Chapitre 6

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Stiles était clairement nerveux. Pourtant, il était assis au milieu du salon du loft, appuyé contre Isaac. À n'importe quel autre moment, il aurait juste adoré ça. Sauf que là, il était face à un Deaton on ne peut plus concentré, entouré par la meute qui le fixait avec intensité. Pour ne rien gâcher, Peter se tenait dans le coin de la pièce avec une mine renfrognée. Ils étaient tous là, à le fixer, à attendre qu'il leur donne des réponses, comme si c'était facile! Méditer était toujours un exercice compliqué pour le jeune homme, d'autant plus dans ces conditions , mais pour que l'hypnose soit la plus efficace possible et éviter la solution « Peter », il devait faire de son mieux.

Il se mit dans la position que Deaton lui avait enseignée, ferma les yeux et se concentra sur sa respiration. Le but n'était pas d'entrée en méditation profonde, mais plutôt d'ouvrir au maximum son esprit pour que la séance d'hypnose qui allait suivre leur donne un maximum d'informations et de détails.

Après plusieurs minutes, sa respiration se modifia légèrement, ce qui fut le signal de départ pour le vétérinaire. D'une voix calme et posée, son mentor ramena doucement Stiles vers la nuit fatidique. Cela provoqua une poussée de stress pour le jeune homme, mais il fut rassuré par la voix qui le guidait vers le moment qui les intéressait.

C'était assez étrange, cet état d'hypnose. Stiles était présent, mais comme si la scène se jouait devant ses yeux. Il devenait le spectateur de ses propres souvenirs. Il se remémorait la peur et la douleur mais sans la ressentir. C'était bien entendu le but recherché, puisqu'il put se concentrer sur la jeune fille. De longs cheveux noirs, lisses et brillants. Une peau caramel, comme celle de Scott. De grands yeux surprenants, entre bleu et lavande. De nouveau, cette sensation de la connaître. Et enfin, cette litanie, répétée encore et encore... Ses pauvres notions de latin étaient insuffisantes pour tout comprendre. Il repéra malgré tout certains mots, le rythme des phrases et se mit à réciter à son tour :

Patere

Patere

Patere

Cordem meum rupisti

Maledicta animae socios est super te

Patere

Patere

Patere

Avoir conscience d'une situation et pouvoir prendre du recul sont deux choses différentes, surtout lorsque vous devez assister à votre propre agonie. C'était exactement la situation dans laquelle il se trouvait. Il avait vécu cette scène, ressentit ce calvaire, mais se voir se tordre de douleur, hurler sous la torture... Puis doucement, la scène disparut. Comme dissipée dans le brouillard. Les couleurs s'estompèrent, les contours se firent moins solides. La voix de Deaton le ramena enfin à la réalité.

Il se sentait épuisé, comme s'il avait encore vécu cette nuit-là. Il lui fallut donc quelques instants pour reprendre totalement ses esprits et encore un peu plus pour remarquer les étranges duos qui s'étaient formés devant lui: Peter et Lydia discutaient dans un coin, et Derek et le shérif dans un autre. Si ces rapprochements étaient saugrenus du point de vue de leurs personnalités respectives, ça l'était beaucoup moins quand on prenait en compte leurs aptitudes : Peter et Lydia tentaient de décrypter au mieux la malédiction lancée, Derek et Noah essayaient de trouver des indices pour identifier la jeune fille.

Stiles prit plus franchement appuis contre le torse de son loup et profita des discussions en cours pour se reposer un peu. Il se sentait toujours affaibli. Se replonger dans ses souvenirs avait ravivé son angoisse. Isaac sembla le comprendre car il passa ses bras autour du torse de son ami pour le rapprocher encore de lui. Il n'aimait pas sentir le jeune homme si fragile. La meute avait l'habitude de voir Stiles monter au front, trouver des plans, motiver tout le monde. Pour une fois, c'était au tour de la meute de prendre soin de leur humain. Le voir affaiblit, tremblant en permanence,... Isaac devait faire un gros effort sur lui-même pour ne pas l'emmener à l'abri de sa chambre. Il s'apprêtait d'ailleurs à le lui proposer quand il se fit interrompre par Lydia.

- Bon, la malédiction est plutôt simple à comprendre, mais il y a quand même un truc qui ne colle pas...
- Si déjà tu nous expliquais la partie que tu comprends...
- Eh bien en traduction latérale, ça donne à peu près : « Souffre, souffre, souffre, tu m'as brisé le cœur, la malédiction des âmes sœurs est sur toi. Souffre, souffre, souffre ».
- Sympa...
- Mais tu as dit que tu ne la connaissais pas. C'est ça qui ne colle pas...
- Elle me dit vaguement quelque chose, mais de là à dire que je lui ai brisé le cœur, c'est un peu extrême... Deaton, ça vous dit quelque chose ?
- Je reconnais la malédiction. Peut-être devrions-nous en parler en privé ?
- Non, ils ont besoin de savoir...
- Bon, comme tu voudras... La malédiction vient du coven navajo que nous avons rencontré il y a quelques mois...
- Oh ! Ça y est, je sais qui c'est... un nom trop bizarre, genre rien à voir... Euh... un nom de fleur ? Hellébore ?
- Oui, je crois que c'est elle. Sa grand-mère m'avait prévenu qu'elle était un peu instable...
- C'est le moins que l'on puisse dire ! Je lui ai à peine adressé deux mots...

Stiles ronchonnait, il en avait bien conscience. Mais vraiment, c'était bien sa veine, toujours à attirer les gens avec un grain !


- Sans vouloir jeter de l'huile sur le feu...
- Vas-y Derek, ne fais pas ton timide !

- Je trouve juste qu'elle n'a pas vraiment chercher à être discrète...T'agresser en pleine rue et à visage découvert...

- Elle ne pensait pas que je serai là pour témoigner de ce que j'avais vu...

Cette constatation jeta un froid sur la meute, prenant de plus en plus conscience qu'ils avaient échappé au pire. Deaton se redressa, mal à l'aise. Son regard alternait entre le bloc compact que formaient Stiles et Isaac et le reste de la meute, éparpillés dans le salon. Il hésitait sur la manière la plus diplomate d'annoncer les choses. Loin de lui l'envie d'en rajouter, mais il allait bien devoir leur expliquer le gros du problème.

- Au-delà des intentions de cette jeune fille, la malédiction se réfère à une âme sœur. C'est normalement la seule solution pour en contrer l'issue fatale. Sans contact avec cette âme sœur, tu souffres, tombes dans le coma puis ton corps lâche sous la pression...
- Oui, mais je suis réveillé, maintenant...
- Parce que ton âme sœur t'a réveillé...
- Pardon ?!
- Je pense que la seule raison pour laquelle tu es toujours en vie, c'est que tu avais déjà rencontré ton âme sœur et que tu t'es dirigé vers elle instinctivement.

Le silence répondit à Deaton, comme il s'y attendait. Il avait pourtant essayé de ne pas être trop brutal dans sa déclaration. Après autant d'heures à l'entraîner, il commençait à connaître le fils du shérif. Malgré son côté frondeur et le débit insensé de ses paroles, le gamin était pudique sur ses émotions et ses sentiments. Il connaissait un peu moins Isaac. Peut-être ce dernier pourrait-il désamorcer la situation...

- Isaac ? Tu n'as pas l'air très étonné...
- Pas vraiment, j'y pensais depuis quelque temps, mais sans certitude.
- Depuis combien de temps ?
- Quelques mois...

Dans n'importe quel autre contexte, Deaton aurait apprécié l'air incrédule que Stiles affichait. La bouche entre ouverte, les yeux exorbités, son cerveau semblait avoir cessé de fonctionner. C'est bien la première fois qu'il le voyait ainsi.

- Je pense que nous devrions vous laisser un peu d'intimité, pour que vous puissiez en parler tous les deux
- Deaton, si je peux, j'ai quelques questions
- Je t'écoute Isaac
- Si on ne trouve pas de résolution pour ce sort, on va devoir rester accroché l'un à l'autre, comme ça ? Pas que je m'en plaigne, mais c'est pas ultra pratique...
- En clair, si Stiles ne t'avait pas, il ne serait plus parmi nous. Votre contact le maintient en vie.
- J'avais bien compris cette partie...
- Laisse-moi finir, louveteau !

Il était assez drôle de voir l'autorité que le vétérinaire pouvait avoir sur les personnes présentes dans la pièce. Aussi grand et fort qu'il pouvait être, Isaac se ratatina face à la brimade.


- Pardon
- Je disais, si vous étiez humain, normalement, « consommer » votre relation devrait résoudre le problème et vous permettre de vous éloigner progressivement l'un de l'autre.
- Et pour des loups ?
- Honnêtement, je ne suis sûr de rien. Je vais essayer de contacter le coven pour avoir plus d'infos.
- Vous avez quand même une idée ?
- Les âmes sœur sont un phénomène plus rare qu'on ne pourrait le croire. Chez les loups, ça passe par la revendication. Mais entre loup et humain, je ne sais pas.
- La revendication implique une morsure, non ? Ce n'est pas dangereux ?
- Comme tu n'es pas un alpha, ça ne risque rien normalement...
- Je n'aime pas le « normalement » dans votre phrase...
- Je sais. Moi non plus. Je vais contacter le coven et faire des recherches. Je vous contacterai quand j'aurai plus d'infos.
- Merci Deaton.

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