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Le monde a sombré dans l'obscurité quand mes paupières se sont baissées pour protéger mes yeux des horreurs qui se trouvent dans la salle. D'ailleurs, il y flotte une odeur qui n'a rien de naturel. Je serais incapable de la décrire mais elle a quelque chose de chimique.
Les hommes me lâche et je m'écroule sur le sol froid. Je ne dois pas résister, je me murmure intérieurement. Leurs chuchotements me parviennent brouillés. Je me concentre comme l'autre nuit et je prie pour que ça marche. Je vide mon esprit et je pense très fort à ce que je veux : entendre les voix. Flash ! Et celles ci s'amplifient. J'entends quatre hommes. Le premier me parait vieux mais bien sûr je ne l'ai pas vu.
-Que ferait-elle dans le couloir sinon ? dit-il d'une voix autoritaire
-Peut-être qu'elle l'a simplement accompagné sans s'en rendre compte, dit le deuxième homme craintif.
Il semble beaucoup plus jeune que le premier. Il ne doit pas être là depuis longtemps.
-Ca se tient, réfléchit un autre d'un ton bourru, On devrait quand même vérifier, ajoute-t-il
-On peut lui poser la question, recommence l'homme craintif
-Elle peut mentir, objecte le plus vieux
-On la soumet au détecteur de mensonges, conclue le dernier comme si cela était évident, vu l'âge qu'elle a, si elle résiste cela se verra au détecteur, continue-t-il simplement
Les autres semblent hésiter. Au bout d'un moment, le plus vieux qui est visiblement le chef, soupire à contre cœur :
-D'accord, on va utiliser la manière douce
Je sens les hommes m'attraper. Aussitôt mon attention se reporte sur eux. Peu à peu les odeurs reviennent, les sons se font moins distincts et le froid du sol me transperce la peau.
Comment ça la manière douce?
-Ouvres les yeux, m'ordonne le plus vieux
Doucement, j'ouvre les yeux. Je suis assise sur le carrelage maintenu par deux hommes. Le premier est très jeune. Il ne doit pas être beaucoup plus âgée que moi, 3-4ans tout au plus. Sa blouse lui descent jusqu'aux chevilles. Ses cheveux sont très courts et ses yeux bougent dans tous les sens. Ses traits sont crispés. Il doit avoir un peu peur.
Le deuxième a une barbe de plusieurs jours. Son visage est neutre et calme. Il regarde la pièce d'un air absent comme si tout cela l'ennuyait. Sur son visage, on voit bien qu'il perd son temps.
Le plus vieux se tient en face de moi avec une lueur démoniaque. Ses cheveux blancs tombent en bataille sur ses épaules, sa bouche à peine visible sous sa moustache est figée en un sourire sadique et avec ses yeux gris qui vous scrutent, il ressemble à un fou qui aime torturer les enfants. Je voudrais chercher les quatrième des yeux mais cela attirerait l'attention alors je fixe le sol en jetant des coups d'œil aux visages de mes assaillants. Eux ne bougent pas, il semble attendre quelque chose. Après quelques minutes d'attente, le quatrième homme arrive. Il est beaucoup plus grand que moi part apport aux autres qui sont plus petits. Il est irrité et en colère, ses yeux en débordent. Sa blouse, comme toutes les autres, lui tombe sur les chevilles.
-C'est bon, dit-il sèchement
Les autres m'attrapent et me tirent violement. Je sers les dents pour rester silencieuse. Ils me soulèvent et m'assoient sur une chaise en bois comme si j'étais une poupée de chiffon. Mon regard reste fixe. Pendant qu'il attache toute sorte d'appareils et de files sur mes bras, j'observe la pièce.
La pièce est immense. Tout est blanc. Du carrelage au plafond passant par les murs, tout est blanc et vide. Il y a toute sorte de machines : des grandes, des petites, certaines sont pleines de files et d'autres étrangement vides. Partout, il y a des pointes, des courbes, des vitres, des lames et elles sont en fer, en plastique, en aluminium... Mes yeux passent lentement de l'une à l'autre. Un frisson me parcours. Toutes ces machines sont si propres, pourtant, je peux presque voir les taches de sang mêlée aux larmes. J'entends les cris. Cette salle respire la souffrance et la torture. Il aurait peut-être mieux valu qu'elle ne soit pas si blanche, cela la rend encore plus terrifiante. En tout cas, je ne connais aucun engins mais je sais que tous ou presque servent à torturer et je préfèrerais ne jamais revenir ici dans le futur, ni découvrir la manière forte.
-Nous allons te poser quelques questions, d'accord ?
J'avais oublié les hommes. Je les regarde uns par uns comme si c'était la première fois que je les voyais.
-D'accord ? répète le plus jeune
Je hoche la tête.
-Tant mieux, continue-t-il
Tous les autres regardent avec attention, ce qui se trouve derrière moi. Le détecteur de mensonges. Je ferme les yeux, il me reste deux solutions : soit je mens, il le voit et je ne ressort jamais de cette salle, soit je dis la vérité, je trahi Solfian, je perds tout espoir de ne pas devenir un robot et je sors imdemme mais même ça ce n'est pas sûr.
J'inspire profondément. Je ne suis pas obligée de dire toute la vérité ? Je peux omettre d'en révéler une partie ? J'ouvre les yeux, le visage toujours neutre. Il faut que j'essaie.
-Que faisiez-vous dans le couloir ? commence le jeune homme
-Je retournais en classe
Il regarde derrière. Il peut toujours chercher le mensonge car ce n'en n'est pas un.
-Que faisiez-vous hors de la classe ? demande-t-il méfiant
-J'allais à l'infirmerie
-Vous n'y êtes pas restée longtemps, remarque-t-il
-J'accompagnais un camarade
Ils décrochent tous leurs regards du détecteur pour me regarder et m'écouter avec attention.
-Continue, m'incite le vieux avec un sourire qui me donne plutôt envie de me taire.
-Il vomissait, dis-je comme si cela expliquait tout
-Il vomissait ? s'intrigue le plus grand soudain intéressé
-Oui
-Qui ?
-Mon camarade
-Oui mais comment s'appelle-t-il ? s'énerve-t-il
Jusqu'à présent, j'ai évité de prononcer son nom et cet homme en train m'y obliger.
-Solfian
-Solfian ? répète le jeune
-C'est le nouveau, explique celui qui s'ennuyait
Mince ! Ils savent !
-Etes-vous amis ou juste camarade ? dit le vieux avec le ton de quelqu'un qui est sur le point d'apprendre une information cruciale.
Aïe ! Qu'est-ce que je vais dire ? La vérité ? Non, certainement pas. Je n'ai plus qu'à prier pour que mon mensonge ne se voie pas au détecteur de mensonges. En même temps, on n'est pas vraiment amis.
-Juste camarade
Mon cœur bat normalement, ma respiration est lente et régulière, mes mains ne sont pas moites et mon regard est fixe. Pour une fois je suis contente qu'il y ait un décalage entre mon corps et mon cerveau. Ce qui m'inquiète, c'est que les hommes restent silencieux leur yeux immobile sur la machine. Au bout de quelques minutes, le plus vieux soupire :
-Vous pouvez retourner en classe
Je me lève lentement, arrachant les fils au passage, et sors par la porte. Cela ne semble pas avoir d'importance pour les hommes car ils ont déjà tous disparu. Une fois dans le couloir, je cours le plus vite possible et ne m'arrête que devant la porte de la classe. Je m'apprête à frapper quand...
-Tu en as mis du temps pour faire l'infirmerie-la-classe
Je me retourne pour découvrir Solfian. Il est pâle et tient une boite orange à la main. Que vais-je lui dire ?
-J'avais envie d'aller au toilette
Une phrase que je n'avais jamais dite auparavant. Tout ce qui se passe me semble tellement inhabituel que j'explose de rire. A peine résonne-t-il dans le couloir qu'il s'éteint et je me tais comme tous les autres, comme d'habitude. Solfian, lui, me regarde avec méfiance. Je suis complètement ridicule. Alors j'attrape la poignée de la porte et l'ouvre en volée. J'entre dans la classe et m'assois bruyamment sur ma chaise.
La prof d'histoire s'est figée. Ses cheveux bruns ondulés retenus en queue de cheval sont immobiles. Sa robe noire volante, tombe raide sur ses genoux et ses yeux bleus empreints de surprise sont rivés sur moi. Tous les autres élèves me regardent. Même Solfian me dévisage. Après un long silence, elle me sourit et me dit :
-Merci Isabelle. Entrez donc Solfian, fini-t-elle à l'adresse de celui-ci
Puis elle reprend son cour. Quand la cloche sonne, nous nous mettons en rang et sortons au pas de la classe, comme d'habitude.
-Isabelle
Je me retourne et regarde la prof. Ça, ce n'est pas habituel.
-Restez, dit-elle doucement mais fermement.
-Mais madame, je vais être en retard, dis-je encore surprise
-Je vous ferais un mot d'excuse
-Ils vont trouver cela louche et nous finirons dans la salle de torture pleine d'instruments étranges
Elle ouvre la bouche puis fronce les sourcils. Elle me regarde suspecte :
-Comment connaissez-vous l'existence d'une telle salle ?
Mince ! Elle secoue la tête et ses cheveux volent pour finir par retomber dans son dos.
-Peu importe. Fermez la porte,
A contre cœur, je referme la porte et m'emprisonne ainsi dans cette salle de classe.
-Vous savez comme moi, pourquoi vous êtes ici ?
-Non, je répond sincèrement
-Il me semble que cela est pourtant limpide, insiste-t-elle avec ses yeux bleus qui me fixent
-Bien sûr, je réponde un peu dérouté
-Je vous poserais une seule question...
-C'est déjà fait madame, je la coupe
-Alors je vous en poserais une autre : Comment avez-vous fait ? demande-t-elle admirative
Quelle chose dur que de répondre à une question dont on ne comprend pas le sujet.
-Je ne sais pas
-Je n'ai jamais vu personne y arriver jusqu'ici, du moins, personne qui n'ait survécu
-Merci
Ma réponse ne doit pas être satisfaisante car elle fronce ses fins sourcils bruns :
-Vous n'avez pas compris. Comment avez-vous réussi à ne pas devenir comme tous les autres ?
Je me fige. Elle sait et je dois nier :
-Je suis comme tous les autres,
-Allons inutile de jouer la comédie, j'ai deviné
Je cours vers la porte mais elle m'arrête :
-Je ne dirais rien et revenez quand vous voulez en parler.
-Je peux partir ? dis-je en me promettant de ne jamais aller la voir
-Oui, soupire-t-elle, Ah, autre chose, je suis chambre 213
Je sors de la classe et marche au pas en regardant le mur d'en face pour me rendre à mon prochain cours. Je jette un coup d'œil à l'horloge : j'ai 20minutes de retard. Géniale ! Espérons que la prof d'histoire tiendra sa promesse.
Je frappe à la porte. La prof de math m'ouvre la porte surprise. Je ne la regarde pas. J'avance en mode robot jusqu'à ma place. Je ne m'excuse pas sinon ce serait suspect. Elle reprend son cours et j'essaie d'écouter mais je retombe vite dans la même transe que les autres sauf que moi je suis presque consciente.
J'adopte la même démarche que les autres. Une fois au réfectoire, je m'assois à ma place et me met à manger mon assiette. C'est alors que je remarque qu'un homme en costume est assis parmi les professeurs. Je ne l'ai jamais vu et les profs semblent aussi surpris que moi car ils n'arrêtent pas de lui jeter des coups d'œil rapides. Ses yeux balaient la salle quand... Son regard se fige sur moi. Je baisse les yeux rapidement et m'applique à manger à la même vitesse que mes camarades. Je sens ses yeux qui me scrutent. J'ai l'impression d'être une tache noir sur un tableau blanc. Après quelques instants, je décide de risquer un coup d'œil et je m'aperçois soulagée qu'il regarde déjà ailleurs. Je m'applique à ignorer parfaitement Solfian et je retombe dans la monotonie de d'habitude. Quand vient le dernier cours de la journée, je soupire. C'est bientôt fini ! C'est épuisant de caler chaque geste sur ceux des autres. Je ne me souvenais pas que c'était si fatiguant d'ailleurs.
Alors que le prof commence à parler, l'homme en costume entre dans la classe. Ses cheveux noirs sont plaqués sur sa tête. Il est petit et à quelques rondeurs. Ses yeux gris débordent d'une férocité pas naturelle. Un frisson me traverse. Que vient-il faire ici ? Il respire un bon coup, pour lui c'est le début de son discoure, pour moi c'est le début de la torture. Je n'ai plus qu'à prier et redoubler d'efforts : Je dois être exactement comme les autres.
-Bonjour à tous, démarre-t-il, vous devrez tous passer un test qui nous permettra de découvrir certains...symptômes. En vérité, ce test est fait pour dépister une maladie dangereuse dont je vais vous expliquer plus explicitement les causes et les conséquences tout à l'heure. Si l'un ou l'une d'entre vous croit connaître quelqu'un qui présente un ou plusieurs de ces symptômes, qu'il informe ses professeurs. En revanche, si vous pensez être contaminés par cette maladie, prenez immédiatement rendez-vous avec moi auprès de vos professeurs, il reprend son souffle.
Si quelqu'un vous parle de chose dont vous n'avez jamais entendu parler en cour ou si cette personne ne se comporte pas comme d'habitude ou comme les autres ou encore si cette personne vous raconte des choses étranges du genre : vous êtes en prison ou il faut que tu t'enfui avec moi ou autres bêtises, elle présente les symptômes de cette maladie. Si vous présenter ces symptômes, vous devez prendre rendez-vous avec moi. Il est très important pour vous et vos camarades que vous nous aidiez car cette maladie est dangereuse et je voudrais éviter une épidémie.
Il continue de sourire pendant 5minutes en nous scrutant des yeux puis il continue d'une voix mielleuse :
-Est-ce que l'un de vous à une déclaration à faire ?
Personne ne bouge.
-Bien, vous savez où me trouver
A peine a-t-il fini de parler que la cloche sonne. Les élèves se lèvent et sortent de la classe au pas. Je les suis quand...
-Isabelle ! Restes ici !
Je m'arrête surprise et terrifiée. Il ne peut pas savoir que je suis atteinte de cette ''maladie''. Je m'applique à me comporter comme l'aurait fait les autres. Je me plante juste devant lui.
-Assied-toi là, dit-il en désignant une chaise
J'exécute son ordre les yeux dans le vague.
-J'ai entendu des rumeurs bien différentes à ton sujet mais comme toutes se contredisent, je voulais connaître ton point de vue. Je vais te poser certaines questions et tu devras répondre la vérité. Tu es d'accord ?
J'acquiesce d'un signe de tête.
-Bien, commençons. Es-tu ami avec le nouveau, Solfian ?
Je dois nier.
-Non
-Pourtant plusieurs professeurs t'ont vu lui parler le jour de son arrivée, le nies-tu ?
Comment ont-ils vu cela ? Question idiote. Ils l'ont forcément vu. On était dans la cour. Il ne doit pas savoir que je lui aie déjà parlé sinon je suis morte en même temps je ne peux pas nier que je lui ai parlé car il va deviner toute de suite que je ne suis pas comme les autres.
-Nous avons échangé des civilités
-Quels genres ?
-Nom et prénom
-C'est tout ?
-Oui
Il commençait à m'énerver avec ces questions.
-Vous savez qu'on va connaître la vérité pendant les tests, que vous ne pourrez pas mentir ?
Ah non ! Pas le détecteur de mensonges ! Ils ne vont pas me refaire le coup !
-J'ai déjà passé les tests
Il écarquille les yeux :
-Pardon ?
Je répète plus fort :
-J'ai déjà passé les tests
-Vraiment ? Vous êtes sûr ?
Je plante mes yeux dans les siens et répond d'un ton sarcastique :
-Ce n'ai pas le genre d'expérience qu'on oublie
Quand je prends conscience de mon geste j'en pleurais presque. Je me suis tellement appliqué pour me comporter comme les autres et je viens de me vendre. Quelle idiote !
-Vous viendrez dans mon bureau demain juste après le déjeuner, m'ordonne-t-il
-Je raterais donc les cours,
-Oui et à demain, dit-il sèchement
Je me lève toute tremblante de peur. Je ne veux pas y aller malheureusement j'y suis obligée. Je quitte la pièce. Je ne désire qu'une chose : me réveiller et découvrir que tout ceci n'était qu'un rêve pourtant, avec tous ses évènements inhabituels, je n'ai jamais été autant réveillée.
Une fois dans mon lit, je me remémore la scène en ajoutant des phrases que j'aurais pu dire pour me rattraper. Après de longues minutes de tortures, je réfléchie à ce que j'aurais pu faire pour éviter que tout cela n'arrive. Si je n'avais jamais rencontré Solfian, je ne serais pas dans cette galère. Quelle ironie ! Moi qui l'attendais avec impatience car il était ma délivrance ! Je finis par m'endormir épuisée de me torturer l'esprit avec ces pensées.
Le lendemain, je me réveille terrifié à l'idée du rendez-vous qui m'attend. Plus l'heure approche, plus ma peur grandit. Au moins, vu comment bat mon cœur, il n'y plus de décalage entre mon corps et mon cerveau.
Assise devant mon assiette, je regarde les gens autour de moi manger ce qui m'est impossible. La peur me crampe le ventre. Je jette ma nourriture et la cuisinière me regarde d'un œil suspect. Je monte à l'étage. C'est là que se trouve tous les bureaux. J'essaie de penser à autre chose. Alors je remarque que Solfian n'a assisté à aucun cours se matin. Je suis en train de me demander où il était quand je m'arrête brusquement. Devant moi là sur la porte en bois, il y a un écriteau de métal où on peut lire gravés en noir :
Bureau du directeur
Je n'ai pas de doutes, c'est bien là. Le cœur au bord des lèvres je frappe et une voix grave me répond :
-Entrer

La liberté est dans tes yeux...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant