Protection fraternelle

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        Cette phrase n’avait aucun sens. L’homme en face de lui était celui avec qui il avait partagé ses joies, ses peines, ses états d’âme et ses folies pendant des années, celui avec qui il partageait une amitié plus vielle que son mariage, celui avec qui il avait bâti un empire, à qui il ne cachait rien, sans qui le monde lui semblait complètement dépeuple. Venant d’un frère ou plutôt d’un compagnon de vie, ces paroles n’avaient absolument aucun sens.

       Il sortit de la voiture et, après avoir fait signe au chauffeur d’attendre, il rejoignit Gaspard qui frappait déjà le portail avec la délicatesse d’un barbare. Il ouvrit la bouche mais fut interrompu par une voix douloureusement familière :

  -  Que faites-vous ici ?

       A quelques mètres derrière eux, Jordan les regardait comme s’il se retenait de les sauter dessus. Les cernes énormes sous ses yeux en disaient long sur le niveau de tranquillité de la nuit précédente.
 
        Derrière lui, Michelle les regardait avec méfiance et des cernes encore plus foncées et plus profondes que celles de son fils.

        Edouard ne put s’empêcher de remarquer que Jordan mettait un point d’honneur à se placer très nettement entre lui et Michelle. Il n’en fallait pas plus pour comprendre que pour l’adolescent, il n’était rien d’autre qu’un ennemi.

  -  Michelle… commença le vieil homme.
  -  Ton chauffeur est rentré ? demanda-t-elle avec froideur.
  -  Non mais…
  -  Alors je n’ai rien à te dire.

       Si elle voulait le torturer elle pouvait tout aussi bien lui planter un couteau dans les côtes, ça aurait été beaucoup plus gérable pour lui.

      A ce moment, le portail s’ouvrit sur Perla qui tomba nez à nez avec Gaspard. La surprise manqua de la renverser.

  -  Que voulez-vous ? lança-t-elle sur ses gardes.
  -  Question stupide !

       La détermination dans sa voix était presque palpable. Alors sérieusement il se foutait des menaces de Sylfried, il n’avait rien à faire des problèmes d’Edouard. De toute évidence, Gaspard avait fait son choix et Edouard devait en faire autant, même si cela impliquait d’avoir recours à des méthodes qui le répugnaient : mentir, tromper et manipuler dans le seul but de servir ses intérêts.

  -  Ne fais pas ça, dit-il à l’intention de Gaspard.
  -  Et qui m’en empêchera ?
  -  Je ne te l’ai pas dit tout à l’heure pour ne pas t’inquiéter mais Sylfried m’a dit que si tu touchais a cet enfant il n’hésiterait pas à s’en prendre aussi a Alexander.

       Gaspard pâlit en entendant cela. Il réfléchit un instant puis sorti son téléphone en s’éloigna, probablement pour appeler Raphaël et lui demander d’aller chercher Alex à l’hôpital pour le ramener à la maison où il sera en sécurité. 

       Pour Perla, c’était une victoire. Elle ignorait par quel alchimie mais Sylfried réussissait toujours à obtenir ce qu’il voulait des autres. Quoi qu’il en soit, elle devait remplir sa part du contrat. Elle prit son téléphone et composa le numéro de Sylfried sous le regard de Michelle qui attendait silencieusement en essayant d’ignorer le regard aussi insistant que gênant d’Edouard.

      Elle échangea deux ou trois mots avant de tendre le téléphone à Jordan. Celui-ci hésita deux secondes avant de le prendre.

  -  Oui allo ?... oui… pas du tout… d’accord…

       Lorsqu’il eut fini, il rendit le téléphone à sa propriétaire et se tourna vers sa mère.
 
  -  Maman, papa veut te voir. Il te demande de rentrer à la maison.

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