Épistolaire

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Kim Sunoo.

"Bonjour !
Je doute que tu me connaisses, car je ne te connais pas non plus. Je sais seulement ton nom. Notre professeure nous a demandé d'écrire chacun une lettre pour l'envoyer à un enfant qui en aurait besoin. Qu'importe si tu es une parfaite inconnue, j'aimerai continuer à t'écrire. J'espère que tu accepteras ma lettre. La professeure nous a prévenus que certains enfants ne nous répondraient pas. Je voudrai te rencontrer un jour ! Je te souhaite de passer une bonne journée,
Meï.

Kim Sunoo"

Ce fut la première lettre qu'elle ait reçu de lui, et de sa vie entière, bien qu'elle soit courte. Elle restait bloquée sur son prénom. La lettre lui était vraiment destinée, il n'y avait pas d'erreur. Elle ne put contenir l'étirement de ses lèvres. Elle s'empara d'une feuille et d'un stylo plume mis à sa disposition, afin de répondre au garçon nommé Kim Sunoo. À peine qu'elle eut posé la pointe sur le papier, que le syndrome de la page blanche apparut. Devait-elle commencer par un bonjour, ou bonsoir ? Elle ne sait pas quand il recevra la lettre. Ou un salut ? C'est peut-être trop informel. Elle ne voulait pas prendre le risque de perdre son seul correspondant. Tous les autres enfants de l'hôpital en avaient des dizaines, mais pas elle. Elle devait le chérir et lui montrer qu'elle appréciait beaucoup son geste. Elle opta pour commencer par la même manière que sa lettre.

"Bonjour !
J'espère de tout cœur que tu vas bien. Des remerciements par écrit ne suffiront jamais pour te montrer ma gratitude. Tu es le tout premier à m'envoyer une lettre, le sais-tu ? Excuse-moi si mon écriture est illisible, ça doit faire un bon moment que je ne pars plus à l'école. Mes cours se font par internet, donc je n'ai pas besoin d'écrire tant que ça. Parle-moi un peu de toi ! Ce que tu aimes faire, tes musiques préférées, ou même des choses banales. J'attendrai ta réponse,
Kim Sunoo.

Meï"

Il ne fallut pas moins d'une journée pour que le jeune homme reçoive sa lettre. Il était si impatient de la lire. Il n'avait que très peu d'espoir d'en recevoir une. Il déchira délicatement la partie collante de l'enveloppe pour y sortir une feuille. Il eut un petit mal à la lire, mais son écriture était lisible. Il se munit d'une feuille et de son stylo, afin de lui répondre. Les mots lui venaient à l'esprit comme s'il lui parlait en face à face. Il lui parlait des choses qu'il aimait faire, de ses journées banales, ou même de la hâte qu'il se faisait en attendant sa lettre. Il finit par signer de son prénom, et de mettre le bout de papier dans une enveloppe. Bien sûr, il n'oublie pas le timbre avant de marquer l'adresse de l'hôpital. Il connut pour la première fois le sentiment qu'on s'intéressait à lui. Il avait l'impression d'être important pour elle.

Voilà maintenant trois mois que leurs échanges duraient. Elle s'était découverte une envie irrésistible de lui écrire chaque jour, que c'en était devenu une habitude. Aussi surprenant que cela puisse paraître, son correspondant aimait autant qu'elle leurs discussions par écrit. Ils auraient pu s'échanger leur numéro, pour aller plus vite, mais savoir qu'ils recevaient chacun des lignes écrites par l'autre les rendaient bizarrement heureux.

"Hey !
Mes examens de fin d'année approchent rapidement. Je t'avoue que je suis assez stressé mais je me dis que j'ai bien travaillé au cours de l'année. Ça devrait le faire ! J'espère avoir la mention la plus haute pour aider mes parents. Si j'ai une mention très bien, je décrocherai la bourse pour l'an prochain. Je n'ai pas le droit à l'erreur. Ils comptent sur moi sans me le dire. N'empêche que cette pression commence à peser lourd. J'ai l'impression d'être le responsable de ma famille. Je ne sais pas quoi faire... Qu'est-ce que t'en penses,
Meï ?

Sunoo"

Elle relit attentivement sa lettre, cherchant un quelconque moyen de lui venir en aide. Elle n'avait aucune solution assez efficace, seulement des mots à lui donner. Elle doutait que cela lui serait utile, mais c'était tout le contraire. Il préservait chacun de ses écrits, et réalisait tous les conseils qu'elle lui offrait. Le garçon fut plus soulagé en lisant sa réponse.

"Salut !
Je te souhaite bonne chance pour tes épreuves. Donne le meilleur de toi-même, c'est la seule chose qui compte. Tu ne dois avoir aucun regret. Je suppose que tes parents ne t'en voudront jamais si tu ratais tes examens. Tu as le droit à l'erreur, Sunoo. Tu es humain comme eux et moi. Personne ne te demande d'être parfait. Tu n'as pas besoin de l'être pour que je puisse t'admirer et t'aimer autant. Je t'ai envoyé une deuxième feuille avec écrit tout ce que tu devrais réviser. Comme je passe les examens depuis un hôpital, j'ai accès à plus d'informations. Barre au fur et à mesure ce que tu connais déjà. Fais de ton mieux ! Je serai toujours fier de toi, quoi qu'il arrive,
Sunoo.

Meï"

Il avait réussi haut la main. Il savait pertinemment qu'elle le soutiendrait qu'importe la situation. Elle réussissait à le rassurer rien qu'avec des mots. Il se demandait quand est-ce qu'il allait la rencontrer. Maintenant qu'il est en vacances, il avait le temps d'y aller. Il voulait enfin se déclarer. C'était le meilleur moment, surtout depuis qu'elle lui a avoué qu'elle l'aimait et l'admirait tant. Il décida d'abord de lui demander si cela ne la dérangeait pas. D'abord une lettre, puis une deuxième. C'était la première fois qu'elle ne lui répondait pas. Puis, son absence a commencé à durer. Il ne recevait plus rien, mais continuait de lui écrire, dans l'espoir qu'elle lui réponde. Seulement, il commençait à réaliser qu'elle n'allait plus jamais lui envoyer de lettres.

Il se précipita d'ouvrir l'enveloppe. Il n'en croyait pas. Elle lui avait répondu. Cependant, ce n'était pas son écriture. Elle était bien plus belle que la sienne. Le texte était si court. Son cœur battait si fort en lisant ces mots. Ses yeux bougeaient de gauche à droite, lisant de nombreuses fois les quelques lignes. Un chagrin lui prit. Ses larmes décoraient tristement ses joues.

« J'ai la tristesse de t'annoncer que Meï ne te répondra plus. Comme tu le savais sûrement déjà, sa maladie a pris le dessus. Ses derniers jours sont arrivés plus tôt que prévu. Mes condoléances. »

𝖮𝗇𝖾 - 𝖲𝗁𝗈𝗍 | 𝘌𝘕𝘏𝘠𝘗𝘌𝘕 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant