Ilona
02h Cleveland
La nuit s'étendait devant moi comme un vaste océan d'obscurité, et mes yeux demeuraient fixés sur le plafond, cherchant inconsciemment à compter chaque détail de ce sanctuaire sombre qui était devenu ma prison éveillée. Les motifs géométriques du plafond semblaient se multiplier sous mon regard insistant, créant une illusion de mouvement dans cette immobilité oppressante.
Dans un monde où les rêves semblaient réservés à ceux qui avaient le luxe d'une réalité différente, je me trouvais à compter des carrés dessiner sur mon plafond, comme si chaque décompte était un moyen de m'échapper momentanément de notre réalité austère. Compter les moutons étaient pour les insouciants, pour ceux qui pouvaient se permettre le luxe de l'insomnie légère, mais pour moi, les carrés étaient mes compagnons silencieux dans les longues nuits sombres.
À travers le voile de la nuit, je posais les yeux sur ma sœur, mon ancre dans ce monde tumultueux. Son souffle régulier était une mélodie apaisante, une preuve tangible que dans cet environnement hostile, il y avait encore de la beauté à préserver. J'aurais tout donné pour la protéger des horreurs de la vie, pour lui offrir un monde où les comptes de carrés et les matelas usés n'existeraient pas.
Nous étions étendues sur un matelas crasseux que nous avions trouvé dans les rues. Il était couvert de saleté, parsemé de taches sombres, et embaumait l'odeur âcre de l'urine. Cependant, nous avions conclu que c'était préférable à dormir à même le sol froid et dur.
Notre chambre ressemblait davantage à celle d'un motel abandonné depuis des décennies. Les murs étaient criblés de fissures, certaines si profondes qu'elles laissaient entrevoir brièvement l'extérieur, créant une sensation d'insécurité palpable. La moquette, jadis d'un beige clair, était désormais trouée par d'innombrables cigarettes éteintes et ressemblait étrangement à un gruyère miteux.
Quant au plafond, il avait fini par s'affaisser dans un coin de la pièce, créant une fuite persistante qui empestait le moisi. Pour tenter d'endiguer le flot d'eau, j'avais improvisé une barrière en plaçant un morceau de bois recouvert de moisissure, donnant à l'endroit une atmosphère encore plus lugubre.
La fatigue pesait sur moi comme un fardeau, mais le sommeil restait insaisissable. Mes pensées étaient comme des papillons de nuit attirés par la lueur vacillante de nos espoirs, tournoyant dans l'obscurité de mes réflexions. Les étoiles derrière la fenêtre sale étaient des points d'évasion, des invitations à rêver d'un avenir différent, même lorsque le présent était écrasant.
Et ainsi, dans cette nuit infinie, mes yeux ouverts étaient le reflet de mon âme qui refusait de se résigner à l'obscurité. Je laissai échapper un soupir de fatigue, mais cela ne me conduisit pas pour autant au sommeil. Mes insomnies étaient une routine bien établie, et je devais les endurer la plupart du temps. Il n'y avait rien dans cette pièce pour me distraire, mais je ne voulais pas quitter le matelas. Je préférais rester auprès de ma sœur, veillant sur elle dans l'obscurité oppressante de notre refuge de fortune.
05h Cleveland
Le soleil se levait avec une douceur fragile, ses rayons pâlement filtrés par les rideaux usés de ma chambre, créant des motifs délavés sur le sol de bois décrépit. Après une nuit passée à tourner et retourner sur le matelas râpeux, je m'éveillais engourdie, mes muscles endoloris par la dureté du lit de fortune. Pourtant, je me sentais déterminée à ne pas troubler le sommeil déjà précaire de ma petite sœur, Alia.
Avec une aisance acquise au fil du temps, je glissai hors du lit, le matelas grinçant légèrement sous mon poids. Mes pieds nus touchèrent la moquette usée, et je m'assurai de ne faire aucun bruit en marchant sur ce sol repoussant. J'avais toujours eu la capacité de me mouvoir silencieusement, presque aussi discrète que mon propre ombre. C'était une compétence que j'utilisais pour préserver les rares moments de quiétude qu'Alia pouvait avoir.
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Bratva
RomanceIlona, une jeune femme de vingt-trois ans, essaie d'assurer un avenir à sa sœur alors qu'elles n'arrivent pas à sortir de la pauvreté qui les entoure. Spencer fut pris d'un vif intérêt pour cette femme mystérieuse et il n'eut plus qu'une idée en têt...