[05]

14 0 0
                                    

Après l'avoir laissé avec les garçons en bas je me suis enfermé dans ma chambre pour éviter de la croiser dans la maison, éviter de lui parler, éviter d'être violent avec elle.

Je me mis à faire des pompes jusqu'à en avoir mal au bras. J'ai entendu des pas dans le couloir, c'était Driss, il faisait visiter les lieux à notre nouvelle « coéquipière ».

03h30. Je dépose mon gros sac sur la banquette arrière puis je m'installe au côté conducteur, je prends la route en direction de Nice, ma ville, la ville qui m'a vue naître, la ville où j'ai fais mes plus belle rencontre, mes meilleurs conneries.

Après ce long trajet j'arrive enfin près d'un hôtel, le soleil tapé fort sur la ville. J'ai attendu la tombée de la nuit pour aller rendre visite à un vieil ami, arrivé sur le point de rendez-vous, je regarde cet endroit dont l'ambiance est toujours pareil : lugubre et triste.

Tayeb — « Selem Aleykoum mon frère. Je sais que tu m'en veux, ça va bientôt faire cinq ans que je ne suis pas venu te voir, cinq ans que t'as pas vu ma face. J'ai bien changé depuis le temps — petit rire — autant mentalement que physiquement et je pense que si tu étais là tu n'aurais pas aimé ce changement mais bon... C'est la vie mon ami. Depuis que t'es plus là beaucoup de chose ont changé, après ta mort mon père, mes frères et ma petite sœur sont mort. Tous mort. Puis ma mère m'a jeté à la rue parce que selon elle je suis un démon sans cœur, car je n'ai pas pleuré leur mort.

J'aurai tellement voulu lui dire : « Et qui a pleuré pour moi au moment où mon âme est morte ? » mais j'ai pas eu le courage de lui dire ça donc j'ai accepté sa décision, j'ai pris mes affaires et je suis partie. J'ai traîner dans les rues de Nice jusqu'à atterrir chez elle et... Bref, j'ai fini par rencontrer Chems et Youssef, deux frères. Eux aussi étaient à la rue, comme moi.

Chems m'a vu fouiller dans une poubelle, il m'a prit sous son aile malgré le fait qu'il n'avait rien à m'offrir à part sa compagnie. Chems, Youssef, Hamza, Driss, Zakaria, c'est grâce à eux si je suis encore en vie, sans eux je serai soit mort de faim ou si ils n'avaient pas été présent pour moi je me serai déjà jeté dans un ravin. Se sont mes frères. »

Des gouttes de pluie s'écrase sur ma veste, cet après-midi il faisait très chaud mais cette nuit il fait extrêmement froid.

Tayeb — « Tu me manques Malik, depuis que t'es parti c'est plus pareil, je... J'arrive plus a être comme avant, j'essaie mais j'y arrive pas. Et ce qui me tue c'est de me dire que de là où t'es, tu ne dois pas être fier de moi à cause de toutes les bêtises que je fais. Tu sais... Après elle, j'ai rencontré une fille, Salma. Cette fille m'avait l'air tellement gentille que je me suis rattaché à elle, je voulais oublier l'autre donc je l'ai remplacé.

Salma m'aimait apparemment, elle faisait beaucoup de chose pour moi, des choses que d'autres femmes n'aurait jamais faites et petit à petit j'ai fini par m'attacher et malheureusement elle a fini par me décevoir. Après deux ans de mariage, elle m'a trompé et je l'ai su quand elle a atteint son septième mois de grossesse. Je l'ai insulté, menacé puis je suis sorti pour me calmer et pour lui laisser le temps de s'en aller... En rentrant, j'ai retrouvé son corps suspendu au plafond, les veines et le ventre entaillés. Je n'ai ressenti aucune once de peine ou de remords...

Est-ce que cela fait de moi un monstre ? J'ai vu le corps de ma femme, enceinte de sept mois, suspendu au plafond et je n'ai rien ressenti. Chaque fois que je me trouve devant sa tombe, je fume un joint puis je le jète près de sa pierre tombale une fois que je l'ai terminé. Peut-être que ma mère a raison finalement...

Je suis un démon dénué de toute émotions, elle a eu raison de me mettre à la porte, de m'avoir infliger tant de souffrance durant toutes ses années, elle avait raison. »

Je soupire en sortant mon téléphone de ma poche, sous la coque se trouvait deux photos. Deux photos qui me sont chères. Je les sors et je les contemple.

J'observe d'abord la photo avec Malik, une photo où nous étions posé avec les grands de notre cité, ce jour là ils nous avaient prêté leur moto cross, on était tellement heureux que l'on a voulu immortaliser ce moment.

Puis j'observe avec admiration la photo où elle rigole tout en tenant entre ses doigts son nouveau collier.

Tayeb — « Elle est revenu Malik... Elle est de retour. Je... Je peux pas retomber dedans encore une fois, j'ai pas envi qu'elle souffre. Encore moi je m'en fou de se qui pourrait m'arriver mais elle... Elle ne supportera pas tous ce qu'il lui infligera et je ne peux laisser faire ça. Il faut que je l'éloigne de moi tant qu'il est encore temps.

Je suis tellement content de la voir en même temps ça me rends triste. Content car elle m'a manqué et parce que je l'aime aussi. Triste car je sais qu'il ne la laissera pas auprès de moi, qu'il lui fera du mal. Je ressens une Triste joie — petit rire

Tu me manques énormément Malik, si seulement j'avais pu faire quelque chose pour soigner cette foutu maladie qui t'as enlevé la vie, je l'aurais fait mon frère, je te jure que je l'aurai fait. Saches que tu gardera à jamais une place importante dans mon cœur, personne ne pourra te remplacer mon frère, personne. »

Je récite quelques invocations en sa faveur avant de m'en aller. Cinq ans. Je n'ai pas mit les pieds à Nice pendant cinq ans...

Je suis allé me reposer à l'hôtel... Du moins, j'ai essayé de me reposer mais avec tout ses cauchemars, toutes ses pensées sombres dans la tête, je n'ai pas réussi. Le lendemain je suis retourné dans mon ancienne cité afin de saluer quelques connaissances.

Ahmed, un grand de la cité me prend à part, apparemment il voulait me parler d'un truc sérieux.

Ahmed — Écoute fais attention à toi petit, il te cherche. Depuis qu'elle s'est enfui de l'hôpital il te cherche Tayeb, il pense que t'as quelque chose à avoir la dedans.

Je passe mes mains dans mes cheveux.

Tayeb — Ça va faire cinq ans que je ne l'ai pas vu, que je ne lui ai pas parlé.

Ahmed — Je sais et lui aussi il le sait. Mais pour lui t'as un lien avec sa fugue. Retrouve Khalissa frérot. Retrouve la et ramène la ici.

Je secoue la tête de gauche à droite.

Tayeb — Je peux Ahmed. Je peux pas la ramener ici, auprès de lui.

Ahmed — C'est pour toi que je dis ça frérot. Depuis que tu la connais cette fille t'as eu que des emmerdes, arrête de la protéger maintenant, laisse la avec ses problèmes et toi fais ta vie.

Tayeb — Je... Je peux pas.

Ahmed — Tu sais où elle ?

Je ne peux pas lui avouer qu'involontairement Chems l'avait ramené au près de moi.

Tayeb — Non je sais pas et même si je le savais je pourrais pas l'emmener ici Ahmed, c'est au-dessus de mes forces.

Un rictus se forme sur ses lèvre.

Ahmed — Depuis tout ce temps, tes sentiments pour elle n'ont pas changé ? Je pensais qu'avec ton mariage et tout t'allais enfin l'oublier mais non... Tu te retrouves plonger dans les mêmes emmerdes qu'il y a cinq ans.

Je souris légèrement face à son ton moqueur.

Ahmed — Fais attention à toi petit, toute façon tu sais que je suis là au cas si t'as besoin d'un truc. Je suis là pour toi Tayeb, t'es comme mon petit frère.

J'hoche la tête, nous finissons par nous faire un câlin « d'homme » avant que je m'en aille pour de bon. Je rentre à la maison. Ce n'est que tard dans la nuit que je finis par me garer dans le parking sous-terrain. J'ai pris mon sac qui était sur la banquette arrière avant de rentré à l'intérieur de cette maison.

Toutes les lumières étaient éteintes, je me suis dis qu'ils dormaient tous sauf que j'ai vu que la porte menant au jardin était ouverte. Je m'approche tout doucement de celle-ci et je la vois assise sur une chaise longue, près de la piscine en train de fixer la lune tout en caressant la bague qui lui servait de pendentif.

Sans faire de bruit je m'éloigne et monte dans ma chambre.

Putain de merde.

« Oxymores, triste joie, conscient et fêlé »

𝑻𝒓𝒊𝒔𝒕𝒆 𝒋𝒐𝒊𝒆.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant