Chapitre 16

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   La voix entrecoupée de sanglots de la reine répétait en boucle des excuses et des regrets qu'elle avait. Jolie Louve lécha tendrement son oreille, chuchotant :
 "Tu sais que ce n'est pas à moi que tu dois le dire."

  - Mais je m'en veux tellement ! Je n'aurais jamais dû dire ça. C'est sa mère qui- C'est elle qui-" s'étouffa-t-elle

  Elle l'interrompit.
"Allez... Il ne doit pas t'en vouloir."

  Sa sœur ne répondit rien. Le silence emplit l'espace, le rendant inconfortable. Quelque chose n'allait pas, elle sentait ses intérieurs se nouer et sa salive devenir impossible à avaler. Le temps semblait passer si lentement. Cependant, au bout de ce qui était un instant, un court instant, sa sœur lui demanda brusquement de partir, sans explication. Elle la pressa, son ton devenant de plus en plus froid et rude. La chasseuse s'exécuta et pria intérieurement le Clan des Étoiles qu'elle ne fasse rien d'idiot. Une forme floue passa rapidement sous son museau et, sans ne savoir pourquoi, elle l'interpella :
  "Hé ! Ça va ?"

  Aile Tachetée se retourna et la regarda, confuse, avant de répondre simplement :
 "Oui, je vais bien. Et toi, comment tu vas ?"

  La féline grise crissa, un frisson parcourant son échine.

   "Ça va, oui. Évite juste de dire ça." réclama-t-elle, le souvenir permanent de l'image terrifiante du lieutenant et de sa phrase fétiche depuis quelques aubes

  - De quoi tu parles ? Du fait que je dise que je-"

  - Oui, oui. Ça." coupa la chasseuse, avant qu'elles ne se séparent, faute d'un sujet de discussion intéressant

   Jolie Louve pensa. La rouquine était vraiment d'une agréable compagnie. Bien qu'elle parlait peu, elle savait exprimer ses pensées avec justesse et s'occupait toujours du bonheur de son interlocuteur. Sans mentir, elle l'enviait un peu. Comment devient-on une personne aussi admirable dans un clan où rien ne va et que les secrets perdus dans la brise en détruisent les gardiens ?

     La soirée ne tarda pas à pointer le bout de sa truffe. Une certaine tension dans la caverne des guerriers empêchait la chatte argentée de s'endormir, la tête posée sur ses pattes.
  Renard d'Argent ne trouvait pas le sommeil et se tournait, et retournait dans son nid. Ou peut-être avait-il un mauvais rêve comme à son habitude ? Aile Nuageuse et sa mère étaient blotties l'une contre l'autre : la première semblait attendre quelque chose, l'autre, endormie à cause de son grand âge, battait le sol de sa queue. Son père faisait résonner un faible ronflement dans la caverne, et, malgré leur pelage identiquement sombre, elle reconnut le regard vindicatif d'Œil de Panthère posé sur Aile Tachetée. Celle-ci paraissait paisiblement endormie aux côtés de Jolie Louve, qui releva la tête pour feuler brièvement. Le mâle la regarda seulement avec dédain et détourna son regard brûlant de haine.
  À la gauche de Griffe Noire – dormant comme un loir – se tenait le lieutenant. Droit comme les arbres des bois, il scrutait l'extérieur avec un air effrayant : ses yeux ne quittait pas le point qu'il s'était fixé, un léger sourire découvrant ses crocs luisants. Puis celui-ci s'effaça. Lentement, il se leva. Trop lentement. Il se déplaça comme possédé par une esprit de la forêt sombre vers l'extérieur, sans quitter des yeux son point imaginaire.

  Sans perdre un instant, la guerrière se leva à sa suite. Son comportement était beaucoup trop inquiétant pour le laisser partir comme ça, seul, dans la nuit. Elle le suivit discrètement. Dans la nuit noire, uniquement éclairée par des étoiles et une lune presque pleine, sa silhouette albâtre disparut dans le tunnel d'ajoncs. Elle s'apprêtait à le suivre quand une voix l'en empêcha.

   "Jolie Louve ? Qu'est-ce que tu fais si tard, dehors ?"

 La forme nacrée de Geai d'Ivoire se détachait du ciel bleu nuit. Ce contraste était saisissant, si bien qu'elle en oublia pourquoi elle s'aventurait seule, sous la Toison Argentée. Son idée principale lui revint en tête bien rapidement. Pourtant la curiosité la poussa à comprendre pourquoi le matou n'était pas à l'intérieur, rêvant de son futur avec sa belle. La fatigue se reflétait dans ses yeux herbe, et les traits de son visage se peignait de tristesse.

  Il n'en fallut pas plus à la membre du clan pour comprendre. D'une voix douce, elle demanda :
"Qu'est-ce qui t'es arrivé ?"

  - M-moi ? Mais rien, voyons."

   Il eut un rire bref, un rire nerveux.

  "Ne me mens pas. Ce craquement dans ta voix, ton visage, et ce sourire forcé que je t'ai bien souvent vu faire : tu ne vas pas bi-"

  -Je ne veux pas en parler." la coupa-il "Je suis assez grand pour gérer mes propres problèmes."

  Son ton sec et son regard si dur firent reculer la malheureuse de quelques pas. Il eut l'air de s'en rendre compte néanmoins ne changea pas. La féline abandonna et baissa son regard.

   "Si... Si tu le dis. Je vais y aller." le salua-t-elle, avant de suivre la piste laissée par Houx Glacé

  - Non. C'est hors de question. Tu n'as pas répondu à ma question. Qu'est-ce que tu fais seule, dehors, dans la nuit ?"

   La colère avait dû lui monter à la tête car un grognement faisait vibrer ses mots. La féline se rassurait en se répétant que son ainé était simplement inquiet pour elle et son comportement qui, à première vue, était suspect. Seulement, il s'approchait dangereusement d'elle et un grondement s'échappait de sa gorge.

  "Qui est-ce que tu vas rejoindre, hein ? Qui est-ce que la parfaite fille du chef va rejoindre ?"

   Il sauta vers elle, comme pour lui mordre la gorge. La guerrière réussit à esquiver l'attaque pourtant le claquement de ses dents tranchantes lui sembla trop proche, bien trop proche.

  "P-personne. Enfin..."

  Sa voix trembla sous le coup de la peur. Elle se reprit et, d'une voix plus forte, elle assura ses paroles, criant presque  :
   "Je ne vais rejoindre personne, pas dans le sens romantique. J'ai- Enfin reprends-toi, Geai d'Ivoire ! Tu ressembles à ton père comme ça. Je croyais que tu faisais tout pour éviter cela. Et puis, tu penses aussi mal de moi que ça !"

  Leur souffle était la seule chose que l'on pouvait percevoir dans la noirceur de la nuit , et avant que l'un des deux ne puisse reprendre la parole, une brindille craqua. Tous deux se tournèrent vers le petit chat hésitant.

  "Je... J'ai- Je n'ai rien entendu."

   Sans pouvoir expliquer le malentendu, celui-ci fila vers les bois. La quadrupède soupira, et partit d'un pas déterminé et agacé vers sa première destination : les bois.

Présage Annonciateur - Lgdc Fanfiction  [En Hiatus pour toujours, je crois...]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant