Lettre 3

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Fait à Lyon le jeudi 11 mars 2021

 Chère Nophélie,

Une bonne grippe m'a tout d'abord empêchée de te voir, et maintenant que je suis de retour, c'est toi qui es introuvable. Layane ne t'a pas vu au théâtre hier, et son inquiétude ne fait qu'augmenter la mienne. Je sais que j'aurais dû attendre encore un peu avant de la contacter, mais sa tristesse m'a fait trop mal au cœur. Je l'ai donc informé de ce que je savais. Petit problème, je ne sais pas grand-chose.

Par simple curiosité, j'ai demandé à Elena avec qui elle avait passé ces derniers jours puis sa réponse m'est entrée en tête comme un coup de poignard : PERSONNE. Tu sais ce que ça veut dire. Elena, seule. C'est un évènement. J'aimerais bien apercevoir ne serait-ce que ton ombre, car ta disparition ne me dit rien qui vaille. Ça se trouve, je ne t'ai juste pas assez cherchée, ou j'ai abandonné trop tôt. Pourtant j'ai l'impression que tu essayes de te cacher de nous. Sauf que tu oublies ô combien je suis têtue.

J'ai profité de ma convalescence pour questionner ma mère au sujet de ta famille. Savais-tu qu'elle avait la tienne dans sa classe de fac ? Apparemment, elles n'étaient pas de vraies amies. À cause des mecs m'a-t-elle dit. C'est ridicule, non ?

Si tu avais été en face de moi, tu m'aurais dit que non, c'était loin d'être ridicule, et que je comprendrais plus tard. Je t'aurais ri au nez puis tu m'aurais salué avec ce sourire niais et cette flamme dans le regard, avant de partir dans une explication aussi philosophique qu'alambiquée, la voix enrouée de joie, d'excitation. Je sais à quoi tu penses quand tu parles ainsi. Tes pupilles expriment tes sentiments, ton bonheur, comme toute trace de tristesse positive lorsque tu penses à elle.

Tu vois, je te connais bien, or pas assez pour savoir ce qui te tracasse. En revanche, ma mère m'a dit quelque chose qui pourrait bien aboutir à un début de piste. Tu sais, le samedi, elle vend des fruits du jardin au marché. Ça lui fait sa petite sortie de la semaine tout en lui faisant bénéficier d'une prime supplémentaire. et tu sais quoi ? Elle m'a appris que samedi dernier elle avait entendu parler les Stang et les Rewyn entre-eux. Les Stang et les Rewyn ! Tu imagines ? Je ne sais pas si je te l'ai déjà raconté, mais j'ai récemment été prise en sandwich entre les deux familles qui se jetaient des pierres au visage ! Leur haine perdurant depuis des décennies était aujourd'hui invisible. Ils se sont échangés des mots. Des mots ! De plus, le père des Stang n'a pas été poignardé dans le dos comme en 1952, tout comme la mère des Rewyn ne s'est pas faite violée comme en 1998, non ! Aucun cri, ni hurlement ! Juste... deux familles en bonne entente parlant du jour et du beau temps. Bon, en vérité, ils n'avaient pas eu une conversation « normale ». Sinon, pourquoi l'aurais-je mentionné dans cette lettre ?

En bref, le père a conté un étrange évènement qui était survenu un dimanche, près de ton quartier – pour ne pas dire chez toi. Des voisins n'auraient pas pu s'empêcher de raconter à leurs amis la porte qui a soudainement claqué, ainsi que quelques cris perçus grâce à la fenêtre ouverte de ta chambre. J'imagine qu'ils voulaient garder cela secret, mais tu sais qu'ici, les rumeurs vont bon train et tout se sait.

Les adultes savent qu'il s'est passé quelque chose d'inhabituel, cependant, personne ne sait quoi, ni pourquoi, et aucun ne veut chercher à le savoir. Ma mère me dit que ce n'est qu'une question de temps, et qu'elle est certaine qu'il n'y a rien de grave, néanmoins ta famille avec sa foutue réputation m'exaspère. Il y a certaines choses qui devraient se dire. Même si une pensée ou une certitude se voit déchirée concernant la réelle identité d'une personne. Je me fiche de savoir ce qu'il adviendra d'une mise en public de la vérité. Tout ce que je souhaite, c'est savoir ce qui se passe pour t'aider au mieux.

Entends-tu mon appel ? J'aimerais autant percevoir le tien que je préférerais ne pas le comprendre. C'est difficile de me sortir de cette situation. Tu restes en boucle dans mes pensées, sans que je ne parvienne à te voir. J'ai tant de questions à te poser. Mais si je pouvais simplement t'apercevoir au fin fond d'un couloir pour m'assurer que tu es en vie, cela me conviendrait. Je m'en contenterais. Sache que je n'abandonnerai pas mes recherches si vite, je suis déterminée à comprendre ce qui s'est passé ce jour-là, ou cette nuit-là, même si je suis actuellement sans piste.

 Diana, ton amie désespérée.

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