Fait à Lyon le lundi 15 mars 2021
Chère Nophélie,
Je t'ai vue. Enfin ! Tu avançais tête basse, vêtue d'un sweat noir à capuche et d'un jogging sombre à rayure. Coiffée comme un garçon, je ne m'étonne plus de ne pas t'avoir reconnue. Après tout, je ne t'avais pas cherchée en compagnie de ceux-là. Et surtout pas en tête à tête avec un gars. Comment s'appelle-t-il ? Qui est-il pour toi ? Où habite-t-il ? Quel âge a-t-il ? Pourquoi lui parles-tu ? Pourquoi ne te quitte-t-il pas du regard ? Es-tu surveillée ? Ou est-ce juste une personne avec qui tu passes ... du bon temps ? J'espère que ton regard me prouvera que ma seconde théorie est fausse. Je le saurai demain, lorsque nous nous verrons en cours d'arts-plastiques, vu qu'aujourd'hui la professeure était absente. Dans tous les cas, j'ai beau me creuser la tête, ce garçon ne me dit rien. Est-il nouveau ? Ou ai-je une mémoire défaillante ? Peut-être qu'un portrait robot de lui me permettrait d'y voir plus clair mais sur le papier, ses cheveux roux, sa grande taille et ses yeux noisette ne me parlent en rien. Seul ce nez fin me fait penser à quelqu'un, sans que je ne parvienne à mettre le doigt dessus. C'est assez frustrant je l'avoue, et il se passe tant d'évènements ces derniers temps ! On peut dire que je profite seulement du temps passé en compagnie d'Elena, hypnotisée par un je ne sais quoi au fond de la cour, ou au téléphone avec Layane qui me raconte les souvenirs partagés en ta compagnie. Elle n'a trouvé que ça pour ne pas déprimer davantage. Et je la comprends. Te savoir en danger permanent, triste d'une ou plusieurs choses dont on ignore tout, neutre comme une pierre tombale, et brisée de l'intérieur doit lui martyriser le cœur. Et je ne lui souhaite que son bien à elle aussi. Alors, reviens vite je t'en prie et raconte-nous ce présent que tu subis et qui semble peser des tonnes sur tes épaules. Peut-être pourrions-nous t'aider à porter ces kilos pour gravir avec toi la montagne qui te fait face ? On a toujours tout fait ensemble, alors, que tu affrontes une aventure seule en nous laissant sur le bord de la route ne peut que nous offenser ! Je rigole, même si j'espère que le jour des révélations arrivera bientôt.
Je dois avouer que j'en ai marre de courir après une fausse présence – qui est tienne – poursuivant le temps lui-même. N'oublie pas que tu n'es pas marathonienne, je finirai bien par te rattraper et savoir ce qui te tracasse autant pour passer tes heures avec un mec qui crache dans les poubelles, qui casse les casiers, qui se jette dans les bagarres et qui gifle le premier venu. Je ne dirais pas que ça ne te ressemble pas, puisque beaucoup de détails m'échappent (comme cette nouvelle coupe de cheveux qui ne te va malheureusement pas très bien), mais honnêtement, je pense que tu ne supportes pas sa présence.
Oui, je ne l'ai vu à l'œuvre sur aucune des actions citées ci-dessus. Pourtant, de un, c'est un garçon, de deux, son apparence en dit long sur son caractère. Et de trois, j'essaye de me mettre à ta place, dans ton esprit, qui considère chaque être masculin comme une horrible personne dès qu'elle s'approche à moins d'un mètre de toi. Tant qu'ils se tiennent éloignés, ils peuvent t'inviter aux fêtes. Une erreur, et c'est terminé pour eux. C'est d'ailleurs étrange de les voir continuer à se battre pour toi, alors que tu es l'arbitre de leur combat. Qu'un commandant lointain qui attribue les points et qui participe activement à l'enjeu d'un match sans pourtant y être véritablement.
J'ai de nombreuses fois imaginé ce à quoi tu pensais en voyant certains te faire la cour : Une bière ? Okay, sers-toi. Deux, pas de problème. Trois ? Tu ôtes tes sales pattes de mon bassin, pervers. Échec. Ou alors : Une petite danse ? Avec plaisir ! C'est un slow ? Désolée, pas pour moi. Échec et mat.
Toujours tant d'harmonie et de beauté, les mots délivrés sans doute ni remords. Tu as le monopole de la situation, et tous te respectent ou meurent. Jusqu'à ce jour où ton vide leur a déconseillé d'approcher, excepté ce garçon qui semble en avoir profité pour t'aborder et poser sa main sur ta hanche. Même si je m'y refuse, je commence à douter de ta sincérité, Nophélie. Je veux bien que ça aille mal, mais trahir ta personnalité, trahir Layane, pour un garçon pareil ? Non merci. Je garderai le silence. Une semaine. Si rien ne m'a prouvé le contraire de ce que j'imagine, je la préviens. Si ça se trouve, tu nous évites juste pour ne pas devoir nous expliquer, et ce visage vide n'est l'œuvre que d'une comédie maintes fois expérimentée au théâtre. Je te donne sept jours, pas plus.
Tu vois où j'en suis avec ton silence ? À m'imaginer des trucs pareils ! Je suis moi-même en train de m'exaspérer tant cela paraît stupide ! Si seulement tu me disais tout... notre vie redeviendrait comme avant.
Diana, ton amie.
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Découvrir la vérité
Teen FictionToute la vie de Nophélie, adolescente de 17 ans, a sombré à cause d'une simple feuille, contenant un secret bien douloureux à conserver. Diana, sa meilleure amie, est déterminée à comprendre ce qui se passe, et va relater les évènements dans diverse...