Lorsqu'un voyage se transforme en cavalcade folle.
Le trio, formé par Sarna, Moscan et Linéa, continuait sa route à travers la forêt, zigzagant entre les arbres et les buissons. Heureusement, Moscan semblait se repérer grâce à... Sarna n'en savait trop rien, mais toujours est-il qu'il donnait l'impression de bien connaître le chemin menant hors de cette étrange forêt qui recelait des créatures effrayantes. Sarna, sur le dos de Linéa qui l'avait acceptée sans broncher, observait les alentours. Enfin, elle avait observé les alentours au début, maintenant, elle contemplait le paysage d'un œil morne tant le décor était répétitif. Des arbres à perte de vue, un épais tapis de feuilles et d'épines, quelques buissons par-ci, par-là et un silence pesant, uniquement troublé par ses soupirs et les renâclements de la jument.
Moscan se déplaçait à pied, marchant à un rythme soutenu qui ne semblait pas perturber Linéa. Celle-ci se laissait parfois distancer avant de rattraper le jeune homme. Le mouvement du trot réveillait Sarna qui somnolait parfois.
La jeune fille n'arrivait plus à penser, sa fatigue était telle, qu'elle laissait sa tête dodeliner sur sa poitrine. Au départ, elle avait eu quelques difficultés à s'habituer à la démarche de la jument mais, après plusieurs ajustements, elle avait finalement trouvé son assiette. La position n'était pas des plus confortables mais cela lui permettait de récupérer quelques minutes et surtout de mettre son cerveau en pause. Ainsi, elle ressentait moins la douleur lancinante de ses blessures. De plus, elle se doutait qu'au moment de descendre, elle ressentirait les courbatures liées à mon manque de pratique de l'équitation à cru.
Soudain, alors que Sarna regardait un énième arbre qui ressemblait à tous les autres, Linéa s'arrêta net. La jeune fille faillit tomber et s'accrochant à la crinière de la jument, elle maintint son assise. Linéa s'agita, courba les oreilles et montra ses dents. Qui commencèrent à s'allonger. La jument allait se retransformer lorsqu'un incroyable rugissement retentit. Il résonna longuement dans la forêt. Le silence y était déjà maître mais, après ce hurlement sauvage, ce fut comme si le vent s'était suspendu. Le léger bruissement dans les branches s'interrompit. Sarna regarda Moscan, apeurée. Le jeune homme était comme paralysé, tétanisé. Il pensait avoir affronté les Titans et que ceux-ci avaient laissé tomber leur proie après sa démonstration. Mais, là, ce rugissement qui vous glaçait le sang et vous donnait envie de disparaître au plus vite, ce cri sanguinaire, il espérait ne jamais l'entendre.
Il se ressaisit et courut vers la jument qui commençait à ruer. Il agrippa sa crinière et lui fit baisser la tête. Il rencontra son regard étoilé et la blâma :
- C'est de ta faute ! Tu l'as prévenu ! Il sait où nous sommes, maintenant. On ne peut rien faire, il n'y a rien pour lui échapper. On ne peut pas se cacher.
Sarna, dis-lui que je n'ai rien fait. Mais il faut partir. Tout de suite. Qu'il monte derrière toi. C'est notre seule chance de le fuir. On peut encore le semer.
- Lui ? Lui échapper ? Échapper à qui ? se renseigna Sarna, avant d'ajouter avec une certaine urgence dans la voix: Moscan, Linéa n'a rien fait et elle veut que tu montes sur son dos. Il faut partir. Et tu en profiteras pour m'expliquer, n'est-ce pas ?!
Moscan la regarda avec horreur. Jamais il ne monterait sur un Titan. Jamais. Mais Sarna ne lui laissa pas le choix. Devant l'indécision de son compagnon de route, elle dirigea Linéa vers le jeune homme et le saisissant par le bras, elle tira de toutes ses forces, puisant dans des réserves insoupçonnables, encouragée par la voix de la jument dans sa tête.
Moscan surmonta finalement sa répugnance et grimpa derrière elle. Il eut tout juste le temps de s'accrocher à sa taille que déjà, Linéa partait au galop, entraînant ses deux cavaliers le plus loin possible du rugissement.
La jument galopa, guidée par la voix de Moscan qui lui indiquait le chemin. Il la remettait sans cesse dans la bonne direction. Pas question de s'éloigner encore plus de la ville. Ils n'étaient peut-être pas si loin que ça. Ils auraient peut-être une chance de s'en sortir. Encore. Cela faisait beaucoup en peu de temps et Moscan se promit de remercier longuement les Dieux du Voyageur, lorsqu'il arriverait en ville.
Linéa galopait depuis des heures et semblait inépuisable. Sa robe noire était pourtant recouverte d'une épaisse couche de sueur. Ses yeux scintillants de mille étoiles reflétaient une peur profonde et ancienne. Ce rugissement lui avait rappelé à qui elle appartenait réellement et elle n'avait pas la force nécessaire pour affronter son maître. Elle n'avait pas réalisé qu'en rejoignant la jeune humaine, elle défiait le monstre de la forêt. Et qu'elle allait en payer le prix. Alors, elle galopait, mettant toute son énergie dans sa course folle pour fuir aussi loin que possible. Sa course était légèrement ralentie par le poids de ses deux passagers mais elle puisait dans ses forces de Titan pour ne pas réduire son allure.
Les deux cavaliers, justement, étaient ballotés en tous sens. Ils n'étaient pas experts en la matière et leur tête se heurtaient fréquemment. Sarna s'accrochait à la crinière de Linéa et serrait ses flancs de toutes ses forces (enfin, celles qui lui restaient) et Moscan s'accrochait à la taille de la jeune fille, la retenant et se retenant pour éviter de tomber. A cause de cela, ils ne pouvaient parler entre eux, même si Sarna bouillait intérieurement de ne rien savoir. Cela la perturbait de ne pas connaître le poursuivant qui faisait tant peur à ses deux compagnons. Elle espérait qu'ils auraient suffisamment de temps pour s'éloigner de cette forêt maudite.
Brusquement, Linéa s'arrêta, envoyant Sarna valser par-dessus sa tête. La jeune fille atterrit violemment, dans les buissons qui faisaient face à la jument. Avec une curieuse impression de déjà vu, Sarna s'extirpa tant bien que mal de l'entrelacs de branches. Moscan se précipita et l'aida à se relever. Tous deux se firent face et pour la première fois, Sarna regarda vraiment le jeune homme.
Ses cheveux bruns s'éparpillaient en mèches folles autour de son visage fin. Sa peau bronzée était constellée de tâches de rousseurs au niveau du nez. Nez qu'il avait court et légèrement retroussé. Ses yeux noisette lui renvoyaient un regard franc où dénotait une sorte d'inquiétude profonde. Ses lèvres boudeuses bougeaient, formant des mots qu'elle n'entendait pas, trop occupée à le regarder. Elle continua son observation, bien consciente d'être indiscrète et que le moment était assez mal choisi, mais impossible pour elle de se détacher de lui.
Les mains de Moscan effectuaient des gestes, cherchant ainsi à attirer son attention mais la seule attention qu'elle lui porta fut pour le reste de son corps : musclé et bien bâti, il possédait une certaine énergie qui lui conférait maturité et fermeté. Tout, en lui, renvoyait une allure souple et agile. Des années d'entraînements l'avaient transformé en ce jeune homme athlétique et charmant. Sarna se rendit compte qu'avec un costume et une coupe de cheveux adéquate, il aurait pu faire le parfait soupirant pour aller au bal. L'image de James Cumbatch se superposa sur celle de Moscan et elle s'aperçut que ses souvenirs de James commençaient à s'estomper.
Elle reprit ses esprits, secouant la tête comme pour chasser ces images de ses pensées. Et puis, ce n'était vraiment pas le moment de rêvasser, ils étaient poursuivis, ils devaient fuir.
- .... va bien ? Eh ! Sarna ! Réponds-moi !
- Oui, ça va ! Quelques égratignures de plus, rien de bien grave. Mais, je crois que je ne pourrais plus monter sur Linéa, mon dos est trop douloureux et je ne parle pas de mes jambes. D'ailleurs, si dans ton sac magique, tu avais une crème réparatrice ou quelque chose du genre...
- Désolé, je n'ai rien. Je pourrai t'aider une fois qu'on atteindra la ville. Mais, il faut qu'on reprenne la route. On doit s'éloigner encore. La nuit tombe et il faut qu'on s'abrite. Une nuit dans la forêt et s'en est fini de nous.
- Hmmm ! Je vais essayer mais, par pitié, dis-moi qu'on approche. Je ne suis pas sûre de tenir encore longtemps.
- Nous ne sommes plus très loin, il faut que tu t'accroches ! la conjura-t-il. Ses yeux, emplis de sollicitude et de compassion, chose rare d'après Sarna, lui donnèrent la force nécessaire pour s'agripper à la jument.
Avec l'aide de Moscan, elle se repositionna, grimaçant après avoir senti les courbatures dans ses cuisses et, une fois que le jeune homme fut monté lui aussi, ils purent reprendre leur chevauchée folle.
VOUS LISEZ
L'Héritière Oubliée
FantasyLa jolie brune se retrouva par terre dans l'allée menant à sa maison et encore une fois, le monde autour d'elle sembla s'estomper. Elle regarda sa maison disparaître, les arbres de sa rue s'effacèrent et même le sol sous ses mains était en train de...