Les liens du sang

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       Seul dans sa chambre d’hôpital, Alex regardait le plafond sans vraiment le voir. Tout ce qu’il lui restait comme fierté avait définitivement disparu. En écrivant le mot à l’intention de ses grands-parents, il était persuadé qu’il agissait comme un héros. Il était sûr qu’il réussirait à retrouver Alison, à la sauver de l’orage et à la mettre en sécurité. Sans avoir pensé aux détails, il voyait déjà la scène de sauvetage se dessiner dans sa petite tête. Mais rien ne s’était passé selon ses plans : après avoir cherché pendant environ trois heures sous une pluie torrentielle, il avait attrapé une pneumonie et avait été conduit à l’hôpital. Trois petites heures, c’est tout ce que son corps lui avait donné comme moment de gloire avant de lui rappeler qu’il n’était pas un battant. Sa honte était inqualifiable.

       Habituellement, lorsqu’il était malade, sa grand-mère venait lui tenir compagnie mais là, il ne voulait pas la voir, pas plus que son grand père. Ils lui avaient grossièrement menti sans se soucier de ses sentiments. Pourquoi ne voulaient-ils pas comprendre ce qu’Alison représentait pour lui ? C’était la première fois de sa vie qu’il se sentait aussi proche d’une personne de son âge.

       La majeure partie du temps, il était entouré de vautours et d’espions qui ne le regardaient que par intérêt. Il avait trop souvent été blessé par des enfants et des adultes dont le seul but était d’entrer dans les bonnes grâces de la famille Andréas ; mais cet aspect de sa vie, il l’avait gardé pour lui. Il n’a jamais fait pars à quiconque de sa grande solitude, de l’atmosphère pestiférée d’hypocrisie dans laquelle il baignait en permanence. Il avait toujours tout pris sur lui en gardant la bonne humeur en espérant qu’un jour enfin, il y aurait une personne qui le comprendrait, qui lui ferait confiance et qui l’apprécierait pour ce qu’il est et non pour le nom qu’il porte. Cette personne c’était Alison, il le sentait. Cette personne pour qui la curiosité et la compassion s’est vite transformée en affection. Il ressentait le besoin inexplicable de la voir sourire mais ça, personne ne s’en souciait.

       Il aurait tant aimé que ses parents soient là : son père l’aurait conseillé et sa mère l’aurait réconforté, il en était certain. « Maman, c’est au nom de ta mémoire que je suis venu dans ce pays et que j’ai rencontré Alison alors s’il te plait, fait en sorte que je puisse la retrouver » se dit-il en lui-même comme une prière.

       Soudain, quelqu’un frappa à la porte et avant qu’il n’ait le temps de dire qu’il ne voulait voir personne, Raphaël entra et vint s’assoir au près du lit.

  -  Tu as vraiment une tête d’assassin mon p’tit gars.
  -  Je ne suis pas d’humeur à plaisanter.
  -  Ça tombe bien, moi non plus… tes vieux m’ont dit que tu ne veux plus les voir ?
  -  Ils m’ont menti.
  -  Mais tu sais quand même que ce sont eux qui payent les factures de l’hosto n’est-ce pas ?

       Alex lui lança un regard meurtrier et tourna la tête.

  -  Ne le prends pas mal, loin de moi l’idée de te juger, bien au contraire. Je… je te comprends.
  -  Quoi ?tu es sérieux ?
  -  Je n’ai jamais été dans ta situation mais je peux comprendre ce que tu ressens. Je sais que pour un homme, l’impuissance est l’un des sentiments les plus frustrants qui soient, surtout lorsqu’il s’agit d’une fille que l’on aime.
  -  Comment tu peux savoir ça toi ? je n’ai jamais vu l’une de tes petites amies souffrir.
  -  Actuellement je suis dans une relation qui me donne des cheveux blancs je t’assure. Ma copine me fuit machinalement peu importe ce que je lui dis ou ce que je fais et le pire c’est que je ne sais même pas d’où exactement vient le problème.
  -  Ta copine c’est Eva n’est-ce pas ?
  -  Quoi !? comment tu as deviné ?
  -  Disons que tu n’es pas très discret : tu cherches toujours à la voir en privé et tu l’appelles tout le temps. C’était presque évident.
  -  Tes vieux le savent ?
  -  Non, je ne pense pas.
  -  Ouf… ne leur dit pas s’il te plait.
  -  Ça dépend, tu comptes la plaquer après quelques semaines comme toutes les autres ?
  -  Non mais, pour qui tu me prends ? un coureur sans cœur ?

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