17 : Rencontre avec une aveugle 🖤💞

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CHÂTIMENT
PETIT PHILOSOPHE
CHAPITRE 17

Comment commencer ? Ça m'ennuie de vous parler de trucs anciens que plus personne ne connaît et donc, par effet de la cause, comme disent les philosophes de Socrate à SaintThomas d' Aquin, plus personne n'en parle.

Vous mettre au parfum dès maintenant équivaudrait à dénaturer mon histoire et vous donner la chute dès la cinquième ligne.

Donc je vais vous parler d'un temps où les choses n'étaient pas comme aujourd'hui. Il n'y avait pas l'eau courante dans les maisons, et ma mère, bien que nous habitions à partir du début des années 90 dans un HLM tout confort, n'a jamais su dire : « je vais chercher de l'eau au robinet ».

Elle disait : « je vais chercher de l'eau à la fontaine ». D'ailleurs il me semble qu'un groupe d'illuminés rencontrés sur internet veulent moderniser le nom de Jean de La Fontaine par Jean du Robinet. Mais ne t'inquiète pas Jean, moi et quelques personnes que je connais, nous allons empêcher ça !

Donc à cette époque la plupart des logements étaient insalubres. Les lits étaient en métal. Et je revois mon père les passer régulièrement au chalumeau afin de tuer les punaises. Même si aujourd'hui je ne me souviens plus de son vrai visage.

Bref !

Nous sommes en 1996, au Sénégal. J'ai deux ans. Enfin, je crois parce que je marche à quatre pattes. Nous habitions au HLM au deuxième étage d'un petit immeuble qui en comportait trois et dont la particularité, était d'être situé à côté d'un cinéma en plein air. L'image traversait la rue et allait se projeter sur les façades des immeubles d'en face.

C'était pour moi comme un kaléidoscope géant qui m'amusait. J'entendais les voix et la musique des films, je voyais les personnages en couleur bouger. Ça me suffisait comme distraction. Mais j'en avais d'autres. L'immeuble avait un toit-terrasse où les femmes venaient étendre leur linge. C'était un grand plaisir pour moi de jouer avec le vent entre les draps qui pendaient jusqu'au sol.

Je me souviens, d'un jour où mon grand-père (Fallou) est venu nous voir. Nous étions sur le balcon. Je ne sais pas pourquoi il m'a pris et m'a soulevé à bout de bras au-dessus du vide par-delà la balustrade. Je m'en souviens très bien. Je me suis mis à lui pisser sur le visage. Pourquoi ? Je n'en sais rien, peut-être que j'ai eu peur. D'après ma mère, beaucoup plus tard, me raconta que tout le monde avait beaucoup rit ce jour-là, après avoir beaucoup tremblé qu'il ne me lâchât.

Autre souvenir de cette époque, cet immeuble avait un perron de trois marches sur lesquelles une belle femme vendait des figues de barbaries fraîches. La plupart du temps, elle  était torse nu. Elle avait une paire de seins bien plus gros que ceux de ma mère que je regardais avec convoitise… déjà … !

                                                                                                            

C'était un jour comme les autres, chaleur tropicale avec peu de vents chauds, un mélange de simoun et de sirocco et le tour est joué, les draps sont secs.
Donc, c'est l'après-midi, il fait trop chaud pour monter jouer avec le vent sur la terrasse. Je marche à quatre pattes dans l'appartement de mes parents. Ma grand-mère maternelle habite avec nous.

Je vais par-ci, par-là, sur le carrelage en terre cuite : une belle tomette rouge brut. Ici on lave à grande eau, on est encore à l'ère de la serpillière que l'on passe et essore à la main. En fait, je n'ai pas de but, j'explore ! Ça m'amuse, je n'ai pas d'obstacle, je passe sous les tables et sous les lits. Je fais des voyages que je suis seul à imaginer.

Les lits sont comme des tunnels dans la pénombre des couvre-lits. Ça fait monter mon adrénaline. Et tout à coup, sous un lit, celui où dorment mes parents, du côté de la tête, je vais être servi en matière d'adrénaline, je me retrouve nez à nez avec une tête veau entière. Une tête de veau fraîchement coupée, de chez le boucher, avec encore quelques  traces de sang qui coulent et deux gros yeux glauques qui me regardent d'un regard torve. J'ai eu la trouille de ma vie. Mon cœur s'est mis à battre la chamade.

Je n'ai aucun souvenir de la suite de cette histoire si ce n'est que 28 ans plus tard, je m'en souviens encore.
Je n'ai jamais fait de rencontre aussi violente.

Ma mère m'a raconté plus tard que caché sous le lit, j'ai pleuré tellement fort que j'ai ameuté tous les occupants de l'immeuble.

D'après ma grand-mère, une tête de veau sous le lit des jeunes mariés éloigne le mauvais œil et empêche les cauchemars et les mauvais rêves.Vous vous rappelez, je suis l'aîné, bhée, bhée, donc mes parents sont encore des jeunes mariés.
Voici ce dont je me souviens de mon enfance. 

22 novembre 2021
Cet-été là, au lieu d'aller au bord de la mer, j'étais resté à Mbour pendant les vacances. Je marchais sans but en pensant à ma vie, à mes amours malheureuses, aux occasions que j'avais laissé passer, au hasard qui m'avait fait naître en un lieu et un temps plutôt qu'un autre, à la place misérable et cependant insigne que j'occupais dans l'univers. En somme, je m'ennuyais, et mon esprit insatisfait se refusait au repos. La nuit allait bientôt me surprendre loin de chez moi, sans ticket de taxi ni plan de la ville, seulement mes jambes et ma jeunesse, ma carte d'identité, les dix francs que mon père m'avait conseillé un jour d'avoir toujours sur moi pour ne pas être arrêté par la police au motif de vagabondage, enfin une vague envie d'accorder sa chance à l'occasion, si elle voulait se présenter, d'être humble et soumis devant l'aventure, de me laisser aller, pour une fois, à vivre l'instant présent, au lieu de le regarder extérieurement, jusqu'à ce qu'un jour, cristallisé, aléatoire et fantasque, je me rend compte qu'il avait trouvé sa place parmi les regrets.

            Quelques voitures passaient sur le boulevard de la Villette, lorsque, sur un banc, j'avisai une femme, dont la tournure inhabituelle attira mon attention. Elle était jeune, vingt-deux ou vingt-trois ans, vêtue d'une robe blanche. Je n'aurais pas été surpris d'entendre les violons lointains d'un bal, je tendis l'oreille, ne me parvint que l'écho étouffé d'un rire, quelque part, entre le bruit des moteurs et le chuchotement des premières étoiles. Il faisait doux. Je me sentis las. J'avançai vers le banc, sans quitter des yeux le visage de la jeune femme qui, sans inquiétude, au fur et à mesure que j'approchais, se tournait vers moi. C'est alors que je remarquai, à une certaine fixité de ses paupières, que la jeune inconnue était aveugle. Une timidité m'ôta l'usage de la parole. Je m'assis à l'autre bout du banc, tandis qu'un sourire pâle, accordé à la lune, naissait sur ses lèvres, léger comme son maquillage, que, de loin, je n'avais pas vu.
-Bonsoir Madame
Elle ne répondait pas.
- Madame,  bonsoir !
- Bon sang, que me voulez-vous ? N'avez vous pas assez de m'avoir autant violé tout simplement parce que je ne vois pas.  Si c'est ce qui vous amène,  venez,  je suis habitué de toute façon.
En ce moment mes yeux étaient infondés de larmes.  Comment oser violer une personne aveugle.  Le monde est sans cœur.
- Non Madame,  je ne suis pas là pour ça,  au contraire j'aimerai faire votre connaissance.  Votre beauté m'a attiré de le l'autre bord de la route. Je m'appelle David Mbengue,  je suis étudiant en droit à l'université Gaston Berger de Saint Louis du Sénégal.  Je suis en ma cinquième année d'étude à l'université.
Et je l'ai tendu ma carte d'identité.  Oups, j'ai oublié qu'elle est aveugle. 
- Au moins je peux dire que vous êtes poli. Mais j'ai peur. Vous jeune , vous êtes capable de tout.  Qu'attendez vous de moi ?
- Je suis amoureux !
- Quoi, mais c'est la première fois que vous me voyez non.....
- C'est un coup de foudre peut-être...je vous aime.
J'ai même oublié que je déclarais mes sentiments à une aveugle.
- Faites moi confiance s'il vous plaît !
- Euhhh......je ne

À suivre.......

CHÂTIMENTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant