5

282 31 9
                                    

L'automne laissa place petit à petit à l'hiver. Evan était toujours troublé par ses rêves et finissait souvent ses nuits devant la pierre au serpent, au chien et à la rose. Il réfléchissait pour trouver comment l'ouvrir. Il sentait qu'il devait réussir. Il savait qu'il y avait derrière une salle qui l'attendait depuis des années.

— Il est vraiment étrange ce Weasley.

Evan arqua un sourcil et se tourna lentement vers ses camarades de maison. Beaucoup parlaient de lui, se posant toujours des questions. Il n'était pas comme les autres membres de sa famille. Déjà il était à Serpentard. Ensuite, il avait des gestes aristocratiques. Mais surtout, il réussissait tout ce qu'il entreprenait. C'était comme s'il avait déjà appris ces sorts.

— Tu rêve encore, dit Blaise. Tu es toujours dans ton monde...

— Est-ce que tu me trouves étrange ?

Blaise haussa des épaules.

— Un peu, mais j'imagine qu'on l'est tous par rapport aux autres, dit-il.

Evan sourit. Il reprit son repas, pensif. Pour découvrir ce que cachait ce mur, il devait sûrement faire quelque chose en rapport avec Serpentard. Il n'y avait qu'une chose à faire et il connaissait le sort. Il devait essayer, même s'il ne savait pas comment il allait forcer un serpent à lui ouvrir l'entrée secrète.

Et si ça ne fonctionne pas ? Et si... il nous mord ?

Evan se redressa et regarda autour de lui. Étrangement, il n'avait pas peur de se faire mordre par un serpent. Il devait essayer.

Cette nuit là, il retrouva le mur, tapota sur la pierre avec sa baguette magique puis lança sans aucun doute :

Serpensortia !

Un long serpent, fin, aux écailles noires, jaillit de sa baguette et siffla furieusement. Evan ne comprit pas pourquoi, mais il se mit à genoux, regarda le serpent se tendre, prêt à mordre.

Fais attention !

Mais trop tard.

Le serpent plongea, gueule grande ouverte. Evan leva sa main et sentit les crocs pénétrer sa chaire. Il cligna des yeux, et observa le serpent reculer, crachant toujours furieusement.

— Qu'est-ce que tu fous ? Lança alors une voix dans son dos.

Evan se leva et se retourna vivement vers trois élèves de sixième année, et un de septième. Il connaissait leurs noms et il savait qu'ils ne l'aimaient pas beaucoup. C'était pour eux un Weasley, et donc, il n'avait pas sa place dans leur maison. Evan savait exactement quoi faire. Ils allaient s'en prendre à lui, lancer des maléfices mais il savait se défendre et même sans prononcer le moindre mot.

La surprise de voir un élève de première année parer un sort, distrait un instant les quatre élèves. Evan attaqua alors, sentant qu'il devait lancer un sort en particulier, que ce maléfice faisait partie de lui, que c'était comme une signature. C'était un sort rien qu'à lui.

Des ronces mais aussi des rosiers s'enroulèrent autour des jambes des élèves qui poussèrent des cris de peur et de douleur. Ils arrachèrent les plantes et s'enfuirent.

— Lâches, murmura Evan.

Il se retourna vers le serpent, qui s'engouffrait alors par un petit trou dans le mur. Evan se remit à genoux, curieux. Le serpent disparut et Evan se pencha. L'odeur de fleurs embauma alors tous ses sens. Il ferma les yeux.

Il faut un mot de passe unique ! Seul nous le connaîtrons !

— Hmm... Je sais ! S'exclama alors la voix d'une jeune fille. Sumus tui reges et reginae !

Evan entendit Regulus rire. C'était ça. Il se leva et tapota à nouveau la pierre.

— Sumus tui reges et reginae.

Le serpent roula sur lui même, sortant un peu plus et se transforma en poignée. Le contour d'une porte se dessina sur le mur de pierre. Evan actionna la poignée et tira la porte. Un rideau de lierre lui coupa la vue. Il l'écarta doucement et le traversa, découvrant alors le plus bel endroit au monde.

C'était un jardin.

Enfin les restes d'un jardin. Evan traversa des herbes hautes et folles jusqu'à un bassin vide avec de belles sculpture autour dans un marbre blanc et noir. Il y avait bien sûr un énorme chien prêt à mordre et chasser les intrus, une femme qui tenait une amphore la vidant vers le bassin tristement abandonné, un couple d'hommes nus faisant une sorte de lutte amicale, avec des sourires sur leur visage, et enfin une dernière colonne avec tout autour des serpents en marbre noir montant jusqu'au haut plafond. Evan leva les yeux et fut ébloui par un ciel étoilé digne de celui de la Grande Salle.

Les fleurs avaient poussé librement : rosiers, lupins, hortensias, lys, lilas, papyrus... Il y avait toutes les couleurs et leurs parfums étaient enivrants. Evan ferma les yeux.

Ce sera notre Chambre des Secrets, murmura une voix qui ressemblait à la sienne.

Alors il faut un gardien ! S'exclama la voix de la jeune fille.

— Eve, murmura Evan avec douceur et plein de tendresse.

Il avait l'impression de la voir, là devant lui. Elle était blonde, des yeux d'un bleu magnifique, sombre, et envoûtant. Elle lui souriait, si heureuse.

Ce sera un chien, déclara la voix de Regulus. Et un serpent, bien sûr !

— Plein de serpents ! Et aussi... des oiseaux ! Une licorne ! Dit Eve.

Trois licornes, dit la voix de Evan. Inséparables ! Comme nous trois.

Evan pleura alors, car il savait qu'ils étaient séparés, définitivement. Il tomba à genoux et pleura encore et encore, comme s'il venait de les perdre et qu'il ne les entendrait plus jamais.

— Reg ! Cria-t-il. Eve ! Où êtes vous ?

Il sanglotait comme un tout petit garçon.

Nous serons les maîtres, dit Eve.

Nous sommes les maîtres, rectifia la voix de Evan.

Evan leva la tête et observa alors le serpent qu'il avait fait apparaître. Il n'était pas très sûr de l'espèce, mais il se demandait s'il n'était pas vénéneux. Il regarda alors sa blessure légèrement violette et qui saignait toujours. Il sortit un mouchoir et l'enroula autour de la plaie. Il admira encore le jardin et il sut ce qu'il devait faire. Il pouvait apercevoir d'autres sculptures qui étaient tombées, et il savait déjà ce qu'elles représentaient. Il était déjà venu ici, dans une autre vie.

— Je le réparais, promit-il à ses fantômes. Il sera à nouveau le jardin de rois et de reines.

Ainsi pendant des mois, il disparaissait chaque nuit dans son jardin, dans leur jardin, petit palais de verdure sous les étoiles. Il découvrit qu'il pouvait y neiger dès les premiers flocons de décembre. La nature était la déesse qu'il fallait servir ici, bien plus que la magie.

Chaque fois qu'il y retournait, il avait l'impression de revivre, comme jamais. Il respirait mieux, se sentait ensuite incroyablement plus confiant. Il était un roi d'un petit territoire, le plus merveilleux de tous. Ses sujets étaient l'herbe, les rosiers, chaque fleurs, et ses gardes étaient les statues qu'il nettoyait avec patience.

L'Enfant MangemortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant