La pomme de la discorde

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       Peau blanche, cheveux blonds, yeux verts. Se pouvait-il qu'il s'agisse de quelqu'un d'autre ? Edouard aurait tant voulu que ce soit le cas. Son pire cauchemar était en train de prendre forme sous ses yeux. Le désarroi dans lequel il était plongé l'empêchait même d'ouvrir la bouche. Gaspard, qui comprit son trouble vint tout de suite à son secours.

  -  Que voulez-vous ? Ce n'est pas une heure pour rendre visite aux gens veillez s'il vous plait...
  -  Toi vieillard, ce n'est pas à toi que je suis venu parler alors mets-la en sourdine, le coupa le nouveau venu avec une désinvolture insolente.
  -  Je ne vous permets pas de parler ainsi sous mon toit, s'écria Edouard ayant soudain retrouvé l'usage de la parole.
  -  Ne te mets pas dans cet état s'il te plait, à ton âge il faut faire attention à ses émotions.
  -  Que voulez-vous ?

      L'inconnu alla s'assoir dans le plus beau fauteuil de la pièce et tripota une petite statue en bronze qu'il venait de prendre sur une armoire.

  -  Ce doit être très agréable d'être plein aux as. On vit dans une sublime maison, on a des employés pour faire tous ces trucs qu'on est trop feignant pour faire soi-même, on a des tas de jolies petites babioles qui coutent les yeux de la tête mais qui ne servent absolument à rien.
  -  Je répète : Que me voulez-vous.
  -  Pourquoi es-tu si pressé ? Pour une fois qu'on a l'occasion de se parler en tête-à-tête tu...
  -  Je n'ai rien à vous dire.
  -  Très bien, alors je vais parler à ma fille.
  -  Comment...
  -  Ne sois pas stupide. Tu pensais vraiment que je ne découvrirais pas que tu l'avais ? Je sais tout figures-toi, je sais qu'elle est avec toi depuis deux semaines et qu'elle a failli finir au fond de la mer à cause de tes bêtises.
  -  Vous ne vous êtes jamais soucié d'elle ! Depuis quand vous intéressez-vous à ce qui lui arrive ?
  -  Depuis qu'elle est devenue mon gagne-pain.
  -  Quoi ?!
  -  Ne donne pas l'air d'être plus naïf que tu ne l'es déjà. Tu veux ta petite fille et moi, je veux vivre comme un roi. Que faut-il faire à ton avis ? Un échange ! Moi je renonce à tous mes droits sur Yolaine et toi tu me donnes... Hum... Disons dix millions d'ici deux jours.

       Edouard était scandalisé. Comment pouvait-on vendre ainsi son enfant ? Quoi qu'il en soit, il était prêt à tout pour que cet homme s'éloigne définitivement de sa famille.

  -  Si vous me jurez de renoncer à Yolaine et de plus vous approcher d'elle, je vous en donne vingt dès demain.
  -  Je te remercie beaucoup, je vais utiliser cet argent pour retrouver mon autre fille dont je pense pouvoir obtenir dix fois plus.
  -  Quel genre de père êtes-vous ?
  -  Tu es mal placé pour me parler d'amour paternel, toi qui remplace un enfant par un autre.
  -  De quoi parlez-vous ?
  -  De Michelle ! Ce prénom te dis quelque chose ? celle qui était la cinquième roue du carrosse dans sa propre famille et qui est morte sans connaitre l'amour de son père tellement celui-ci était occupé à traiter sa petite Victoria comme une princesse.
  -  Je vous interdis de parler de Michelle, hurla Edouard hors de lui.

      Il ne supportait pas qu'on parle de sa deuxième fille Michelle car il s'agissait d'un sujet trop douloureux. Il avait depuis toujours espéré qu'elle reviendrait et avec elle, la partie de son âme qui avait été arrachée lorsqu'elle est partie et aujourd'hui, c'était un parfait inconnu qui venait lui annoncer sa mort.

       Dans sa colère, Edouard n'avait pas remarqué que l'espace d'un instant, la voix de Sylfried s'était mise à trembler comme si l'évocation de ce prénom lui faisait du mal à lui aussi, mais ce détail n'échappa pas à Gaspard et c'est lui qui poursuivit.

  -  Vous devriez avoir honte !
  -  Plus honte qu'un vieux crouton égoïste prêt à tout pour conserver ses intérêts y compris à mentir à son petit fils sur la mort de sa mère ? Eh oui, cette histoire-là aussi, je la connais.

L'éclat Du BonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant