Le soir même, après le passage d'un bus sur les rails en contrebas, sa porte s'ouvrit. Une lumière vive jaillit de cette ouverture, dévoilant petit à petit la silhouette si familière du corps d'Inri. Il referma la porte derrière lui dans un geste presque discret. Il portait sur lui un long t-shirt blanc et un pantalon cargo noir. Quelques lanières tombaient le long de ses fines jambes. Ses mains étaient au repos dans ses poches, lui donnant un air décontracté qui faisait contraste avec l'expression sérieuse de son visage. On aurait dit que quelqu'un l'avait tiré du lit, ses cheveux volaient dans tous les sens.
"T'as pas peur, rit Dollie.
- Je sais me défendre, répliqua le noiraud. Bref, je suis pas là pour me battre. Ton amie sukeban vient d'être transférée dans l'endroit le plus pourri du bâtiment. Aucun entretien, des fuites d'huile et d'eau...
- C'est pas cosy ici non plus, rétorqua la jeune femme.
- Si tu parles on vous libérera toutes les deux sans discuter."
Il alla s'installer sur la bordure contre le mur qui longeait la porte. C'est là que Shin était venu déposer sa nourriture.
"Si vous me libérez je veux mon bras. (Elle désigna son moignon).
- Pour faire quoi, nous étrangler ? Nous électrocuter ? Nous electrangler ?
- Quel sens de l'humour...
- Il est très bien mon humour, rétorqua Inri, arrachant un rire à Dollie.
- Ça par exemple c'est une bonne blague."
Dans un moment de vulnérabilité, il rit à son tour. Un simple rire honnête qu'il n'aurait pas pu cacher se connaissant. Les deux jeunes adultes se demandaient comment les situations auraient pu être s'ils n'avaient pas fait partie de ce genre d'organisations. Leurs regards se perdirent doucement vers les ténèbres de la pièce. Un sentiment de désespoir s'empara d'eux; il était trop tard pour faire marche arrière.
L'ambiance se fit tout de suite plus lourde alors qu'Inri se retirait, sans rien dire de plus. Il laissa Dollie seule, le trafic d'en bas comme fond sonore. Il rejoint la réserve à nourriture, là où il attrapa de quoi grignoter. Il savait pertinemment que ce soir encore il ne dormirait pas, l'image de cette jeune fille se faisant électrocuter - par sa faute - le hantait. Pourquoi avait-il accepté ce "job" ?
Il s'ecroula sur son matelas de mauvaise qualité, le regarde rivé vers son plafond gris devenu bleu. Il se souvenait encore du jour où il était venu voir ses 6 amis pour leur partager ce "bon" plan qu'il avait trouvé. Il se trouvait monstrueux, horrible. Le monde était-il devenu si injuste ? Il pensait que tout se passerait bien, mais cette affaire de Yakuza lui prenait la tête et le travaillait trop. Il voudrait que tout s'arrête.A ce moment là, tout se passa tellement vite. Son souhait fut comme exaucé, une alerte résonna à travers tout le bâtiment et sa chambre se mit à scintiller de rouge. Il leva la tête vers l'écran à l'opposé de son lit; une alerte évasion. Pris de panique, il sortit de sa chambre et chercha à rejoindre ses amis. Il ne trouva que Shin, à peine éveillé. Une marque rouge sur sa joue trahissait le fait qu'il s'était endormi sur son bureau - encore.
Inri le prit par le poignet et couru jusqu'à l'aile ouest du bâtiment: il comprenait ce qu'il se passait. Shin, lui, n'avait pas l'air de le savoir. La cohue se calmait petit à petit quand ils arrivèrent près de la zone en question, c'est là qu'il reconnu une silhouette assez familière; celle de Dollie.
"Qu'est-ce que... comment t'as fait pour arriver ici ? Comment tu savais ?"
La Violente se retourna pour leur faire face, un badge à la main. A ses pieds gisait le corps - probablement sans vie - d'un des seuls gardes de la zone. Cette vision troubla les deux garçons. Il y avait du sang au sol, un arme à feu gisait dans la flaque. Le garde avait un trou béant par lequel s'écoulait encore du sang, tachant sa tenue déjà sombre. Ses yeux vitreux semblaient figés dans la direction des deux garçons; un frisson parcouru leur échine.
"Déjà t'avais pas fermé la porte... et j'ai juste visité... c'était pas très long."
Inri tomba des nu, littéralement. Ses genoux heurtèrent le sol, Dollie grimaça même. Shin s'avança vers la Violente, prêt à se battre, mais le plus vieux lui indiqua de ne pas l'approcher. Il retenait le pan de son pantalon entre ses doigts tremblants.
"Tu veux finir comme ce pauvre gars ? C'est à moi de m'en charger, j'ai fait n'importe quoi.
- C'est toi qui veux finir comme lui. On va surtout appeler nos supérieurs, rétorqua Shin.
- S'il te plaît."
Le garçon soupira et fourra ses mains dans ses poches, se mettant en retrait. Pendant ce temps là, Dollie était partie déverrouiller la cellule dans laquelle se trouvait la sukeban; Minori. Le teint pâle d'Inri se vêtit d'une couche de blanc supplémentaire, son cœur ne cessait de tambourinner douloureusement contre sa poitrine. Il se releva avec peine, il se sentait faible.
"Laissez nous partir, fit simplement Dollie, vous êtes pas faits pour un métier du genre... désolée que vous en soyez arrivés jusque là."
Elle lança le badge taché de sang encore frais au noiraud. Elle leur tourna le dos et, avec la sukeban, desertèrent les lieux. Par chance, aucune caméras n'aura pu filmer avec exactitude le visage des deux "abrutis" qui se trouvaient là quand la Violente s'échappait des lieux avec leur otage.
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Voltage
Science FictionChaque jour était pareil. Dollie vivait dans un monde où la criminalité était revenue à la hausse dans un des pays considérés comme étant le plus sûrs au monde: le Japon. Elle travaillait avec les Violents de son quartier et faisait le sale boulot...