Chapitre 2

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Elle était penchée au dessus du berceau. Observant son enfant. Toute la tristesse de ce monde semblait peser sur ses épaules. Elle babillait, suivant de ses prunelles noires le mobile qui tournait lentement autours de sa tête. Qu'avait-elle fait pour mériter cela.

Éléonore Lordhill pleurait. Elle pleurait chaque nuit depuis son accouchement. Elle pleurait chaque jour quand son regard croisait celui de sa petite fille. Ce petit être qui avait grandit dans ses entrailles et qui aujourd'hui lui déchirait l'âme. Comment était-ce possible? Personne n'avait la réponse. Son époux avait du lourdement soudoyer le médecin afin que celui-ci tienne sa langue. Mais le danger était présent. Réel. Et rien ne semblait pouvoir l'éloigner. Il était trois à être au courant. Les parents et le docteur. Même leur deux premiers fils étaient tenus dans l'ignorance. Ils étaient jeunes. Encore trop jeune pour comprendre. Encore trop jeune pour surveiller leurs paroles. Trop jeune pour évaluer l'ampleur qu'un simple mot de travers sur leur sœur pouvait avoir. Alors ils l'avaient baptisée Lhoris. Un prénom à la fois masculin et féminin. Ils ne laissaient jamais les deux garçons seuls avec le nouveau né. Prétextant une fragilité extrême. Ne la changeait jamais en présence d'une tierce personne. Mais leur plus grand souci à l'instant présent, restait ses cheveux. Ce rouge flamboyant trop voyant. Chaque fille qui naissait aujourd'hui avait les cheveux d'un blanc immaculé, mais cela importait peu car elle n'était pas censée "être une fille" aux yeux du reste du monde. Mais par dessus tout cette couleur ne s'était jamais vu chez personne depuis la création du monde et ce fait les angoissait particulièrement. Lui laisser cette sublime crinière rouge serait bien trop intriguant et soulevait bien trop de question. Alors il l'avait rasé. Chaque matin, le crâne de la petite passait sous le rasoir de son père. Mais lorsqu'ils comprirent que plus on s'obstinait à les retirer plus ils poussaient rapidement, comme si la fillette elle-même refusait de se cacher. Il supposèrent que ce fait étrange constituait une des particularités liées à son sexe, bien que cela n'avait pas grande logique. Alors ses parents se résignèrent, et ses cheveux furent teint. En noir, c'est bien le noir. Tous les hommes de leur famille avaient les cheveux noirs. Donc, c'était parfait pour cette enfant.
Eleanor posa une main douce sur le front de l'enfant. Celle-ci leva ses yeux d'encre vers sa génitrice et lui sourit. Malgré ses quelques semaines de vie, on lisait dans son regard, une détermination que la mère n'avait vu chez personne d'autre.

- Ta vie sera courte mon enfant. Nous ne pourrons te protéger éternellement. murmura-t-elle d'une voix brisée.

Quelques heures plus tôt, Marc était rentré de sa journée de travail. Marmonnant qu'il ne savait comment faire pour tenir plus longtemps l'enfant à l'écart. Il était perdu. A sa naissance, il avait d'abord songé à la livrer aux autorités, cela leur aurait évité bien des tourments. Mais en voyant le regard de son épouse et en écoutant son cœur, il avait très vite renoncé à cette idée. Il devait la protéger de ces lois. Ces lois qu'il avait toujours suivit comme un chien suit son maître. Aveuglement. Tout le monde les suivait aveuglement. Mais personne n'était confronté à cela. Et il ne pouvait se résigner à abandonner sa fille. La chair de sa chair. Alors ils la cacheraient. Aussi longtemps qu'ils le pouvaient. Et ils en assumeraient les conséquences. Cette enfant était un don du ciel. Ils en étaient persuadés à présent. Un cadeau empoisonné mais un cadeau tout de même.

La neige tombait en gros flocons dans les ruelles vide de la cité d'Aï. Les fenêtres de sa chambre grande ouverte, Zod se tenait là, un bras tendu vers l'exterieur, l'autre tenant sa petite sœur. Dès qu'un flocon se posait dans sa paume, il le faisait délicatement glisser sur le nez de l'enfant. La petite fille riait alors aux éclats, grimaçant du même coup sous la sensation de froid sur son visage. Elle n'avait pas encore un an, mais ses frères l'aimait déjà tellement. Ils ne savaient toujours pas que ce n'était pas un "petit frère" et ils n'étaient pas près de l'apprendre mais ce mensonge ne changeait rien. Ce qu'ils ne savaient pas ne pouvait pas leur faire de tord. Zod posait sur Lhoris un regard attendris comme jamais, il aimait tant la voir s'émerveiller pour tout et surtout n'importe quoi. L'enfant s'amusait d'un rien et surtout elle était tellement curieuse que s'en était adorable. La petite fille tendit les bras vers l'extérieur et reçu des dizaines de flocons sur ses petits bras potelés, elle les rentras immédiatement et souffla l'eau cristallisée sur le visage de son frère, qui, la bouche ouverte à force de rire des réactions surprenantes de l'enfant, en avala une bonne partie; s'étouffant à moitié sous la surprise. Il la serra fort contre lui, appréciant chacun des petits moment passé à ses côtés.
Il se faisait tard, Eleanor entra dans sa chambre sans un bruit et les observa durant de longues minutes, silencieuse. Zod jouait avec la petite fille, ils avaient étalés toute les peluches du garçons, il en avait une sacrée collection, et il les faisait parlée entre elles dans des situations rocambolesques qui amusait beaucoup la petite fille assise devant lui.

Un an n'était pas encore passé depuis la naissance de sa petite dernière et c'était déjà tellement compliqué. Elle n'avait toujours pas soufflé sa première bougie qu'elle ne comprenait déjà pas pourquoi elle avait autant d'interdit. Eleanor ne comptait plus le nombre de crise de nerf que la petite avait fait parcequ'elle voulait prendre le bain avec Lloyd. A chaque fois, elle avait tentée de la persuadée que c'était pour que son frère soit tranquille, ou encore parcequ'elle en avait déjà pris un la veille, enfin bref, elle accumulait les excuses bidons mais l'enfant ne comprenait pas. Très éveillée pour son jeune âge, sa mère avait toujours l'impression qu'elle tentait d'interpréter ses refus constants venant de ses parents, mais tout l'amour qu'elle leur donnait malgré tout, les comblaient de bonheur. Marc ne le montrait guère, mais Marc avait toujours été un homme bourrus qui n'exprimait jamais ses sentiments. De la même manière qu'elle l'avait remarqué avec leur deux aînées, la magie opérait lorsque le patriarche se retrouvait seul à seul avec un de ses enfants. Dans ses moments la, sa coquille d'acier fondait à vue d'œil et il devenait un gros nounours au cœur tout mou. Mais il ne l'avouerait jamais. Eleanor l'avait découvert par inadvertance quelques mois après la naissance de Zod. Plus récemment, alors que depuis sa naissance il s'obstinait à ignorer sa dernière née, pour "se protéger sur l'avenir" comme il aimait si bien le dire; elle l'avait surprit à aller la consoler alors que l'enfant souffrait de terreur nocturne et ne parvenait pas à s'endormir.

Cette nuit là, Eleanor était déjà couchée, Marc quand à lui n'avait toujours pas quitter son bureau, révisant le chiffres d'affaire du mois de la boutique. Lhoris s'était alors mise à geindre, avant même qu'Eleanor puisse atteindre la chambre de l'enfant, elle entendis une voix douce provenant de la pièce. La petite fille s'était calmée. Elle s'approcha discrètement de la porte de la chambre d'enfant et jeta un coup d'œil part la porte entretaillée. Marc était là, debout près du berceau. Dans ses bras Lhoris gazouillait, le regard plongé dans les yeux noir de son père, elle l'écoutait. Marc chantait. Eleanor ne l'avait pas entendu chanter depuis des années. Au fil des années il avait perdu cet engouement qui le caractérisait si bien lorsque Eleanor et lui s'était rencontrer. Cette nuit la, il avait chanté. La jeune femme ne se souvenait plus des paroles, Lhoris elle, bien des années plus tard s'en souvient encore. En revanche, elle se remémorait parfaitement la mélodie, douce et mélancolique. Le bercement tendre des bras de l'homme dans lesquels reposait cette petite chose si fragile. Le frôlement délicat de ses doigts massif sur le crâne de l'enfant. Il avait fait passée de longue mèche noir entre ses doigts, les observant longuement, comme si il s'était demandé si ils avaient fait les bons choix, prit les bonnes décisions. Puis, sa main était lentement descendue sur le visage de Lhoris, dessinant délicatement chaque ligne de son visage. Son front, l'arrête de son nez, ses paumettes rebondis, le dessin fin de ses lèvres de nourrisson, son menton arrondis, ses joues si chaude. La mère le vit y déposer un baiser si léger que l'enfant n'avait sûrement pas du le sentir. Il la déposa alors dans son berceau avec les gestes les plus doux possible, et Lhoris ne se réveilla pas. Elle se tourna une fois ou deux avant de tourner inconsciemment le dos à son père. Il resta là, longtemps, à la fixer comme si elle était le plus précieux trésor que l'existance pouvait lui offrir, malgré toute les complications que seule sa venue au monde provoquait. Mais à cet instant là, Marc s'en fichait. Il recula d'un pas de velours pour ne pas perturber son sommeil, Eleanor partit à ce moment précis, ne voulant pas qu'il la voit. Ainsi elle ne l'entendit pas. Elle n'entendit pas ces quatre mots prononcés par son époux, et elle ne les entendras jamais.

- Je t'aime Lhoris.

Mais Eleanor se souvenait parfaitement de tout le reste, et en voyant ses enfants jouer ainsi, elle ne pu s'empêcher de se demander quelle aurait été leur vie dans un monde différent du leur. Un monde ou Lhoris aurait pu être elle-même dès sa naissance. Elle chassa ces étranges pensées de son esprit et revint au présent.

- Lhoris, tu viens, c'est l'heure d'aller au lit maintenant.

Lloyd tourna son visage enfantin vers sa mère qui se tenait toujours sur le pas de sa porte, lui sourit et prit sa petite sœur dans ses bras. Il lui embrassa le front et la serra contre elle un bref instant.

- Bonne nuit petit frère.

Eleanor dévorait des yeux ce petit être endormis dans son lit. Écoutant et appréciant chacune de ses respiration régulière. Elle revoyait parfaitement Marc au dessus de ce même berceau, calmant ce petit être. Le souvenir était net dans son esprit mais elle savait pertinemment que cela n'arriverait jamais en sa présence. Et comme lui cette fameuse nuit, comme elle, elle le faisait tout les soirs, elle murmura tendrement à l'adresse de l'enfant.

- Je t'aime Lhoris.

La Sorcière de Lili'hyisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant