Alors que la place était en vue, Baptiste bifurqua brusquement dans une rue sur notre droite. Surprise, il me fallut d'ailleurs une seconde avant de le suivre. Je n'étais pas bête et je compris pourquoi il lui était soudainement venu à l'idée de changer notre itinéraire. C'était simplement pour nous éloigner de la place. Enfin c'est ce que j'espérais, je crois. Je souris.
« C'est vrai qu'il avait l'air de bien te connaître le garçon du train. »
« Louis. »
« Oui, Louis. Vous étiez amis en primaire c'est ça ? »
« Non, pas plus qu'on ne l'était nous deux. »
Il me sourit.
« Qui a gagné votre petit concours finalement ? »
« Ça t'intéresse ? Je croyais que tu n'aimais pas trop l'idée. »
« Ben disons que si j'avais pu éviter que vous vous échangiez des anecdotes gênantes sur moi, j'aurais préféré. Mais au sinon, oui, le résultat m'intéresse. »
« C'est lui qui a gagné : Louis. » Il l'avait dit sur un ton légèrement amer. Il était donc mauvais perdant, je ne savais pas ça de lui mais au moins, ça pourrait me servir dans un certain genre de concours.
« Mais il n'y avait rien de gênant. » reprit-il.
« Oui, c'est ça et puis tu vas dire que parce qu'on est enfant, ça nous donne une excuse d'avoir fait ce qu'on a fait. »
« Non, juste toi. Tu ne m'as pas laissé de souvenir gênant de toi. Regarde, moi, enfant, j'ai renversé mon gâteau d'anniversaire devant toute ma classe. Tout le monde a commencé à pleurer. Ça c'est gênant. »
« Il n'y a pas de gêne. C'est plutôt marrant, et mignon. »
« Des enfants qui pleurent c'est marrant pour toi ? C'est que t'es sadique ! »
Il avait parlé assez fort pour qu'une femme dans la rue se retourne vers nous. Ce qui me fit sourire.
« Non, tu as raison, oublie le « marrant », retiens juste le « mignon ». »
« Comme si c'était mieux. »
Deux, trois minutes de silence plus tard, celui-ci fut briser par un long sifflement. Plus loin devant nous. Je me décalai pour voir un jeune homme s'approcher de deux femmes en titubant. Encore ?! Il trébucha et se rattrapa sur l'une d'elle qui le rejeta avec beaucoup de force d'ailleurs. Alors que j'observais la scène tout en continuant à marcher, Baptiste me regarda et me souffla de me mettre à sa droite, plutôt que de rester à sa gauche, du côté d'où l'autre jeune homme saoul arrivait. Je m'exécutai sans rien dire même si, au fond, j'étais surprise qu'il pense à ça.
Je gardai la tête baissée sur mes chaussures pendant que l'homme saoul était censé passer à côté de nous. Puis, j'entendis une voix s'élever.
« Ça va aller ? Vous voulez une photo peut-être ?! »
« Bah maintenant que vous le proposez... »
Aargh, j'étais dégoûtée. C'était bien de ma photo dont l'ivrogne parlait mais ce n'était pas une voix connue qui m'avait fait relever d'abord la tête. C'était un autre homme plus loin qui s'était interposé quand il avait remarqué le comportement de l'ivrogne. L'homme sobre regarda Baptiste droit dans les yeux et celui-ci posa sa main sur mon omoplate et me poussa un peu, m'obligeant à avancer.
On resta silencieux encore un bon moment sans faire attention à la direction que notre marche prenait. Nos pas nous menèrent jusqu'au canal. Après un bref regard, on s'engagea sur le chemin qui le longeait. Je commençais doucement à fatiguer et lui aussi certainement, alors je me dirigeai vers un banc. Je me laissai tomber et Baptiste s'assit à côté en croisant aussitôt les bras. Lui aussi était fâché, plus qu'il n'était triste.
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What a dream
Teen FictionEn réalité, ça fait un petit moment qu'ils se connaissent tous les deux. C'est juste que chacun connaît une version de l'autre qu'ils sont les seuls à connaître. Le problème ? Un jour il faut grandir. Et changer... Enfin, en grandissant, on change p...