Lettre 1

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Fait à Lyon, le lundi 1er mars 2021

 Chère Nophélie,

Je t'adresse cette lettre pour te faire part de mon étrange ressenti concernant ton comportement de ce lundi. J'ai l'impression que tu n'étais pas dans ton assiette, toi qui es si souvent joyeuse, le sourire aux lèvres, respirant la joie de vivre, manifestant ta présence à ces autres qui t'admirent du coin de l'œil malgré ta timidité qui commence à s'estomper depuis que tu as assumé ce que tu sais. Je suis consciente qu'il se peut que ce ne soit qu'un mauvais jour, et que demain, mes doutes ne se verront pas confirmés, mais tu sais bien mieux que tout le monde que je n'écrirais pas cette lettre si je n'étais pas quasiment sûre que quelque chose ne tournait pas rond. Tu n'as envoyé aucun message, ni à moi, ni à Layane, ce qui n'a pas l'air si effrayant comparé à certains qui ne sont jamais connectés, mais venant de toi, en revanche, qui est accro à ton téléphone, c'est bien étrange. Je ne ferai pas parvenir ton humeur d'aujourd'hui à Layane, pour ne pas l'inquiéter, mais sache que ton silence la fait souffrir tout autant que moi, et que je n'hésiterai pas à l'informer si tout cela tourne au désastre. Oui, je me fais très sûrement des nœuds au cerveau, tu sais comment je suis. Et ce que tu as fait aujourd'hui a éveillé mes soupçons. Peut-être devrais-je m'orienter vers le métier d'espion ou de psychologue, si mes craintes se révèlent juste ? Pardon, le temps n'est pas à la plaisanterie. Enfin, je ne crois pas.

Comment suis-je aussi certaine qu'il s'est passé quelque chose depuis la fête d'hier ? Eh bien, j'avoue t'avoir un peu espionnée pendant la journée dès que j'ai lu dans tes yeux une détresse que tu cachais derrière la flamme de détermination qui alimente ton regard où beaucoup voudraient pouvoir se noyer. Je t'ai posé diverses questions sans importance, et j'ai remarqué que tu répondais à côté de la plaque, ou que tu te contentais de hausser les épaules. Tu semblais être encore plus dans la lune que d'habitude, comme si tu voulais découvrir sa face cachée. En cours d'arts plastiques, tes traits n'étaient pas droits, comme si ta main n'arrivait plus à tenir le crayon, transformant les magnifiques courbes que tu arrives à créer habituellement en d'immondes bosses. Désolée de te mettre face à la vérité, mais je sais que tu as toi aussi remarqué que ton crayonné manquait sincèrement d'habileté cette fois-ci. Mais bon, ça encore, ça peut arriver à tout le monde. En revanche, autre chose a éveillé ma curiosité. Au self, le vacarme provoqué par la chute du plateau d'un terminal t'as fait sursauter, déversant au passage le pichet d'eau sur toute notre table. Ce que reflétaient tes yeux à ce moment-là hante mon esprit depuis. Une peur effroyable accompagnée d'une douleur intense, que je n'avais jamais lu auparavant. Je suis sans doute parano, mais tu sais ô combien je tiens à toi, et je ne veux pas que tu vives la même chose que d'autres. Pas besoin de te dire que je sous-entends avec ce "d'autres" mon frère... Nous savons toutes deux ce qu'il a vécu, et ce pour quoi il ne peut, à ce jour, nous observer que d'en haut.

Tous les scénarios m'ont paru plausibles, et j'espère que ce n'est pas la mort d'un de tes proches qui t'as mise dans cet état. Je prie fort pour que tes parents soient restés fidèles à leur nom, et que ce ne soit pas de leur faute non plus.

Je me demande ce à quoi tu pouvais bien penser aujourd'hui, et ce à quoi tu penses à l'instant. Moi je suis devant ma fenêtre, à observer le ciel et les étoiles qui malheureusement ne me donnent aucune piste ou indice concernant le pourquoi de ton état.

Que fais-tu ? Comment vas-tu ? Et surtout, pourquoi ? Ne me dis pas que tout va bien, tu n'as jamais été comme ça auparavant. Sache que Layane n'est pas la seule à être là pour toi, et si tu as besoin de parler, ne m'oublie pas.

 Bisous,

 Diana, ta meilleure amie.

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