Despite everything (1/3) - Auguste Saciavel

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C'était lui. Le fils prodige de Célestin Saciavel. L'héritier aux multiples talents. Le meilleur étudiant de sa promotion. Le soupirant charmant et charmeur. Le dévoué employé de laboratoire.

Auguste observa longuement le visage qui lui faisait face dans le miroir. Il soutint son propre regard avec un dépit qui le prenait aux tripes.

Rien de cela n'avait plus aucun sens. Ses réussites et ses efforts passés appartenaient aux ruines d'une existence où il n'avait plus sa place. Il n'était plus le jeune premier auquel tout souriait, au jeu comme en amour. Parfois, il regrettait ce mulou aux dents trop longues, devenues des crochets de serpent. Il était tombé bien bas pour un prodige, au plus profond de l'abîme qui n'avait cessé de regarder en lui.

Derrière ses airs de parfait gentilhomme, il n'y avait plus qu'un monstre insatiable sans égards pour son prochain. Et il le haïssait de tout ce qui restait de son cœur, autant que ses sujets le haïssaient, autant que Lili le haïssait, autant qu'Asaël... il ne parvint pas au bout de sa pensée. C'était trop dur de regarder en face la vérité qu'il avait confortablement esquivée jusqu'ici. Au fond de lui, il savait bien que leur relation ne serait plus jamais la même. L'homme qu'elle avait aimé était mort en même temps qu'elle dans cette prison sordide.

À défaut de cette certitude, il affronta au moins son reflet.

Les années n'avaient eu aucune prise sur son apparence. Au contraire de son âme dévoyée, son corps était insolent de perfection. D'un geste fébrile, il remonta la manche de sa chemise et chercha sur sa peau nue une marque de seringue. Elle avait disparu de longue date, alors que les conséquences des injections coulaient encore dans ses veines. Plutôt qu'un homme, il n'était plus qu'une créature infortunée et semeuse d'infortune.

Certaines fois, il croyait voir le regard serpentin de sa forme démoniaque le narguer dans le miroir. D'autres fois encore, c'étaient les traits d'Arete qui remplaçaient les siens.

Et malgré tout, c'était toujours lui.


Les mots d'autres visagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant