Pas le temps de mourir. C'est ce à quoi j'ai pensé toute la journée. Je ne veux pas rentrer chez moi, ils seraient capables de me tuer. Littéralement. J'ai peur.
La cloche sonne, et me fait revenir brusquement à la réalité. Depuis ce matin, j'essaye d'éviter Ava, Aaron, Alec, et les autres. Comme hier, je fuis et tente d'aller me réfugier dehors. Cette fois-ci, j'y parviens. Je trouve un banc, à l'abri des regards indiscrets, et je décide de m'y installer. Une fois assise, je sors mon carnet de dessin, et je commence à m'évader. Les traits fusent, sans même que je m'en rende compte. Le crayon vole sur le papier, comme moi sur le sol, quand je danse. Une des plus agréables sensations que je connaisse. Je suis dans ma bulle, que personne ne peut percer. Du moins, c'est ce que je croyais. J'entendis des pas se précipiter vers moi.
"- Bon sang, enfin, je te trouve ! Je relève la tête, et aperçois Alec, qui envoie brièvement un message à je ne sais qui.
- J'ai prévenu les autres que je t'avais trouvé. Aller, Ju', viens manger avec nous. Ju', encore ?
- Je préfère rester seule pour dessiner, s'il te plait. Je vois de par son regard dur qu'il ne lâchera pas l'affaire. Tu es lâche. Encore une fois, tu es incapable de te défendre. Sale conne."
Je le suis donc vers la cafétéria, dans laquelle ses amis doivent sûrement nous attendre.
"- Pourquoi tu nous a évité toute la matinée ? lâche-t-il soudainement.
- Je ne vous évitais pas. Et après tout, on ne se connait pas plus que ça, je ne vois pas en quoi je devrais rester avec vous...
- Je...C'est vrai, tu as raison, excuses-moi. Tu peux quand même manger avec nous, aujourd'hui ?
- Si tu y tiens tant que ça, c'est okay pour aujourd'hui."
C'est comme ça que je me retrouve assise à la même table qu'hier, toujours au bout, mais cette fois-ci à côté d'Alec et en face d'Aaron. Tout au long du repas, dont je ne mange presque rien, mais avec grande peine, je sens le regard des deux jeunes hommes sur moi.
Les autres ont enfin fini. Je m'apprête donc à sortir, quand Alec et Aaron m'interpellent. Le reste du groupe s'éloigne, tandis qu'Aaron commence à me parler.
"- Ecoute Ju', Aaron et moi avons remarqué qu'hier et aujourd'hui, tu n'as pas beaucoup mangé au self, voire rien du tout. Si tu as un problème, tu peux nous en parler, tu sais ?
- Qu'est-ce que vous avez tous avec ça à la fin ? Tout va TRÈS BIEN, alors pourquoi vous ne vous mêlez pas de VOTRE vie au lieu de la mienne ?"
Je quitte le self en trombe. Je sais pertinemment que je n'aurai jamais dû leur parler de la sorte, mais je n'avais pas le choix. Je dois les éloigner de moi, je ne veux leur causer aucun problème. Je ne mérite pas qu'on me porte cet intérêt, ils perdent leur temps avec moi.
Ne me sentant pas très bien, je décide de retourner chez moi, espérant que ça ne me cause pas trop de problèmes avec Joe et Véronique. Chez moi. Cette maison est-elle réellement chez moi ? Je n'en suis pas si sûr. Normalement, chez soi, on est censé s'y sentir en sécurité. Ce qui n'est pas mon cas. Enfin bref.
Arrivée devant ce bâtiment devenu mon enfer depuis maintenant 6 ans, je constate très vite que la voiture de mes parents est là. Et merde. Je rentre le plus discrètement possible, mais Véronique passe juste devant l'entrée à ce moment-là. Comme par hasard, la chance n'est vraiment pas de mon côté. Je n'aurai peut-être pas dû rentrer si tôt, finalement. Elle me regarde d'un air méprisant, et sans que le sente arriver, elle m'attrape violemment par les cheveux, pour me ramener au salon où se trouve Joe affalé sur le canapé, comme à son habitude. Lorsqu'il m'aperçoit, il devient rouge de colère, se lève brutalement et s'avance vers moi d'un pas décidé, son sourire malsain collé aux lèvres. Il me met une gifle monumentale. Le goût de sang commence à s'insérer petit à petit dans ma bouche, sensation que je connais bien, trop bien. Je vois Véronique s'éclipser, tandis que Joe continue à me frapper sans relâche. Je ne pleure pas, j'ai déjà vidé toutes les larmes présentes dans mon corps. Je ne ressens rien, mis à part la douleur que me procure les coups de ce monstre.
Je vois mon deuxième bourreau revenir avec une casserole. Remplie d'eau. Chaude. Une casserole remplis d'eau bouillante putain. Sans que j'ai le temps de réagir, Véronique déverse le contenu du récipient sur moi. Je sens l'eau me brûler le corps, chaque parcelle de ma peau est touchée. Je pousse un hurlement déchirant le silence qui s'est abattu sur la maison. Mes deux bourreaux retournent alors à leurs occupations, comme si rien ne s'était passé.
Je monte avec grande difficultée dans ma chambre dans le but de panser mes gros bobos. Je ris intérieurement. Les gros bobos d'autrefois, qui n'étaient que des claques, se sont maintenant transformés en des brûlures importantes. Seul mon visage n'a pas été touché. Ces deux abrutis l'ont fait exprès, pour ne pas que les gens se posent des questions.
Une fois mes blessures à peu près soignées, je m'allonge sur mon lit, fixant le plafond. Je pense, je réfléchis. Me vient alors une idée. Non, pas une idée, un besoin. Un besoin vital. Je ne peux m'en empêcher. Je me lève, et vais chercher ce qu'est devenue depuis environ deux ans ma meilleure amie. Ma lame. Les traits se dessinent alors seuls sur mon poignet, comme lorsque je dessine. C'est cela. Je dessine. L'encre rouge ressort plutôt bien sur ma peau. Elle me fait tellement me sentir bien. Une fois mon œuvre terminée, je la contemple, ma conscience me répétant sans cesse que je suis faible.
Mon téléphone se met alors à sonner, signe d'une, enfin plutôt de plusieurs notifications. Je remarque que tous les membres de la bande se sont abonnés à mon compte Instagram. N'ont-ils donc pas compris ce que je leur ai dit ? Je reçois aussitôt plusieurs messages de la part d'Aaron, d'Ava, d'Alec, et de Hayden, me demandant où je suis, et pourquoi je ne suis pas en cours. Je n'ouvre pas les messages, trop épuisé pour répondre. Je ferai mieux d'aller dormir, même s'il n'est que 14h00. De toute façon, je n'ai que ça à faire.
Ellipse
Je me réveille en sursaut. Encore un cauchemar. Je regarde l'heure sur mon téléphone, il est 16h16. Je touche mon nez tristement, repensant à cette habitude que j'avais avec ma maman et mon frère. N'ayant pas envie de dormir pour l'instant, je décide d'aller au Butterflies. Je me prépare rapidement, jogging noir et pull noir, comme à mon habitude.
Enfin arrivée à la salle, j'aperçois Chris à l'entrée.
"- Oh, June, ma belle ! Comment te sens-tu depuis la dernière fois ? Tu nous as fait une sacrée frayeur !
- Mieux, juste une petite chute. Rien de bien grave. Merci, Chris.
- D'accord, parfait. Tu veux aller danser, je suppose ? J'acquiesce d'un hochement de tête. Super ! Viens, je vais t'ouvrir la salle."
Je le suis jusqu'à ce paradis. Il ouvre la salle, me sourit, et repart. Je lance No Time To Die de Billie Eilish. Ce titre est magique pour danser. Je commence à improviser. Je sens la musique s'emparer de mon corps, le contrôler. Je ne pense plus. J'oublie. Je vis.
La musique se coupe enfin et, comme hier, je m'effondre en larmes. Il est 17h09, je décide de rentrer chez moi. Je prends une douche, mets mon pyjama, et vais me coucher. Encore une journée pourrie.
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Save me from hell
Teen Fiction/!\TW La mort. Elle est l'état irréversible d'un organisme biologique ayant cessé de vivre. Cet état se caractérise par une rupture définitive dans la cohérence des processus vitaux de l'organisme considéré. Au niveau cellulaire, la mort désigne l...