Une vie pour une autre

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Le regard brillant, un sourire étira lentement ses lèvres pleines.
Il leva d'abord une main devant lui, examinant avec une certaine fascination le mouvement de ses doigts.
Le processus n'était pas encore pleinement achevé, en témoigne la semi-transparence de sa peau nacrée.
Pourtant, loin de s'impatienter du résultat final, il enjamba la masse étendue à ses pieds, avisant le bassin sur sa droite.
L'eau qui y courait paresseusement lui parut tout à fait convenable pour ce qu'il désirait, et il s'agenouilla prudemment sur le rebord de pierre.
Il se pencha alors, mué par un élan de curiosité, et plongea son regard sombre dans son propre reflet. Du bout des doigts, il effleura sa joue, dessinant les contours de son visage dans une contemplation jubilatoire.

Rien n'avait changé.
Ses cheveux, aussi noirs que la nuit, encadraient voluptueusement son visage, retrouvé par la magie.
Ses traits étaient toujours aussi fins que dans son souvenir, traçants la beauté aristocratique que lui avait légués ses géniteurs défunts.
Bien qu'il eu toujours été conscient de ses atouts -usant de ses nombreux charmes naturels pour s'accorder les faveurs auxquels seuls les rares élus avaient le droit-, les retrouver après tout ce temps l'amplissait d'un profond sentiment de reconnaissance.
Son enveloppe charnelle lui avait manqué plus que ce qu'il aurait pu supposer.
Après tout, qui aurait pu croire qu'il serait, lui, le premier à se pâmer devant son propre visage ? Certainement pas lui.
Il avait si longtemps défendu le concept de ne pas s'attarder sur ce qui était déjà acquis... Et à présent, il était là, fasciné par ce qu'il voyait, ce qu'il sentait, ce qu'il touchait...

Plusieurs minutes passèrent encore, avant qu'il ne se décide enfin à se relever, s'arrachant à la beauté pour affronter la laideur du lieu dans lequel il se trouvait.
La Chambre des Secrets.
Cette salle portait si mal son nom.
Il n'y avait aucun trésor ici bas, pas même un ouvrage ancien qu'il aurait eu le loisir d'exploiter.
La pièce ne servait qu'à dissimuler l'abominable créature, que son ancêtre lointain avait laissé derrière lui, seul vestige de son héritage macabre.
Car si cinquante ans plus tôt, Tom avait effectivement pu partager un semblant d'admiration pour ce si grand et éminent sorcier qu'était Salazar Serpentard, ce n'était plus le cas aujourd'hui.
Pas après tout ce qu'il avait apprit sur les échecs de son lui du futur, pas après tous les efforts que cela lui avait coûté de revenir à la vie.

D'un regard froid, il jugea la salle aux hautes colonnes, semblable à un gigantesque temple souterrain, abandonné depuis longtemps.
Les pierres, verdâtres et partiellement recouvertes d'une mousse suspecte, le firent grimacer de dégoût.
Il y avait certes une certaine beauté dans les fontaines sculptées, en formes de serpents, mais l'ambiance générale était bien trop lugubre à son goût.
En qualité d'héritier légitime de Salazar Serpentard, on aurait pu s'attendre de lui qu'il apprécie le travail accompli par son ancêtre.
Mais c'était tout le contraire.
Serpentard s'était laissé -tout comme son lui du futur- aveuglé par sa haine des Moldus et son obsession de la pureté du sang. Et cela l'avait conduit à sa chute, comme si la haine avait fini par le consumer de l'intérieur.
Cette Chambre donnait au contraire à Tom l'impression de n'être rien de plus qu'un rat, se terrent dans les égouts pour échapper à la lumière.

Pinçant les lèvres dans un rictus méprisant, il se détourna de la salle et se dirigea tout droit sur le sac en toile, posé négligemment aux côtés du corps de la jeune Malvina Montague.
Se penchant à peine, il saisit l'anse du sac et s'assura que ce qu'il contenait était toujours en vie.
Il appela alors le Basilic, sa voix sifflant étrangement à son oreille.
Un gémissement pitoyable attira son attention et il baissa un regard insensible sur le second corps.
Poisseux, affaibli et les paupières remuant tout juste, le professeur Gilderoy Lockhart avait mauvaise allure. Mais tout serait bientôt terminé.

L'immense créature reptilienne pointa enfin le bout de son énorme tête, accaparant toute son attention, et Tom l'observa glisser hors de son tuyau crasseux.
Il patienta encore un peu, attendant le moment parfait, puis extirpa le coq du sac qu'il tenait dans une main. Se saisissant de la baguette qu'il avait prit au sorcier à ses pieds, il la pointa ensuite sur le volatile, formulant tout bas un sortilège pour le contraindre à chanter.
Comme animé par un mécanisme invisible, le chant de l'animal s'éleva, provoquant instantanément une souffrance terrible chez le Basilic.
Pour un coeur tendre, le spectacle aurait pu paraître cruel, même s'il ne s'agissait que d'un prédateur redoutable.
Malgré tout, Tom ne pouvait se permettre de laisser les choses au hasard, au risque de se compromettre.

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