Le temps avait passé depuis notre départ. Un troublant sommeil m'avait embrigarder dans les décombres de mes peurs les plus noires. Une vie en sang, un futur plongé dans un noir infernal, dans une solitude trucidante. Une poingante vie merdiquement douleureuse. La peur, la tristesse, un mélange de dépit me noua la gorge et brisa ce petit coeur meutrie dans ma poitrine. Je suis agitée, j'ai une respiration afolée, un visage morne qui frise le sanglot, un corps trempé. Je suis mal, j'hurle interieurement une aide que personne n'entend. Je prie un Seigneur qui cette fois encore ne me répond. Je pleure, ma peine interne se fait folle, je croupis resserrant fortement ma poitrine qui me jette d'indicibles maux. Le noir dans lequel je fâne me plisse les nerfs. Je suis prise au piège par mes craintes les plus piteuses. Mais, alors que ces meurtrières envies de céder à une fatidique destinée m'envoyaient choir dans ce vide sidéral et sombre, une lueur, un brin de rayon déchira cette platitude noire qui m'envahissait. J'élève mes yeux baignés dans un lac de larmes, les braque sur cette fine lumière qui a l'air d'un semblant d'espoir. Un semblant de calme me prit, une quiétude renversante m'envahit. Je me redressai alors, ressentant un soulagement, une décharge et une envie de sourire. Sur le coup, je ne pouvais expliquer ce sentiment, mais quand mes yeux furent impreignés totalement de cette lumière, je compris. Il y avait en effet de quoi me détendre, de quoi décrisper.
- Angela! Angela! Ehho... Tu m'entends?
On frappait à portière. Quelqu'un me priait de revenir à moi. Je me retourne donc, et je vois Jacques qui, de son visage collé à la vitre, hurlait mon nom.
- Oui Jacques, finis-je par répondre.
- Enfin tu te réveilles. Tu en as mis du temps, on te croyait morte nous.
Je souris timidement et je répète: "morte" ( ça aurait été bien je parie)
- Allez, viens, on t'attendait.
- On ? C'est la deuxième fois que tu dis "on", c'est qui la seconde personne à laquelle tu fais allusion?
Patience, c'est une très belle personne je t'assure. Viens, que je t'aide à sortir d'abord.
Il ouvre aussitôt la portière, me défait de ma ceinture de sécurité, fais un tour rapide à l'arrière de la voiture et prend mon fauteuille roulant et revient sur le champ. Il passe une main derrière mon dos, et l'autre sous mes jambes. Il m'estirpe du siège, me colle à lui et là, je crois que mon esprit perd le nord. Ça recommençait en effet, je me retrouvais encore trop près, beaucoup trop de lui. Je le sens, son parfum m'emplit le cerveau, son corps m'enveloppe et pourtant il n'a pas l'air si imposant. C'est plaisant sur le coup, mais assez déroutant et en plus je n'ai pas l'habitude. Je suis donc toute frêle, timide comme un petit toutou dans les bras de son maître. Je ne pipe mot, j'attends tout en me laissant lentement aller dans le creux de ses bras fermes. Il bouge, fais attention à ne pas me faire tomber et me pose dans le fauteuille. Je tente de le regarder dans les yeux mais je crois que je suis beaucoup trop éprise pour me permettre de croiser son regard. Alors, je me contente de lui lancer un merci et de me taire.
- Il fait beau ici, n'est-ce pas Angela?
- Oui, vraiment.
- Je me disais bien que tu aimerais.
- Et dis-moi, on est où là? Tu ne m'as toujours rien dit. J'ai accepté de te faire confiance mais là je crois qu'il est temps que tu me dises tout ce qui se passe.
- Patience, encore cinq minutes.
Alors qu'il disait ça, on entamait un tournant. C'était la fin de la clôture. Et là, je vis et je compris. C'était vraiment beau tout ça. Elle était vraiment belle.
- Bienvenue à vous, je suis Trisha.
- Merci.
Je souris, lance un bref regard à Jacques et revient sur cette beauté qui nous aveuglait de son sourire.
- Hey Jacques, tu ne m'avais pas dit que ta chérie était aussi jolie. Sifla-t-elle avec un grand sourire et un ton taquin.
Je souris bêtement à mon tour et détourne mon visage.
- Mais en fait, c'est que, tu sais Trisha, ce n'est pas...
- En tout cas, vous allez bien ensemble tous les deux. Interrompt-elle Jacques.
- Mais, non... tente-je de dire avant de me faire couper à mon tour.
Suivez-moi les amoureux.
C'est clair que j'étais toute embarrassée et toute rouge. Je ne savais où mettre de la tête ou du regard. C'était vraiment gênant ce qu'elle disait.
- Tu sais Angela, ne fais pas attention à ce qu'elle raconte. Quand elle a une idée en tête, je crois que personne ne peut l'en détacher. Elle reste cramponnée à cette idée et devient parfois hyper saoulante, donc essaye de ne pas te laisser avoir.
Oh ! t'en fais pas Jacques, je la trouve plutôt adorable.
- Ah oui? Tu trouves? Étonnant!
- Ne t'en fais pas, je suis sûr qu'on s'en sortira très bien tous les trois.
- Tous les trois ?
- Oui, tous les trois. Ou quoi ?
- C'est-à-dire, commença Jacques avec un trimbolot dans la voix.
- Tu ne restes pas, n'est-ce pas? Tu t'en vas?
- Ce n'est pas ça, il faut que tu comprennes, je ne peux pas rester ici, j'ai un travail et ici nous sommes bien loin de la ville pour me permettre de rester. Mais, je reviendrai de temps en temps, je te...
- Eh vous deux, ne restez pas sur la terrasse dehors, rentrez. Hurla Trisha de l'intérieur de la maison.
-J'ai compris Jacques, fais ce que tu as à faire.
Je l'avoue, je suis peiné, triste, déçue. Je ne pensais pas qu'il me laisserait d'aussitôt. Finalement, il aura fait comme les autres. Il m'abandonne. Depuis le temps, j'aurais dû m'y habitué, quelle idiote je fais. Et merde, une larme s'amuse à franchir le seuil de mes yeux. Il ne faut pas, pourquoi je pleure ? Je la rattrape donc discrètement et incline ma tête pour les empêcher le faciès horrible que je laisse voir.
On est enfin au cœur de la pièce. Je la photographie du regard et je la trouve espacieuse et chaleureux. Je crois que j'aimerai rester là. Je lève les yeux vers Jacques, mais il semble ailleurs, plongé dans ses pensées ou dans le décor. En fait, comme d'habitude, je n'arrive pas lire en lui ; il a bien un regard impassible et vide. Penserait-il à notre discussion de tout à l'heure? Pourrait-il revenir sur sa décision? Bof, il vaut mieux que j'arrête, je n'arriverai à rien à m'embrumer l'esprit.
- Angela chérie, viens que je te montre ta chambre. Lance Trisha d'une autre pièce.
- Jacques m'y pousse.
- Elle n'est pas vraiment belle, mais j'espère que ça t'ira.
- Tu plaisantes, je trouve bien cette chambre. Je m'y ferai aisément. Merci bien, c'est gentil.
- Oh, non c'est rien, je suis ravie que ça te plaise.
J'étais bien dans cette pièce. Elle est grande et claire. La pureté de ce mur, cette aire tiède et ce décor simplet mais classe. Oui, cette chambre me convenait bien.
- On te laisse découvrir ta chambre Angela. T'es chez toi, tu peux être tranquille ici. Dis Jacques avant de me laisser et se retirer au salon avec Trisha.
Je les vois s'éloigner. Ils vont s'asseoir sur le sofa au centre de la pièce. Ils se mettent à parler. Je vois leurs lèvres rémuer mais aucun son ne parvient à moi. Ça m'inquiète un peu, mais j'essaye de ne pas m'en faire et je replonge mes yeux dans ma chambre. Je me fais rouler tant bien que mal dans la pièce. Je la passe sous toutes les coutures, je scrute les tiroirs et les plaquards, j'y trouve des robes et sous-vêtements propres. Ça m'étonne, mais je décide de passer la-dessus. Je file dans la salle de bain et j'en ressors vite. J'avais tout visité.
Je m'apprêtais à repartir les rejoindre, mais Jacques se pointe juste devant moi.
- Tu t'en vas, ça y est?
- Oui Angela. Je m'en vais. Mais je promets de passer très souvent.
- Ne fais pas de promesses que tu ne pourrais pas tenir Jacques. Lui dis-je sous un air cru.
- Dis-moi s'il te manque quelque chose et je te le ferai parvenir.
- Compris Jacques. Fais un bon retour.
Je me retourne et je vais poster devant le plaquard à robe. Lui, je le sens me regarder encore une minute et se retourner. À mon tour, je me retourne, et j'ai à peine le temps de le voir disparaître sous les rayons du couché de soleil.
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ANGELA
Historia CortaRemise à entre les mains d'un avenir incertain, elle se voit vivre pour exister et non exister pour vivre