Lorsque vous apprenez que tout est lié.

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Lorsque vous apprenez que tout est lié.

A une distance relativement éloignée d'Omlen, sur la route reliant la ville à la capitale, voyageaient quatre personnes. Ils empruntaient une route hors des sentiers battus afin d'éviter de croiser d'autres voyageurs, bien qu'en cette heure matinale, seuls quelques lapins et renards traversaient le chemin devant eux. La route était assez étroite et ne permettait pas une marche de front. Un petit fossé avec de hautes herbes accompagnait le chemin, puis quelques buissons et enfin des épineux qui poussaient ça et là. Au-delà, le paysage n'offrait rien d'intéressant au regard. Un panorama lunaire, presque désertique, excepté cette petite route sinueuse.


Ils étaient partis quelques jours plus tôt pour rejoindre Canyan, se déplaçant à cheval et traînant une lourde carriole qui semblait avoir bourlingué sur tous les chemins du pays. Dans la charrette, quelques affaires ça et là. Des sacs de nourriture dans un coin et des armes cachées sous une couverture. La compagnie, formée par une femme et trois hommes, avançait lentement, ceci étant dû à l'âge avancé du vieillard étendu au fond de la charrette, sans doute. Ce dernier était extrêmement barbu, tellement que sa bouche disparaissait derrière l'épais collier de poils. Ses yeux bleus, enfoncés dans leurs orbites renvoyaient un regard intelligent et sage. Ses cheveux étaient cachés par une grosse capuche mais quelques mèches grises s'en échappaient et retombaient sur ses oreilles.

Accolée aux sacs de nourriture et étreignant la main ridée de l'homme, une jeune femme retenait ses larmes. Agenouillée auprès du vieillard, elle soulevait sa main jusqu'à ses lèvres pour l'embrasser à chaque fois que la carriole rencontrait un obstacle. La femme baissa la tête et laissa ses larmes dévaler ses joues rosies par le vent frais du matin.

- Ne pleure pas, ma belle. Ne pleure pas. Garde tes larmes pour plus tard.

La jeune femme sourit, reniflant doucement. Elle releva son visage vers le ciel, rejetant au passage la capuche de sa veste noire. Ce faisant, elle libéra une masse impressionnante de cheveux blancs. D'un blanc pur, éclatant, divin.

- Cache tes cheveux, petite sœur !, dit l'homme qui chevauchait devant la charrette. Personne ne doit nous voir.

La jeune femme soupira et ramassa sa chevelure de lune en un chignon amélioré avant de recouvrir le tout de sa capuche. Elle garda cependant ses yeux gris tournés vers le ciel, contemplant l'ombre flottant loin devant eux.

- Père, penses-tu qu'il y ait encore de la vie là-haut ? Crois-tu que nos vies auraient été différentes là-bas ?

Le vieillard toussa fortement, crachant des caillots de sang. Sa fille se pencha afin d'essuyer les coins de sa bouche.

- Ma belle, ne cherche pas ta vie ailleurs. Tu as le temps devant toi, le bonheur à découvrir. La vie là-haut, qu'elle existe ou pas, ne nous intéresse aucunement. Trop de gens sont morts en tentant de résoudre cette énigme. Ne te laisse pas toucher par ce qu'il se raconte.

- Oui, Père. Tu as raison. Pardonne mes questions déplacées. C'est que... Notre vie n'est faite que de fuites, de voyages dans l'ombre. Nous ne vivons pas, nous survivons. Et, de penser qu'il puisse exister une vie là-haut, cela me redonne un peu d'espoir. Qui sait ? Un jour, peut-être, pourrons-nous vivre en paix, ailleurs.

- Zaël ! Tais-toi ! Laisse Père tranquille !, cria l'homme sur son cheval.

Il s'arrêta à côté de la carriole et délaissant ses étriers, sauta à proximité de sa sœur qui se recula légèrement. Le cheval de trait qui tirait la charrette, s'immobilisa. L'homme qui venait d'y atterrir s'accroupit et prit la main du vieillard.

L'Héritière OubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant