Chapitre 3 - Adoption révélée

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Le trajet du retour se fit en silence. Mon père me lançait des coups d'oeils, de temps à autre, mais je préférais regarder par la fenêtre. Le ciel gris semblait menaçant. J'avais toujours détesté l'orage. Je me sentais à la fois excitée et angoissée lorsqu'il venait, incapable de dormir.

Le tonnerre grondait au loin, terrifiant. Une main sur la joue, j'observais le paysage. La maison où résidait mes parents était perdue dans un village, cerclé par une immense forêt. Les feuilles des arbres bougeaient, comme au rythme des pensées, se préparant à la prochaine averse. RiverIsle était une ville étrange, particulière. On raconte que tous les mythes et légendes ont prit vie ici. Des chevaliers de la table ronde, en passant par les sorciers, ils avaient tous atterri ici.

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Flashback, 10 ans en arrière

Je venais de souffler mes bougies. Il y en avait six ! J'entrais dans le salon, et me cachait à demi derrière la porte, observant maman qui était assise dans le fauteuil moelleux du salon. Je détaillais la table en chêne massif qui mangeait une bonne partie du salon et m'attardais sur le vieux papier blanc crème qui ornait les murs.

Nous venions d'emménager dans cette maison, je l'aimais déjà beaucoup. Le miroir accroché, était abîmé. Maman disait qu'il était bon à jeter. Moi je disais qu'il lui donnait du cachet.

Tout à coup, ma mère releva les yeux de son journal et me fit signe de la rejoindre. Je m'approchais doucement et tendis les bras. Elle me porta et me déposa sur ses genoux.

Elle me toucha le bout du nez, et je frémis. Ses grands yeux chocolat me regardaient avec amour lorsqu'elle me demanda :



-Sais-tu pourquoi nous avons emménagé ici, trésor ?

Je fis non de la tête, et attendis suspendue à ses lèvres.

-C'est ici que naissent tous les mythes et légendes. Toutes les créatures magiques et extraordinaires proviennent de RiverIsle. Et, tu veux que je te dise pourquoi ?

J'hochai vivement la tête, la fixant du regard.

-Car notre ville est spéciale, chuchota-t-elle. C'est un aimant. Elle attire toute chose et personnes qui a un lien avec la magie. C'est inévitable.

J'écarquillais les yeux, à ces mots. La magie.

-Tous ?

-Tous. Mais attention, certaines créations sont maléfiques. Notre région, la Bretagne, est connue pour combattre les groa'ch. Elles ont l'apparence d'une vieille femme au dos courbé, mais sont en réalité des fées malveillantes. On dit que sur leur passage, les arbres s'inclinent et que les fleurs bourgeonnent. De nombreuses histoires comptent la vie d'un homme, attiré par une force surnaturelle dans un lac. Ils ont tous finit noyés. Alors, prends gardes à toi, termina-t-elle avec un doux sourire sur les lèvres.

**

Evidemment, toutes ces conneries n'existaient pas. J'avais 16 ans aujourd'hui, cela faisait longtemps que je ne croyais plus à ces sottises. Mon enfance avait été bercée par des mensonges, tous plus gros les uns que les autres. D'abord, l'interdiction d'aller en forêt à cause des lycanthropes, j'avais plus tard apprit qu'il s'agissait surtout d'un repère de drogués dans une tente. Tu parles de loups garous... Puis, mes parents avaient réussi à me faire croire qu'un Consulat de créatures surnaturelles mêlant loups, vampires et sorcières se réunissait tous les cinq ans, à une centaine de kilomètres d'ici.

Là encore, j'avais eu droit à l'interdiction de sortie pendant deux semaines car ils enlevaient les jeunes afin de les transformer ou de les recruter dans leurs meutes, coven ou je ne sais comment on appelle une bande de buveurs de sang. Des moustiques, peut-être ?

J'appris un mois plus tard que cette date coïncidait étrangement au moment où mon père avait apprit que j'avais un petit copain.

Je repris ma contemplation derrière la vitre. Le chemin de terre avait cédé la place à une route nationale grise, bordée de barrières de sécurité. Nous devions traverser ce pont, pour rentrer chez moi. Il surplombait un fleuve. En contrebas, l'eau s'agitait secouée par les gouttes de pluie qui s'écrasaient. Au loin, un éclair éclata, colorant de mauve clair, le ciel devenu d'un gris sombre.

Puis, finalement, mes parents m'avaient menti sur eux, aussi. Je devais m'y attendre après tout. Je me remémorais la scène, et mon estomac se retourna.

Je me revis, à 15 ans, remontant les escaliers après avoir fait le mur pour rejoindre une amie à un concert. Les chaussures à la main, je montai à pas de loup, lorsque des chuchotements se firent entendre au rez-de-chaussée. Ma sœur était déjà couchée depuis plusieurs heures. Alors je tendis l'oreille :

-Il ne faut pas qu'elle sache, affirma ma mère catégorique.

-Lily, on devait déjà lui dire pour ses douze ans, puis ses quatorze ans. Elle a le droit de savoir la vérité.

-Mais ça va la briser. Charles, tu as vu combien elle tient à sa sœur ? Elles se soutiennent l'une l'autre. Ca va la briser.

-Elle est plus forte que tu ne le crois.

-Je t'en prie, attendons un an de plus.

Mon père soupira :

-Tu sais que ce n'est pas la bonne chose à faire. Plus tu attends, plus ça va faire mal.

Ma mère l'agrippa par le bras et affirma :

-Thalia ne doit jamais savoir que Diana n'est pas sa soeur.

Avec du recul, je crois que je leur en ai toujours voulu. A maman plus qu'à Charles. Il voulait me dire la vérité lui, au moins. Mon cœur saigna un peu plus à l'évocation de ces souvenirs. Aux papiers d'adoptions que j'avais trouvé en fouillant les tiroirs un mercredi après-midi, également.

Je me tournais vers mon père, et dévisageait cet homme. D'un ancrage, pour moi, il basculait jour après jour à un inconnu. 14 ans, ils ont eu quatorze ans pour me le dire.

Il fallut que je le découvre moi-même. Ma rancœur augmentait en même temps que les années. Peu à peu, j'éprouvais du mal à me confier à eux, à leur faire confiance. Je leur avait parlé de l'homme car ce silence m'oppressait. Je ne me sentais plus vraiment à l'aise avec eux. Comme si je n'étais plus à ma place. Chaque fois que j'appelais ma sœur en facetime, je culpabilisais. ¨Parce que je n'avais pas eu le cœur de lui en parler. Ils m'avaient mit au pieds du mur, me rendant complice de leurs délits. Et je ne savais pas comment m'en défaire.

Leur peur m'avait touchée. Mais elle sonnait faux. Cela continuerais jusqu'à ce qu'ils aient le cran de me cracher cette vérité au visage, tout comme ils étaient censés le faire depuis quatre ans. Je ne les croyais plus. Et ma rancœur se mua en souffrance lorsque ma douleur descendit jusque dans mon cœur. 

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Voici un nouveau chapitre de La meute de l'Ombre. Qu'en pensez-vous ? J'ai essayé d'approfondir et de retravailler les décors et le caractère de Thalia, la trouvez-vous attachante ? Et l'univers avec le flashback ? 

A très vite, 

Lionagle

La meute de l'Ombre - Tome 1  Loup doréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant