Simon regardait le ciel nocturne depuis la colline qui surplombait la villa. Assis contre sa voiture, il fixait la voûte céleste, totalement perdu et hypnotisé par le spectacle qui s'offrait à lui. Loin au-dessus de sa tête, les étoiles semblaient danser, se livrant une bataille sauvage pour gagner une place plus lumineuse dans la société céleste. La Lune resplendissait, surveillait ses milliers de serviteurs avec un sourire, tandis que ses plus fidèles amies la revêtait d'une longue robe de poussière blanche et vive. Quelquefois, très rarement, une étoile quittait sa place pour s'enfuir de l'autre côté de la toison argenté. Simon la regardait glisser le long de la peinture, jusqu'à sa chute définitive au-delà de son monde. Il fermait alors les yeux quelques instants, et faisait un vœu dont lui seul connaissait la consistance.
Cette nuit-là, il n'y avait aucun nuage pour défier la reine céleste, seulement de vagues traces noirâtres qui masquaient parfois les étoiles. Simon s'amusait alors à imaginer le combat qui se déroulait là-haut. Il abandonnait souvent par manque d'imagination, mais repartait à la charge dès que le scénario se reproduisait.Une heure.
Deux heures.
Trois heures.
Le rouquin ne regardait pas le temps filer. D'ordinaire, il finissait toujours par trouver le sommeil à force de réfléchir, mais ce soir-là, il n'y parvenait pas. Morphée lui avait fermée ses bras, le rejetant dans le monde des mortels, le chassant vers l'enfer de ses démons. Simon frissonna longuement, ramenant douloureusement ses jambes contre son torse. La position n'était pas forcément très agréable, surtout avec sa blessure, mais elle lui permettait de reposer son crâne fiévreux. Il ferma les yeux lorsque sa tête se posa sur ses genoux, et attendit. Il attendit que le noir l'emporte comme c'était le cas chaque soir. Il attendit que la Nuit lui chante une berceuse.
Le sommeil ne vint pas.
Au fond de lui, il ne voulait pas dormir. Lorsqu'il était éveillé, il gardait un pied sur Terre, et pouvait se raccrocher au monde qui l'entourait, mais dès que le vide l'emportait, il plongeait alors dans un monde tout autre et bien moins maîtrisable.
Le monde de ses démons, un piètre équivalent de ce que les historiens auraient pu appelé le Tartare.
Lorsque Simon s'endormait, il replongeait dans les souvenirs de sa captivité. Il se retrouvait de nouveau enfermé dans cette pièce humide, avec pour seule compagnie la présence épuisée de Milo qui devait lui aussi encaisser les coups de leur tortionnaire. Il ressentait à nouveau la douleur cuisante qui lui dévorait le dos, et comme durant ces heures de souffrance, il ne parvenait plus à se lever. Dans ses rêves, il commençait alors à ramper, s'agrippant au sol glacial. Milo se traînait avec lui, et ils avançaient vers la porte.
Mais à chaque fois, des mains le tiraient en arrière, juste au moment où il parvenait à actionner la poignée de la porte. Les mains le ramenaient au fond de sa prison, et plus loin encore. Milo continuait d'avancer sans le voir, et Simon avait beau hurler, ses cris ne l'atteignaient jamais. Les mains s'agrippaient alors férocement à son cou, l'étouffant. Il se débattait au sol, et comme un animal fou, se mettait à griffer tout ce qu'il croisait. La pierre, et la peau. La peau de ces mains qui le retenaient, si noires et si repoussantes qu'elles lui donnaient des nausées.
Où crois-tu t'échapper ? T'es tout seul ici.
Des voix revenaient alors le hanter, lui rappeler ces moments de solitude qu'il avait passé dans une autre salle, attendant que ses tortionnaires viennent lui rendre visite. Dans ces instants, Simon était seul et livré à lui-même.Plus le temps passait, plus ses blessures physiques s'évaporaient, laissant malgré tout de profondes cicatrices irréparables. Mais la plaie mentale, elle, ne partait pas. Simon arrivait de moins en moins à dormir, se réveillait en poussant des cris de terreur. Il lui était arrivé de s'éveiller, les larmes aux yeux, le coeur sur le point d'exploser et le corps tremblant. Simon n'avait jamais connu ce genre de réaction avant ce jour-là, et il l'avait plus dormi de la nuit. Depuis, il ne se passait pas une nuit sans que l'homme ne soit pas terrorisé à l'idée de s'endormir.
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"Loin de Moi, Près de Toi"
FanficIls sont loin, si loin l'un de l'autre. Loin de tout, de leur pensée, loin de leurs taquineries habituelles. Et pourtant...