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Point de vue de Mia:

Sidérée. J'étais incapable de quoi que ce soit. Avancer, bouger, pleurer, crier. Je n'avais pas la moindre réaction. Je fixais le canon fumant, et très très loin dans mon champs de vision, si loin que ça me semblait flou, un corps se vidant de son sang. Un corps qui m'avait infligé les pires douleurs, les pires supplices, les pires humiliations et m'avait maintenu dans un état de peur  et de stress permanents. Je venais de l'abattre. J'avais eu, une fois dans ma vie, raison de lui. Et ce, définitivement. Pas parce qu'il allait encore lever la main sur moi. J'aurai été incapable de le tuer pour me sauver moi. Mais parce qu'il allait tuer un parfait inconnu qui me torturait quelques minutes avant. Je ne voulais plus qu'il puisse faire du mal à qui que ce soit. Même à un salaud.

Comme si il savait qu'on parlait de lui, l'homme accrocha mon regard. Un éclat de rage y passa, fugace. Il se redressa et se tint à côté de moi un instant, contemplant mon oeuvre. Il récupéra le couteau à mes pieds. Ensuite, doucement, sa main passa sur mon avant-bras et il retira le flingue de mes mains. Il le rangea dans son dos. Puis se plaça devant moi. J'étais debout, les bras ballants. L'homme leva la main et caressa mon visage. Muet.
Ses mains vinrent sur ma taille, il me souleva contre lui et enroula mes jambes autour de sa taille. Ou peut-être était ce moi? C'est comme si je n'avais plus la moindre sensation. Sa chaleur me reconnecta un instant au monde réel, il passa une main sous ma fesse, se dirigea vers le salon, où il récupéra un sac de sport noir puis se dirigea vers la sortie.

J'étais molle contre lui. Anéantie. Sidérée. Épuisée. Je calais mon visage dans sa nuque. Un brouhaha me parvint depuis l'entrée. Deux hommes avaient fait irruption dans ma maison, arme au poing. Voyant celui qui était manifestement leur camarade debout, ils poussèrent un ouf de soulagement. Sans plus attendre, ils sortirent, se dirigeant vers un 4x4 noir discret le moteur tournant mais les deux éteints. L'homme me déposa dans le 4x4 tandis que ses hommes lui parlaient en russe sur un ton très nerveux.
"- Vadim, ty teper' vspominayesh?"
"- ostav' devochku!"
"- eto zhena etogo ublyudka?"

Il s'adressa a eux d'un ton sec  et les portières ont claqué immédiatement après. L'homme avait pris place à côté de moi. Il m'attira contre lui sans un mot. L'ambiance était pesante dans l'habitacle. A deux rues de ma petite maison, plusieurs véhicules de police ont croisé les nôtres, gyrophares hurlants. L'homme a placé sa main tatouée sur mon crâne, pour me plaquer étroitement contre lui. Quelque chose sur le t-shirt de l'homme trempait ma joue. Il me fallut plusieurs minutes pour réaliser que c'étaient mes larmes qui trempaient son vêtement. La voiture avançait de façon fluide dans la circulation. A peine plus vite que la majorité des voitures. Arrivé sous le pont d'un échangeur d'autoroute, la voiture vint s'aligner derrière une autre, une berline grise, sur la bande d'arrêt d'urgence. L'homme me souleva à nouveau et tous ont quitté l'habitacle comme un seul homme pour rejoindre la deuxième voiture.

Le conducteur tenta de briser le silence qui s'était imposé dans la voiture, sans succès.

La voiture s'éloigna de la ville sans vitesse excessive, jusqu'à nous emmener à un petit aéroport au milieu des champs. Un petit avion blanc, bordé de lignes bordeaux attendait au milieu de la piste, pour  l'instant, uniquement éclairée par les feux du véhicules. Les hommes sortirent comme des diables de la voiture. Celui qui me tenait dans ses bras me souleva sans difficulté et monta dans la carlingue grâce à un petit escalier mobile. Il m'y déposa et prit le temps d'attacher ma ceinture, alors que je le mangeais des yeux, incapable de réagir. Il prit la place voisine sans tenir compte des récriminations des autres hommes.

Celui qui avait conduit la seconde voiture se mit aux manettes. Avant de lancer les gaz, il se tourna vers nous et demanda, dans ma langue:
"- Vadim, tu es sûre que tu emmènes madame avec nous? Que va-t-on faire d'elle?"
"- ça ne vous regarde pas. Bez neye, menya tam ne budet. Eto ona yego ubila. Maintenant, mets les gaz Igor."

Série : L'otage. Tome 1. sauver MiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant