Loin des yeux...

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       Gaspard, assis près d’Edouard, rentrait après une journée interminable à Elsa Palace ; il y avait vraiment des clients difficiles à gérer parfois. Il jeta un œil à sa montre : minuit et demi. Les nuits blanches n’étaient plus de son âge mais que pouvait-il y faire ? Si seulement son fils était encore en vie, il pourrait lui passer la relève et enfin se reposer mais au lieu de ça, il devait attendre que son petit-fils grandisse, ce qui devait prendre encore des années.

        Sa situation était parfois pénible mais il ne pouvait se plaindre à voix haute devant son ami et associé Edouard qui ne savait probablement même pas quoi écrire sur son testament. A côté de la situation d’Eduard, celle de Gaspard était plus qu’enviable.

       Ils arrivèrent vite et à peine eut-il mis un pied à l’intérieur que son petit-fils se précipita vers lui.

  -  Papi, tu l’a vue ? comment va-t-elle ? que t’a-t-elle dit ?
  -  Tu devrais être couché à l’heure qu’il est et puis de qui parles-tu au juste ?
  -  Ben d’Alison. Mamie m’a dit que vous la verrez aujourd’hui.

       Gaspard avait totalement oublié ce point-là. Il se tourna vers Edouard pour avoir du secours mais celui-ci s’éclipsa immédiatement vers sa chambre alors il dit la première chose qui lui vint en tête.

  -  Oui je l’ai vu et elle va très bien.
  -  Qu’est-ce qu’elle t’a dit par rapport à cette histoire ?
  -  Oh tu sais, elle ne s’est pas donnée cette peine. Elle s’est contentée de me dire de façon très insolente que maintenant que son père nous a pris suffisamment d’argent, elle n’avait plus du tout besoin de jouer la comédie avec nous.
  -  Pardon ?!

       Alex n’en croyait pas ses oreilles. Ça ne pouvait pas être vrai, il ne pouvait pas s’être trompé à ce point sur elle.

  -  Ecoute mon garçon, dans la vie, on ne peut pas ne rencontrer que de bonnes personnes. Je sais que c’est douloureux, voir humiliant mais fais-toi une raison.
  -  Et… où est ce qu’elle vit ? demanda Alex sur le point de s’écrouler.
  -  Avec son père évidemment.
  -  Elle va bien ?

      Gaspard fut profondément ému par cette demande, par le fait que malgré ce qu’il venait d’entendre, son petit-fils se souciait toujours de savoir si elle allait bien. Il se senti mal de lui mentir de la sorte mais il devait le protéger contre les nuisibles, comme il l’a toujours fait…

  -  Va te coucher, tu en a besoin. Demain tu te sentiras mieux tu verras.
  -  Oui… Bon… Bonne nuit papi.

       Alex se tourna et se dirigea vers sa chambre avec la vivacité d’un condamné et Gaspard cru apercevoir une larme couler sur sa joue.

       La journée suivante, Alex se comporta comme une véritable momie que ni les caresses, ni les blagues, ni les attentions d’Agatha ne parvinrent à faire sourire. Il mangea à peine et passa tout son temps dans sa chambre, le regard perdu dans le vide. Françoise quant à elle devenait de plus en plus silencieuse et pensive ce qui acheva de plomber l’ambiance de la maison.

       De son coté, Alison passa une journée cauchemardesque. Le matin, elle décida de sortir même si elle était pieds nus car la famine devenait de moins en moins supportable mais cela ne servit strictement à rien. Elle n’avait pas la moindre idée de comment trouver de quoi se nourrir : travailler ? Personne ne voudrait embaucher une gamine inconnue d’à peine treize ans pour quoique ce soit ; mendier ? Elle avait beau avoir l’air le plus désemparée possible, ses vêtements avaient l’air trop cher ; voler ? Même si elle le voulait, elle n’était pas en condition de jouer les malfrats et encore moins d’aller en prison. Résultat : une nuit blanche de plus à supporter la famine, la peur, la fatigue et la douleur _car ses pieds étaient vraiment dans un sale état. Elle ne pourrait pas tenir longtemps à ce rythme-là et elle le savait très bien mais que faire sinon continuer d’essayer en espérant un miracle.

L'éclat Du BonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant