Troisième rêve - Caleb Seabreeze

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C'est la première fois que le voilier du Multiverse prend la mer. Une bouteille de vin a été projetée contre sa coque en guise de baptême, conformément aux traditions maritimes. Chose assez singulière, l'impact n'a pas été suffisant pour la briser. Pour autant, ce n'est pas ça qui entamera la bonne humeur de Caleb. Il se dresse fièrement sur le pont du navire qui est désormais le sien. Il l'a nommé L'Alicia en l'honneur de sa camarade ; après tout, sa grand-mère elle-même avait donné le nom de son époux à son propre bateau. Le grand jour est enfin arrivé. Tous les participants se sont rassemblés sur le port, y compris ceux dont le physique plus imposant les exclut d'office du navire. Ils constituent désormais l'équipage de L'Alicia, tous autant qu'ils sont. C'est avec une profonde fierté que Caleb les observe, infiniment heureux de prendre ce nouveau départ.

Le bâtiment commence à fendre les vagues, Harald à la barre. Bien que ces personnes viennent toutes de mondes aussi nombreux que distincts, ils se sont embarqués pour une seule et même destination. La fin du Multiverse n'est plus qu'une question de quelques jours. Caleb est fermement convaincu que leur salut se trouve à bord de L'Alicia ; c'est comme ça qu'ils parviendront à trouver la sortie, voire peut-être même leur ravisseur. Il referme sa main sur la poignée du sabre qu'il a réussi à se procurer et qu'il a accroché à sa ceinture. Tout ira pour le mieux ; ils ont le vent en poupe dans tous les sens du terme. Si d'aventure ils venaient à croiser la route de l'instigateur, ils n'auront aucun mal à l'abattre avec leurs forces conjuguées. Cette histoire prendra fin avant même d'avoir l'occasion de faire la moindre victime.

Une voix retentit dans le dos de Caleb. Une voix douce et féminine qui suffit à le ravir.

"Ô capitaine, mon capitaine !"

Le jeune homme fait volte-face. C'est sa précieuse amie et seconde qui l'interpelle ainsi ; celle qui a donné son nom au navire se tient juste derrière lui. Elle lui adresse un sourire qu'il ne tarde pas à lui rendre. Le voyage ne pouvait pas mieux commencer...

Plusieurs heures s'écoulent sans rien changer à cet état de fait. Un vent puissant commence à balayer les environs et à soulever d'imposantes vagues qui viennent se briser contre la coque du navire. Alors même que les conditions avaient été idéales au moment du départ, le temps commence à se gâter. Cependant, il en faut plus pour entamer la détermination de Caleb. Des intempéries, il en a connues d'autres. Forts de l'expertise d'Harald, ils n'auront aucun mal à se frayer un chemin dans cette mer agitée. Le capitaine se tourne vers son équipage pour lui renvoyer un regard confiant. Il ne compte pas vaciller pour si peu. Le moral de ses troupes dépend de sa capacité à rester solide en toutes circonstances.

"Ô capitaine, mon capitaine !" répète Alicia en observant l'environnement tourbillonner autour d'elle.

Mais le capitaine ne nourrit aucune crainte. Cet obstacle ne vaut guère plus qu'un gravier coincé dans sa chaussure : désagréable sur le moment, mais inefficace sur le long terme. Il faudrait que le monde cesse d'être monde pour arrêter L'Alicia en si bon chemin. C'est avec cette conviction que Caleb aborde la suite de son périple.

Autour d'eux, le vent redouble d'intensité. À vrai dire, il souffle si fort qu'il parvient à arracher la plaque du bateau d'une seule bourrasque. Le matricule choisi par Caleb s'envole et laisse apparaître celui qu'il a remplacé sans même avoir conscience. "L'Oméga". L'Oméga, donc, commence à montrer des signes de faiblesses. Harald a beau manier le gouvernail comme nul autre dans le Multiverse, cela ne suffit pas à faire face à la tempête qui se prépare. Tout l'équipage s'affaire pour supporter au mieux ce passage qui s'annonce semé d'embûches. Tout l'équipage ? Non, car un irréductible matelot semble avoir trouvé mieux à faire de son temps. Shadow vient de dégainer un fouet de feu à l'éclat bleuté, qu'il commence à faire claquer partout autour de lui. Mais à quoi joue-t-il ? Ce n'est pas ainsi qu'il sauvera la situation. Le capitaine s'avance pour le réprimander, mais l'outrecuidant n'a que faire de ses reproches.

Les mots d'autres visagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant