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Je n'entends rien. Ni mes pas sur le carrelage, ni les siens, ni sa voix, ni ma respiration... Je cours, cours, cours... Pousse une porte, m'engouffre dans la pièce et ferme la porte. Je m'adosse contre elle et reprend ma respiration.
A peine Mme Chauve avait-elle fini de parler que j'étais partie. Je ferme les yeux. Toutes mes pires craintes se réalisent. Cet endroit n'est pas une école, c'est une prison dont il est impossible de s'échapper. Reprend toi! C'est Solfian qui part, pas toi. J'avais tellement espéré pouvoir un jour m'en aller moi aussi. J'essuie les larmes de rage, ravale ma colère et souris.
J'observe la pièce où je me trouve. Je réalise que c'est mon ancienne chambre. Rien n'a changé.
-Isabelle, Ouvre
C'est la voix de Mme Chauve. Je me sens un peu déçue puis vraiment en colère. Alors je ferme la porte à clé et saute sur mon lit. Je m'enveloppe dans les couvertures. Je me mets à chantonner une chanson. J'ignore combien de temps je reste là mais au bout de plusieurs heures, je m'endors. Des coups contre la porte me réveillent.
- Isabelle, laisse-moi entrer s'il te plait, me supplie Solfian derrière la porte
Je décide d'ouvrir la porte. Il entre. On reste quelques minutes à se regarder puis je finis par dire:
-Nous comprenons maintenant à quoi sert la fusée
-Ça va?
J'ignore sa question.
-Bon, il nous faut un plan pou...
Mme Chauve entre à ce moment.
-Solfian tu devrais partir. Le président va bientôt faire fouiller l'internat pour retrouver sa fille chérie. Il ne faudrait pas qu'il te trouve sinon ils vont te torturer jusqu'à la mort. Je viendrais t'apporter de la nourriture demain.
-Non, je reste tant qu'Isabelle ne m'a pas dit qu'elle allait bien.
-Elle va bien, enchaine Mme Chauve
Hé ho! Je suis là! Au cas où quelqu'un l'aurait oublié mais visiblement elle s'en fiche pas mal.
-Mais... objecte-t-il
- On n'a pas le temps de discuter
Elle l'attrape par la main et l'emmène hors de la chambre. Je lui souris et il m'articule silencieusement: à demain puis disparait.
Je n'aime décidément pas Mme Chauve. Elle m'insupporte.
Je rentre chez moi encore plus en colère. J'ouvre la porte et la claque avec rage. Mon père, entouré des docteurs me regarde étonné. Je les fusille tous du regard et m'enferme dans ma chambre. Je m'assois sur mon lit. J'entends les chuchotements reprendre. Je me concentre sur mon ouïe. C'est plus dur quand on est en colère mais je find par y arriver. Flash! Tous mes autres sens disparaissent.
-Monsieur, les résultats sont positifs, dit une voix craintive
-Cela n'est pas logique, ajoute la voix de l'homme qui semblait s'ennuyer quand ils m'ont soumis au détecteur de mensonges.
-Peut-être que l'emprise n'était pas assez puissante, suggère mon père
-J'en doute monsieur, reprend l'homme que je connais
-Solfian peut l'avoir détruite, ajoute l'homme craintif
-C'est vrai qu'il continue de se balader, reconnait mon père, Qu'en pensez-vous Richard?
-Je pense que les tests nous éclairerons et dans le cas contraire, nous trouverons une solution dit calmement le vieil homme qui était présent aussi présent le jour de mes "test".
-Vous avez toujours raison Richard, se réjouit mon père
-Monsieur? demande l'homme craintif
-Oui
-Je peux vous posez une question par apport à votre fille?
-Non, répond mon père puis il continue plus doucement, Bonne nuit messieurs et à demain soir
J'arrête de me concentrer sur l'ouïe et peu à peu mes autres sens reviennent. Il faut que j'aille voir ce qui se passe demain soir. Mais comment? Je pourrais demander l'aide de Solfian. Il va encore me conseiller d'aller voir cette insupportable de Mme Chauve. Je ne comprends même pas comment il peut avoir confiance en elle. Elle est...euh...Elle est tellement...gentille. Ok, elle est digne de confiance et gentille mais je ne l'aime toujours pas. Elle se prend trop pour sa...mère.
Je soupire. Je n'ai aucune raison de la détester et pourtant...
Je ferme les yeux. C'est à cet instant que je remarque à quel point je suis fatiguée. Physiquement comme émotionnellement. Il faut que je fasse sortir Solfian d'ici et je tiendrais ma promesse quoi qu'il arrive...
Le lendemain, je m'excuse pour la veille auprès de mon père. Je lui dis que je cherchais Solfian et que je l'avais presque trouvé mais qu'il m'avait échappé. C'était donc la raison pour laquelle j'étais en colère. Je le supplie de ne pas m'envoyer en cours et il finit par céder.
Je décide de ne pas aller voir Solfian toute de suite. Je prends une lampe torche, le plan de l'école. J'observe le plan. Je repère le hangar. Je remarque qu'il s'étend sur les 2 étages mais qu'il n'y a pas d'escalier. Tous les bureaux des professeurs y sont reliés, y compris celui de mon père. Je ne prendrai pas le risque d'y entrer une deuxième fois.
Je passe le plan au peigne fin mais je ne trouve pas la salle des tests. En revanche, le bureau des docteurs, je le vois bien. Il est immense. Je soupire. Je range le plan, mange les haricots et le viande froide et je sors de ma chambre, décidée à aller voir Solfian.
Il m'attendait.
-Tu en as mis du temps! Nous t'attendions! se fâche-t-il
J'allais me défendre mais...
-Nous?
-Oui, moi et Mme Chauve, dit-il encore en colère
Ah non! Je ne crois pas que je vais aller la voir aujourd'hui! Il a cru que c'était la fête!
-Je n'irais pas voir Mme Chauve, je réponds catégoriquement
-Ça tombe bien puisque c'est elle qui est venue te voir, dit-il d'un ton sarcastique
Il m'attrape le poignet. Je me dégage violement:
-Je n'irais pas voir Mme Chauve
-Tu lui dois bien ça. Elle t'a aidé pour le directeur.
Je le fusille du regard. Il a raison.
-Très bien, je crache
Il avance et je le suis. Quand Mme Chauve nous voit arriver, elle se lève et cours vers nous.
-Le repas est prêt.
Elle et Solfian s'assoient sur la couverture miteuse qui recouvre le sol et commencent à manger. Je ne m'étais jamais demandée ce qu'il mangeait, ni même s'il mangeait. J'étais censée l'aider mais je n'ai même pensé à lui rapporter à manger. Je rougis de honte. Je fais une bien pitoyable amie. Mme Chauve, elle au moins, c'était la première chose qu'elle avait dû lui proposer.
-Tu ne veux pas venir manger avec nous, demande gentiment Mme Chauve
Je rougis encore plus:
-Euh...non...j'ai...j'ai déjà...comme j'étais dans...enfin chez...donc...les restes, non...pas les restes...mais, je bégaie
Je vois leur incompréhension et préfère me taire plutôt que de raconter encore n'importe quoi. Mme Chauve, perplexe regarde Solfian qui hausse les épaules. Elle me sourit.
-Peux-tu répéter s'il te plait?
Je prends une grande inspiration et je dis:
-J'ai déjà mangé
Elle me regarde avec son regard juge. Je peux presque entendre ses pensées. Cette fille est vraiment égoïste. Elle ne pense qu'à elle-même etc. Je n'essaie même pas de me justifier. Ils reprennent leur repas.
Au bout d'un moment, je m'assois par terre et observe le plan une deuxième fois. Je ne trouve toujours pas la salle des tests. Je cherche un repère. Ma chambre ! Je remonte le couloir avec mon doigt, arrive à la cantine et... un carrefour. Sur le plan, il y a juste marqué : salle de classes. Comment savoir laquelle est celle d'histoire-géo ? Je cherche plutôt l'infirmerie et après de longues minutes d'orientation, mon doigt tombe sur le bureau des docteurs. Il devrait y avoir la salle des tests à cet emplacement. Je soupire et range la carte.
Solfian et Mme Chauve sont perdus dans une conversation qui parait passionnante. Je ressors la photo du dossier TOP secret. Je fredonne cette chanson étrange qui doit venir de ma vie d'avant. Les paroles m'ont échappée et pourtant mon cœur se sert et mes yeux se remplissent de larmes. Des frissons me parcourent comme si cette chanson me rappelait quelque chose de triste.
-Que chantes-tu ?
Je sursaute et l'air de la chanson s'envole.
-Comment ?
-La chanson que tu chantais ? me demande Mme Chauve méfiante
-Oui ben quoi ? je bredouille
-Quel est son nom ? Ses paroles ?
-Euh...Je ne sais pas
Solfian nous regarde bizarrement. Ses yeux passent de Mme Chauve à moi et de moi à Mme Chauve. Visiblement il est aussi perdu que moi.
-Où l'as-tu entendu ?
Le problème c'est que je ne l'ai jamais entendu...du moins pas que je me souvienne, là aussi est le problème.
-Je l'ai inventé, je mens
Elle rit :
-Non, tu ne l'as pas inventée
-Ah bon et pourquoi ? je la défis
Je ne suis pas bête comme elle voudrait le croire.
-Le soleil s'est couché pour laisser place à la lune et aux étoiles.
Regarde comme ils illuminent le ciel noir
Telle des veilleuses lumineuses sur une toile,
Elles font disparaître les cauchemars sans espoir.
Elle se met à chanter d'une voix aiguë :
Laisse toi voler sur nuage
Au pays des rêves
Où chevaliers, princesses et mages
Communiquent une joie sans trêve
Les paroles me reviennent peu à peu et mes larmes roulent telle des perles mais elle continue de chanter :
Et surtout n'oublie pas que je suis toujours là
Que je t'aime comme ça
Que mon amour est infini
Car tu es...
-Toute ma vie, je finis dans un chuchotement
Solfian continue de nous regarder de plus en plus étonné.
-Tu ne l'as pas inventé puisque ce sont mes ancêtres qui l'ont inventée. Personne à part notre famille ne connait cette chanson.
Alors l'image de ma mère assise sur mon lit me chantant cette chanson me revient. C'est la dame qui est sur la photo sauf qu'elle a l'air plus vielle et plus pauvre. Je sens même son odeur d'amour et de tendresse.
-C'est ma mère qui me la chantait
Elle ouvre de grands yeux :
-Ta mère !
Je lui montre la photo que j'ai dans la main et désigne la dame :
-C'est elle ma mère
Elle secoue la tête :
-Impossible, cette femme est morte bien avant que tu naisses.
Elle veut toujours tout savoir.
-Vous n'en savez rien, je l'agresse
-Cette femme est morte il y a 14ans et elle ne m'a jamais dit qu'elle avait eu un enfant.
-Pourquoi vous l'aurait-elle dit ? je réponds sèchement
-Cette femme est ma sœur et elle a été assassinée par le président. Ils travaillaient pour lui mais il les a tués quand il a eu le pouvoir. Ils s'étaient aperçus que ce qu'ils faisaient n'était pas bien alors ils ont commencé à..., elle semble hésité, transmettre des informations aux rebelles.
Je me lève d'un bond, me plante juste devant elle :
-Vous racontez n'importe quoi ! Cette femme est ma mère, je m'en souviens très bien ! Elle m'a cachée à mon père et est partie vivre avec cet autre homme sur la photo ! Ils ont trahis mon père, le président !
-Je te dis que je suis sa sœur, dit-elle calmement
-Tu t'es peut-être trompée ? essaie Solfian
Je le fusille du regard :
-Bien sûr vous savez tous mieux que moi ! Surtout en ce qui concerne ma mère ! je hurle
Je tourne les talons. Aucun des deux n'essaient de me retenir et cette pensé m'attriste.

La liberté est dans tes yeux...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant