C'était lui. Pour la première fois depuis longtemps, il était heureux de l'être. Il n'éprouvait plus une once de chagrin à sa propre pensée, ni de déception en retraçant son parcours. Il ne voyait plus les échecs dont il s'était fait une montagne et les regrets qui l'avaient lesté comme autant de boulets à son pied.
Sulys sourit à son reflet, fier de l'homme qui se tenait dans le miroir. De combien de tares avait-il pu se qualifier autrefois ? Aucune qui ne lui vînt spontanément à la vue de son image. Devant lui, il n'y avait ni timide maladif, ni anxieux chronique, ni scribouillard désœuvré. Il n'y avait que celui qu'il se savait désormais être.
Il n'était toujours pas le parangon d'excellence qu'il avait secrètement rêvé d'incarner. Mais il avait appris à vivre avec ses imperfections sans se sentir misérable. Malgré ce que cette voix s'était échinée à lui répéter, il n'était pas un perdant. L'on aurait pu dire bien des choses, en somme. Il était un artiste passionné, un compagnon dévoué, un père aimant. Il était aussi un éternel stressé, un étourdi de première bourre, un introverti invétéré. Mais il n'était pas un perdant.
Au contraire, il avait gagné aux jeux cruels qu'on lui avait imposés. Il était un survivant, par chance ou par une force qu'il ne soupçonnait pas posséder. Lui qui avait fui les rangs d'Oto Mustam était devenu un soldat, de l'espèce qui préférait la plume à l'épée et la guérison au feu de l'action. Si quelqu'un s'était avisé de le lui dire autrefois, il l'aurait certainement traité de fou.
Il considéra de nouveau son double, cet homme qui avait partagé ses victoires et ses défaites. À présent qu'il l'aimait à sa juste valeur, il aurait pu ne pas le reconnaître.
Et malgré tout, c'était toujours lui.
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Les mots d'autres visages
RandomIci se mêlent la plume et le regard de personnages tous plus distincts les uns que les autres. Leur point commun ? Avoir tous été incarnés dans un RP pour une durée plus ou moins longue. Qu'ils soient de nobles âmes, des fauteurs de troubles ou enco...