doit être terminé vendredi. Et concernant le prochain, le fournisseur pourra nous livrer les oliviers la semaine prochaine.
Mes employés acquiescent et commencent à se lever, signe de la fin de la réunion. Rassemblant mes papiers en un tas uniforme, je rejoins mon bureau d'une démarche enjouée. Soudainement, mon portable vibre dans ma poche. En apercevant le prénom floral, un sourire se dessine sur mon visage. Avant de s'effacer aussi rapidement en entendant sa voix affolée :
— Isaac, tout a disparu, hoquette-t-elle à l'autre bout du fil.
— Je ne comprends pas, balbutié-je, sentant sa détresse évidente.
Ses sanglots me serrent douloureusement le cœur. Elle cherche à reprendre une respiration normale, en vain.
— De l'eau, partout, et tout s'est noyé, tente-t-elle d'expliquer maladroitement.
— Dans la boutique ?
J'essaye tant bien que mal de deviner ce qu'il se passe. Se mettrait-t-elle dans cet état si toutes ses fleurs avaient péri dans une inondation ? Peut-être.
— Oui, enfin non. Je... catastrophe et puis...
Elle repart dans des pleurs incontrôlables. De mon côté, je fais les cent pas dans mon bureau, ne sachant pas quoi faire. Mon cœur tambourine dans ma poitrine, en proie à une angoisse irraisonnée.
— As-tu besoin que je vienne ? m'entends-je demander, alors qu'un gros rendez-vous m'attend dans à peine deux heures.
Un silence passe sur la ligne téléphonique. Seule sa respiration difficile atteint mes oreilles. Me rongeant les ongles, je patiente, la respiration coupée.
— Oui, souffle-t-elle finalement, complètement désemparée.
— J'arrive, assuré-je sans réfléchir.
Attrapant ma veste et mes clefs, je quitte la pièce rapidement, sous le regard effaré de mes employés.
— Vous pouvez appeler le client de cette après-midi ? J'ai une urgence.
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Souviens-toi des iris
Romance« L'amour est la seule fleur qui croit et qui fleurit sans l'aide des saisons. » Khalil Gibran (Résumé en cours d'écriture, pour ne rien spoiler d'avance...)