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– Freine ! FREINE !

J'enfonce la pédale au maximum et m'arrête sur le bas côté, le coeur battant à fond, la respiration haletante. J'ai cru que j'allais mourir. Je souffle un coup, avant de me tourner vers Eddie, qui est un peu livide.

– Désolée, je murmure.

– Tu ne connais pas ta droite et ta gauche ?

Je soupire, un peu vexée.

– Si ! Bien sur que si. Mais tu me stress à me hurler dessus..

– Bon sang, il n'y a que deux pédales !

Je détache ma ceinture de sécurité avant de sortir et je m'appuie contre la portière pour m'allumer une cigarette. Eddie me rejoint rapidement, un joint à la main. Il l'allume aussi, et dès que je finis ma clope, me propose le joint.

– C'est plutôt de ça dont tu as besoin.

Je l'observe un instant. Un an. Un joint, ce n'est pas trop grave, j'ai déjà brisé mon année de sobriété avec de la cocaine, alors.. Je l'attrape et tire une taffe en inspirant lentement. Je ferme les yeux un instant, sentant le regard d'Eddie sur moi. Une deuxième. Une troisième taffe. Puis je lui rends, histoire de ne pas être impolie alors que je nous ai presque tué en voiture.

– Tu es pire que Robin, et je ne pensais pas que ce serait possible de faire pire que Robin..

Je laisse échapper un rire. C'est vrai qu'elle est très maladroite, et j'ai donc du mal à la voir au volant. Mais si je suis pire, je n'ose pas imaginer.

– Merci pour le compliment.

– Disons que je ne te laisserai pas ma voiture même en cas d'extrême urgence.

Je ris encore un peu, et il me repasse le joint. J'avoue qu'il est sympa, charmant et drôle. D'ailleurs, je n'ai jamais reparlé de la dernière soirée avec lui.

– Au fait. Je n'ai jamais eu l'occasion de te remercier pour l'autre soir. J'ai mis du temps à réaliser que.. si tu n'avais pas été là pour t'occuper de moi, il aurait pu m'arriver des choses.. terribles. Alors merci.

Il laisse échapper un sourire honnête.

– Je me sentais un peu coupable de t'avoir juger si vite comme étant la fille d'un flic. Finalement, tu conduis sans permis, tu fumes, tu te défonces..

Je ris un peu. Si mes parents savaient. Des mois en centre de désintoxication pour craquer à la première soirée.

En réalité, ils ne me laissaient jamais sortir, lorsque nous étions à New York. Une ville trop grande, trop dangereuse, trop fêtarde, trop tentante pour moi. Ici, ils ne se doutent de rien, ils ne pensent pas que je suis amis avec le principal dealer de la ville. Si nous sommes amis, évidemment.

– Ouais. Ils ne seraient pas ravis d'apprendre tout cela. Je ne peux pas te dénoncer, parce que tu te vengerais, tu vois ?

Nous rigolons encore un peu, avant qu'il se redresse.

– On peut passer chez moi si tu veux, comme ça on peut faire une vraie pause de leçon de conduite ?

– Oui, avec plaisir. Il n'y a personne chez toi ?

– Mon oncle travaille de nuit. Il dort comme un trou, on ne le croisera même pas.

– D'accord alors. Et je garde mon jean cette fois, visiblement ma petite culotte t'as fais trop d'effet la dernière fois.

Je le vois rire et lever les yeux au ciel. Il reprend place côté conducteur - c'est le mieux pour notre sécurité - et nous nous dirigeons vers chez lui. Je me sens mieux, d'avoir pu le remercier convenablement.

En arrivant chez lui, on s'installe sur les transats à l'extérieur.

– Je peux t'acheter de la beuh maintenant que tu me fais confiance ?

Il hoche la tête avec un sourire et me ramène un sachet, en échange de vingt dollars. Je sors de quoi me rouler mon propre joint. Mes gestes sont mécaniques, je connais les mouvements par coeur. Eddie m'observe.

– Tu fumes depuis longtemps ?

Je relève la tête vers lui. Je mords un instant ma lèvre.

– Oui. Quelques années déjà. J'avais arrêté.. c'est compliqué.

Je force un petit sourire.

– Je ne veux pas t'inciter à consommer.. on est pas obligé de fumer.

– J'ai envie.

Il hoche la tête. On fume en silence. C'est apaisant, ici. Un peu excentré de la ville, proche de la forêt. Je me sens bien ici.

– Alors.. qu'est ce qui t'amène à Hawkins ?

– Le travail de mon père. Puis je crois que ça arrange mes parents de m'éloigner de New York. C'est plus calme ici, un meilleur cadre pour étudier. Enfin, ils voient ça de leur fenêtre. Si ça ne tenait qu'à moi, je travaillerais déjà. Mais tu comprends, je ne suis pas mariée, pas diplômée alors.. ils nous ont emmenés dans ce coin perdu. Même si au final on s'y sent plutôt bien. Je retrouve un semblant de vie sociale..

Je cesse de parler. Je me suis un peu emportée. Je ne suis pas du genre à me confier autant. Si je continue, je ne vais plus m'arrêter. Mais le joint m'embrume un peu les idées.

– Il n'y avait pas assez de monde à New York pour que tu te fasses des amis ?

– Disons que mes parents.. avaient tendance à m'enfermer.

Je grimace. Je ne précise pas que j'étais enfermée en centre de désintoxication. J'aurais du me taire. Je me lève un peu précipitamment.

– Désolée, je dois y aller..

– Reste, Lila. Vraiment.

– Je fais n'importe quoi..

Il se lève et attrape ma main, timidement.

– Mais non. On est jeunes, tu n'as rien fais de mal. Puis, je veille sur toi, de toute façon..

Je grimace.

– Je n'ai pas besoin qu'on veille sur moi..

Ses doigts caressent doucement ma main. C'est apaisant. Je relève timidement les yeux sur lui, je n'avais pas réalisé que nous étions si proches.

– Tu sais, commence-t-il. Je fais aussi des trucs bizarres. Genre, jouer à Donjon & Dragon.. On a même un club à l'école. On me stigmatise comme le taré. J'ai appris à passer au dessus. Tu devrais venir nous voir jouer, un jour. Peut-être que ça te plairait.

– Ce serait avec plaisir.

I'll be back in the morningOù les histoires vivent. Découvrez maintenant